Legault et Trump au grand cirque de Davos
Le Québec dépense des centaines de milliers de dollars pour être présent à cet événement exclusif
Sylvain Larocque
François Legault participera la semaine prochaine à sa deuxième réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos, en Suisse. Les retombées réelles de ce sommet des riches et puissants sont toutefois peu significatives.
Entre deux rencontres avec des dirigeants de multinationales, M. Legault aura peut-être l’occasion d’apercevoir quelques-unes des vedettes de l’édition 2020 : soit le président américain, Donald Trump, le prince Charles, la chancelière allemande, Angela Merkel, ou la militante écologiste Greta Thunberg.
M. Legault est le sixième premier ministre du Québec à assister à cette grand-messe de la finance et de la politique depuis que Robert Bourassa a démarré cette tradition, en 1987. Avec six présences, Jean Charest est celui qui y a participé le plus souvent.
Le Québec est l’un des États du monde qui, année après année, est le mieux représenté à Davos. Aucune autre province canadienne n’est présente de façon aussi assidue à cet événement coûteux.
Parmi les autres Québécois qui seront sur place cette année, on compte le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, la principale de l’Université McGill, Suzanne Fortier, ainsi que les PDG d’Hydro-Québec, Éric Martel, d’Investissement Québec, Guy LeBlanc, et de SNC-Lavalin, Ian Edwards.
Dernier tour de piste pour Sabia
Le grand patron de la Caisse de dépôt, Michael Sabia, profitera probablement de l’occasion pour faire ses adieux à ses interlocuteurs internationaux, quelques jours à peine avant de quitter son poste pour prendre les rênes d’un institut à Toronto.
Chaque année, le gouvernement et ses sociétés d’État dépensent des centaines de milliers de dollars pour planter le drapeau québécois dans les Alpes suisses. Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Yvan Allaire, qui est allé à quelques reprises à Davos pour Bombardier et pour l’Institut sur la gouvernance, reconnaît que c’est l’endroit idéal où rencontrer des PDG et des leaders politiques.
« Le premier bénéfice de Davos, c’est qu’il y a sur place plus de 1000 hauts dirigeants et qu’il est facile d’organiser des rencontres, dit-il. C’est extrêmement efficace. »
Et pour les leaders occupés, le Forum est l’occasion de faire le point sur les grandes tendances mondiales du moment.
« C’est un tour d’horizon rapide qui évite d’avoir à lire 50 rapports et 23 livres », souligne M. Allaire.
À Davos, les premiers ministres québécois rencontrent plusieurs chefs d’entreprise, mais ce sont souvent les mêmes : Ericsson, ArcelorMittal et Volvo, notamment.
« Ça coûte très cher, tout ça. Honnêtement, je ne veux pas être trop méchant, mais je pense que le rendement, compte tenu des sommes investies, semble assez modeste », affirme Yvan Allaire.
Les enjeux
Crise climatique
Désormais connue partout dans le monde, la militante suédoise Greta Thunberg en sera à sa deuxième présence à Davos. Elle demandera aux chefs d’entreprise et aux politiciens de mettre fin à tous les investissements dans les énergies fossiles, y voyant une « folie » qui menace l’avenir de l’humanité.
Réforme du capitalisme
Le Forum économique mondial vient de publier une nouvelle version de son « manifeste », publié la première fois en 1973 par le fondateur de l’événement, le professeur allemand Klaus Schwab. On y prône un capitalisme qui ne serait pas seulement au service des actionnaires, mais de toute la société, et qui attaquerait de front des enjeux comme l’équité fiscale, la corruption, la rémunération des hauts dirigeants et les droits de la personne.
Taxation du numérique
Le secrétaire au Trésor américain, Steven Mnuchin, rencontrera à Davos le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, dans l’espoir d’en arriver à un accord sur la taxation du numérique. La décision de Paris d’imposer une taxe de 3 % sur les revenus des géants comme Google et Facebook a semé la zizanie entre les deux pays.
Le Québec
Libre-échange avec l’Europe
C’est à Davos, en 2007, que Jean Charest a fait les premiers pas vers un libre-échange entre le Canada et l’Europe. L’accord est entré en vigueur en 2017, mais les entreprises canadiennes en ont peu profité jusqu’ici.
ArcelorMittal
En 2017, Philippe Couillard a annoncé à Davos qu’ArcelorMittal allait investir 500 M$ sur la Côte-Nord. Mais pour convaincre la multinationale, Québec a consenti à offrir 60 M$ en rabais d’électricité.
Ericsson
En 2013, Pauline Marois a rencontré à Davos des dirigeants d’Ericsson, qui ont par la suite annoncé un investissement de plus de 1 G$ pour un centre de données à Vaudreuil-Dorion. Mais moins d’un an après son ouverture, le centre fermait ses portes.
L’édition 2020 en bref
- Participants : près de 3000
- Chefs de gouvernement : 53
- Sécurité : 55 M$
- Soldats : 5000
- Adhésion au Forum : de 81 000 $ à 810 000 $
- Jets privés : plus de 1000