Le sport désormais au coeur de la guerre informationnelle de l'État islamique

Le groupe État islamique (EI), qui a revendiqué des attentats spectaculaires ces derniers mois, a placé le sport en Europe au coeur de sa guerre informationnelle, à quelques mois de l'Euro de football en Allemagne et des Jeux olympiques de Paris.

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Lucas Webber, spécialiste du jihadisme et co-fondateur du site spécialisé Militant Wire, décrypte dans un entretien avec l'AFP les stratégies de communication de l'EI et de sa filiale en Afghanistan, l'EI-K, la plus à même aujourd'hui d'organiser des attentats d'ampleur hors de son territoire.

Si les menaces de ces derniers jours contre la Ligue des champions n'ont pas été mises à exécution, le défi demeure, alerte l'analyste américain.

Sur quelles dynamiques s'appuie la communication de l'EI?

«Au lendemain de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, l'EI a lancé une intense campagne ciblant l'Occident, Israël et la communauté juive qui a très bien marché. Après l'attentat de Moscou (144 morts en mars, ndlr), nous avons retrouvé une tendance constatée après l'attaque en Iran (90 morts en janvier) qui exploitait cette dynamique de l'après 7 octobre. Ils lui ont donné une toute autre ampleur, pour menacer spécifiquement la Russie, dans de multiples documents publiés en plusieurs langues (...). Mais ils ont également utilisé cette attention médiatique mondiale pour réorienter leurs partisans, leurs opérations extérieures et leurs incitations à la violence contre l'Occident, en particulier l'Europe et les événements sportifs, tels que les matchs de football dans les plus grands stades européens et les prochains Jeux olympiques».

Comment ces messages sont-ils structurés?

«Avant Moscou, ils nous avaient fait part de leurs projets, ils avaient façonné l'espace informationnel. L'EI-K s'est imposé comme un nouveau pôle, aux côtés de l'EI en Syrie, pour l'incitation à la violence et les opérations extérieures. (Mardi), ils ont publié une image menaçant d'une attaque de drone. Peut-être envisagent-ils de frapper des événements sportifs. Peut-être veulent-ils concentrer les services de sécurité et de renseignement européens sur les stades, tout en visant un autre type de cible, un lieu religieux, un centre commercial ou un bâtiment gouvernemental. Il y a une tendance très forte (...) venant à la fois des médias de l'EI central, des médias pro-EI et de l'EI-K. C'est un véritable défi pour les services de sécurité européens».

Où se situe l'EI-K dans cet univers?

«La fondation de l'EI-K, Al-Azaim, est très adroite dans ses opérations de renseignement, d'influence et de guerre psychologique. En plus de nous dire ce qu'ils envisagent de faire et de dire à leurs partisans ce qu'ils doivent faire, leur objectif est de surcharger les services de renseignement et de sécurité et de susciter la peur. L'EI-K a étudié la manière dont l'EI, au plus fort du califat (2014-2019), menait sa guerre médiatique. À l'époque, le porte-parole de l'EI a véritablement révolutionné sa dimension internationale, sa façon d'exploiter les griefs pour inciter ses partisans à la violence, de capitaliser sur la guerre informationnelle. L'EI-K a retenu la leçon».

L'EI profite-t-il de la dynamique de l'attentat de Moscou?

«L'EI ne se concentre pas tellement sur les attentats contre l'Iran, la Turquie ou Moscou. Ils montrent plutôt qu'ils font partie d'une série en cours (...) pour y inclure toutes les branches de l'EI, toute l'histoire des attaques extérieures. Ils tentent de les replacer dans un contexte plus large d'opérations récentes, en cours et à venir. Cela montre qu'ils veulent les poursuivre. Je soupçonne qu'ils planifient des attentats et que certains réussiront probablement et seront exploités à leur tour. Il est probable que des réseaux de l'EI-K soient établis en Europe et préparent des attentats».