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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

La Chine soutient-elle l’expansionnisme russe?

Vladimir Poutine considère que les anciens pays satellites de l’URSS sont en réalité une partie intégrante de l’empire russe.
Vladimir Poutine considère que les anciens pays satellites de l’URSS sont en réalité une partie intégrante de l’empire russe. Photo AFP
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Photo portrait de Loïc Tassé

Loïc Tassé

24 avril 2023
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C’est au minimum une bourde diplomatique retentissante et au pire l’annonce d’une troisième guerre mondiale que l’ambassadeur de Chine en France vient de commettre.

Ses paroles sont tellement graves qu’elles valent la peine d’être citées. Interrogé vendredi soir sur la chaîne LCI, l’ambassadeur Lu Shaye a déclaré que «les pays de l’ex-Union soviétique n’ont pas le statut effectif dans le droit international parce qu’il n’y a pas d’accord international pour concrétiser leur statut d’un pays souverain».

En d’autres termes, les pays de l’ex-Union soviétique ne sont pas vraiment des pays et donc leur conquête par la Russie est permise.

Cette position, fausse, rejoint celle de Vladimir Poutine qui considère que les anciens pays satellites de l’URSS sont en réalité une partie intégrante de l’empire russe.

Cette vision ignore complètement la volonté des peuples qui ont décidé, lors de l’effondrement de l’URSS, de devenir des pays indépendants.

Logique chinoise de conquête

Elle rejoint cependant pleinement la politique de Pékin à l’égard des Taïwanais et des Hongkongais, auxquels le gouvernement chinois refuse toute indépendance.

La logique d’un espace territorial hors frontières sous la dictature russe est un écho de l’espace vital réclamé par les nazis ou de la sphère de coprospérité japonaise de la Seconde Guerre mondiale.

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Pour la Chine, une conception similaire du monde s’articulerait naturellement autour de la sauvegarde des intérêts de la vaste diaspora chinoise, localisée en particulier en Asie. La stratégie des nouvelles routes de la soie s’y intègre parfaitement.

Explication demandée

Le gouvernement chinois a été prié d’expliquer s’il endossait les propos de son ambassadeur.

Dans l’affirmative, la Chine ouvrirait la porte à un soutien de la Russie face à la reconquête de son empire. Autant parler d’un soutien à la troisième guerre mondiale.

Dans la négative, l’ambassadeur Lu aurait commis une sérieuse bourde qui justifierait son rappel. Autrement, le gouvernement chinois indiquerait qu’au moins une partie des dirigeants chinois partage ses vues extrémistes.

Conséquences pour l’Europe

La Russie ne peut pas, dans l’État actuel de ses forces, reconquérir les pays est-européens. Cependant, avec l’aide de la Chine, elle peut laisser planer sur eux une menace extrême à long terme.

Cette menace justifie le réarmement accéléré des pays européens. C’est autant d’argent qui ne sera pas investi en Europe dans la course commerciale et industrielle contre la Chine.

Éventuellement, le renforcement des appareils militaires européens pourrait compliquer la cohésion européenne, et surtout, renforcer les capacités d’indépendance militaire des Européens face aux Américains.

Tout compte fait, l’ambassadeur Lu, qui notamment auparavant avait servi en Afrique, puis au Canada, a trop d’expérience pour s’être exprimé à la légère. Même si l’ambassadeur Lu est réputé pour ses déclarations outrancières de «loup combattant», il est douteux qu’il soit rappelé.

Lu a probablement énoncé les fondements réels du nouvel ordre international auquel aspire Xi Jinping.

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