Le système immunitaire, grand responsable du vieillissement biologique
Richard Béliveau
Une recherche récente suggère que la perte de fonction immunitaire qui survient avec l’âge contribue au vieillissement de l’ensemble de l’organisme.
Dans les pays développés, de plus en plus de personnes ont maintenant l’opportunité de vivre jusqu’à un âge avancé, avec 85 % de toutes les personnes nées aujourd’hui qui vivront au moins jusqu’à leur 65e anniversaire, et 42 % qui vivront au-delà de leur 85e anniversaire(1).
Cependant, le vieillissement étant, et de très loin, le principal facteur de risque pour l’ensemble des maladies chroniques, le prix à payer pour cette longévité est dans plusieurs cas l’apparition de plusieurs maladies invalidantes qui peuvent diminuer substantiellement les bénéfices qui découlent d’une survie prolongée. D’autant plus que les personnes âgées sont à haut risque d’être touchées simultanément par plusieurs de ces maladies, ce qui signifie que même si on parvient à développer un traitement contre l’une de ces maladies (le cancer, par exemple), cela n’a pas d’influence sur l’apparition d’une autre (l’Alzheimer, par exemple) et n’améliore donc pas significativement l’état de santé de la population âgée en général(2).
Cibler le vieillissement
Au lieu de traiter les effets du vieillissement (les maladies chroniques), une autre approche consiste plutôt à cibler les causes de ce vieillissement, c’est-à-dire les processus cellulaires qui sont responsables de la détérioration de la fonction des cellules avec l’âge.
Un de ces processus est la sénescence (du grec senex, qui signifie « vieil homme ») : avec le temps, les cellules du corps humain accumulent des dommages et, en réponse, cessent de se diviser. Les cellules deviennent alors dans un état stationnaire, ce qui crée avec le temps des conditions inflammatoires qui endommagent les organes et affectent leur fonctionnement.
La sénescence suscite actuellement énormément d’intérêt dans la communauté scientifique, car on a montré que certaines molécules capables de cibler spécifiquement les cellules sénescentes (les molécules sénolytiques) améliorent la forme physique et augmentent l’espérance de vie de modèles animaux(3).
Immunosénescence
Un des systèmes les plus affectés par la sénescence est l’immunité. La pandémie de COVID-19 a bien mis en évidence qu’au cours du vieillissement, le système immunitaire perd progressivement la capacité de neutraliser les pathogènes (virus, bactéries) et joue un rôle clé dans la susceptibilité des personnes âgées aux infections virales.
Pour mieux comprendre la contribution de cette immunosénescence au processus de vieillissement, des chercheurs américains ont éliminé spécifiquement une protéine réparatrice de l’ADN présente dans les cellules hématopoïétiques qui sont les précurseurs des cellules immunitaires(4). Ils ont observé que cette modification était sans impact sur la santé des animaux jusqu’à l’âge adulte, mais provoquait par la suite une élimination prématurée de plusieurs populations de cellules immunitaires et une perte d’immunité, des phénomènes similaires à ceux normalement observés chez les souris âgées.
L’aspect le plus intéressant de l’étude est que cette immunosénescence s’accompagne en parallèle d’une sénescence accélérée de plusieurs autres organes, ce qui suggère que les cellules immunitaires sénescentes participent au vieillissement de l’ensemble de l’organisme.
Les chercheurs ont également montré que la transplantation à de jeunes souris de cellules immunitaires provenant des animaux génétiquement carencés pour cette protéine était suffisante pour accélérer le processus de sénescence et diminuer leur durée de vie.
Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que les cellules du système immunitaire sont particulièrement vulnérables aux dommages à l’ADN qui surviennent lors du vieillissement.
En plus de causer une diminution de l’efficacité immunitaire, cette immunosénescence semble également promouvoir le processus de vieillissement touchant l’ensemble des organes de l’organisme.
La découverte de molécules sénolytiques capables de cibler spécifiquement les cellules immunitaires vieillissantes pourrait donc permettre de créer de nouveaux médicaments pour ralentir le vieillissement biologique et ainsi réduire l’incidence de plusieurs maladies chroniques incapacitantes.
♦ (1) Olshansky SJ. Articulating the case for the longevity dividend. Cold Spring Harb. Perspect. Med. 2016 ; 6 : a025940.
♦ (2) St Sauver JL et coll. Risk of developing multimorbidity across all ages in an historical cohort study: differences by sex and ethnicity. BMJ Open 2015 ; 5 : e006413.
♦ (3) Xu M et coll. Senolytics improve physical function and increase lifespan in old age. Nature Med. 2018 ; 24 : 1246–1256.
♦ (4) Yousefzadeh MJ et coll. An aged immune system drives senescence and ageing of solid organs. Nature 2021 ; 594 : 100-105.