Suspendu l'an dernier, le projet de reconnaissance faciale reprend du service à la SAAQ
Il avait été mis sur pause par Geneviève Guilbault dans la foulée du scandale SAAQclic
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![Photo portrait de Nicolas Lachance](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2FNicolas_Lachanceb2c3b677-8c5f-46ca-a73f-b3458940e5ef_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Nicolas Lachance
Moins d’un an après l’avoir mis sur pause en raison du fiasco de SAAQclic, la Société d’assurance automobile du Québec relance son projet de reconnaissance faciale pour la gestion de sa banque de photos de citoyens. Mais le chien de garde en matière de protection des données réclame un débat public avant d’aller de l’avant avec ce projet jugé risqué.
«Les discussions ont repris avec le fournisseur», a confirmé le coordonnateur des relations médias à la SAAQ, Gino Desrosiers.
Pourtant, inquiète des impacts de ce projet, la présidente de la Commission d’accès à l’information (CAI), Diane Poitras, a réclamé dans une lettre un débat public, dès 2021 (voir texte plus bas).
«Sans encadrement adéquat, la reconnaissance faciale est donc susceptible d’avoir des impacts considérables sur la vie privée et d’autres droits des individus», écrit-elle.
Suspension
En avril dernier, après le lancement catastrophique de sa transformation numérique, la SAAQ se lançait dans la reconnaissance faciale afin d’assurer l’intégrité des détenteurs de permis de conduire, dévoilait notre Bureau parlementaire.
La ministre des Transports Geneviève Guilbault avait alors ordonné à l’organisation de suspendre ce projet de reconnaissance faciale, le temps que la société d’État reprenne le contrôle de son virage numérique.
Depuis plusieurs semaines, le projet qui servira à «introduire une solution de reconnaissance faciale» pour optimiser la banque photo de la SAAQ est de nouveau en planification.
C’est la technologie Cognitec du fournisseur Thales DIS Canada qui avait été retenue par la société d’État.
«L’outil [...] permettra la gestion de notre banque de photos actuelle pour les permis de conduire et les cartes d’assurance-maladie, pour notamment éliminer les doublons», a expliqué de nouveau Gino Desrosiers.
- Écoutez l'entrevue avec l'expert en cybersécurité Steve Waterhouse au micro d’Alexandre Dubé via QUB:
Retour au calme
En septembre dernier, lorsque la situation de SAAQclic s’était stabilisée et après le changement de direction à la tête de la SAAQ, la ministre des Transports a donné son aval pour la reprise des activités habituelles de la société d’État.
«Dans le contexte des difficultés importantes éprouvées l’an dernier par la SAAQ, nous avons demandé à la haute direction de la Société de mettre sur pause les autres projets informatiques d’envergure, comme celui de la gestion de la banque de photos par une technologie de reconnaissance, pour que toute l’expertise de l’organisation soit consacrée à rétablir les services aux citoyens», a expliqué sa porte-parole, Geneviève Tremblay.
«À la fin de l’été, nous avons confirmé que la situation s’était grandement améliorée et la direction de la SAAQ a repris le cours normal de ses opérations.»
La SAAQ assure qu’elle travaille étroitement avec le ministère de la Cybersécurité et du Numérique dans ce projet.
Ce n’est toutefois que le 5 mars dernier que la SAAQ a informé le MCN de la reprise du projet.
«Tout en préservant le principe de la responsabilité qui appartient au dirigeant de l’organisme pour approuver ce projet, le ministre de la Cybersécurité et du Numérique s’assurera de donner son avis sur l’avancement du projet s’il le juge opportun», a indiqué le ministère d’Éric Caire.
![Capture d’écran Cognitec](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F68523304_494254200bef3e-1db1-4a24-ac9e-fe3fa7d2a2df_ORIGINAL.jpg%3Fh%3D2785%26impolicy%3Dcrop-resize%26w%3D5215%26width%3D1600%26x%3D0%26y%3D0&w=3840&q=75)
Débat public réclamé pour protéger la vie privée
En raison de préoccupations liées aux technologies de reconnaissance faciale, la Direction de la surveillance de la Commission de l'accès à l'information réclame un débat public et considère qu’un encadrement législatif spécifique doit baliser son utilisation.
Dans une missive envoyée à la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) à l’automne 2021, la présidente de la CAI retraité depuis janvier dernier, Diane Poitras, rappelle que «la reconnaissance faciale est une technologie biométrique particulièrement invasive» qui doit faire «l’objet d’un débat public».
Elle estime qu’il doit y avoir un consensus, surtout que la portée de ce projet «dépasse la seule intégrité de la banque de photos» liée à l’émission des permis de conduire.
«Certaines affirmations de la SAAQ laissent entendre que cette banque pourrait être utilisée notamment dans le cadre du projet d’identité numérique du gouvernement du Québec ou pour offrir des services en ligne», indique Mme Poitras.
Des risques
Son organisation estime que la technologie de reconnaissance faciale comporte plusieurs risques pour la sécurité et des enjeux sociaux:
- Création et utilisation des profils biométriques à l’insu des individus et sans leur consentement;
- La fiabilité actuelle face à des communautés racisées peut entraîner la discrimination et l’atteinte potentielle aux droits fondamentaux et surtout la mise en place d’une forme de surveillance accrue des individus;
- Une banque de gabarits faciaux de plus de 5 millions de personnes suscitera certainement la convoitise tant de la part d’autres organismes publics, comme les policiers, que d’individus malveillants.
Vie privée
Il y a un an, la SAAQ avait admis que la technologie biométrique choisie pourrait servir à faire de la surveillance. Elle avait toutefois assuré qu’il ne s’agissait pas de l’objectif de l’organisation.
«Ce n’est pas le but, avait dit Gino Desrosiers. Ce n’est pas prévu que quelqu’un se présente et qu’en franchissant la porte d’un centre de service de la SAAQ, que son dossier apparaisse directement à l’ordinateur.»
L’expert en sécurité de l’information et ex-sous-ministre au ministère de la Cybersécurité et du Numérique, Steve Waterhouse, estime aussi qu’il doit y avoir un débat public «afin de présenter les orientations de son usage et ses limites».
Selon lui, l’organisation doit assurer le respect de la vie privée en expliquant sa démarche.
«Pour qu’un tel système soit efficace, il faut comprendre où seront stockés les banques d’images et le traitement de l’information pour fins d’identification. Si la cybersécurité est défaillante à ces endroits, il y a un gros potentiel de fuite de données», signale M. Waterhouse.
RECONNAISSANCE FACIALE BIOMÉTRIQUE À LA SAAQ
- Permettre la vérification et l’identification de personnes
- Comparer les nouvelles photos d’identité avec les images existantes afin de prévenir la fraude
- Identifier ou détecter les erreurs de saisie
- Comparer, nettoyer et maintenir les bases de données d’identité avec les images faciales
- Mesurer les caractéristiques faciales
- Traiter les bases de données
- Protéger les données biométriques
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