Le poids de la Chine dans la guerre en Ukraine
Thomas Stringer est doctorant à Polytechnique Montréal
Depuis plus de deux semaines, Vladimir Poutine est devenu l’ennemi numéro un de la démocratie occidentale, un agent secret devenu président devenu maniaque.
Les manchettes font état d’un retour à une logique de guerre froide entre les États-Unis et la Russie après un long entracte, l’Ukraine étant la scène de cette tragédie.
Or, le Grand Ours russe de 2022 a une économie relativement petite — de la taille de celle du Canada – et une influence politique grandement réduite par rapport à l’époque soviétique. L’analogie de la guerre froide entre deux puissances mondiales tient donc uniquement si on inclut la Chine dans l’équation.
Un partenariat « sans limites »
Le 4 février dernier, Xi Jinping et Poutine ont conclu un partenariat « sans limites » pour coopérer contre l’Occident. Quelques semaines plus tard, une fuite de documents d’une filière de Beijing News, un journal contrôlé par le gouvernement chinois, révéla qu’avant même l’invasion de l’Ukraine, la Chine préparait une réponse médiatique pour défendre la Russie.
D’autre part, la divulgation récente d’un rapport du gouvernement américain montre que la Russie s’est entendue avec la Chine pour amorcer la conquête de son voisin après la fin des Jeux olympiques de Pékin.
Pour une nation qui maintient ne pas s’ingérer dans les affaires internes d’autres pays, la Chine semble avoir été prête à user de son influence sans réserve... S’y ajoutent également son abstention de condamner l’agression contre l’Ukraine à l’ONU et son opposition à toutes sanctions visant la Russie pour convaincre l’Occident de leur alliance implacable.
De plus en plus interdépendantes
Par ailleurs, l’économie chinoise semble pouvoir bénéficier du conflit en Ukraine et des sanctions imposées par les pays de l’OTAN à la Russie. Le pays de Poutine doit notamment se tourner vers la Chine pour vendre ses réserves de gaz naturel et de blé.
Les deux pays se sont mis d’accord pour cesser l’utilisation du dollar américain, afin d’hégémoniser le yuan comme devise privilégiée. L’exclusion des banques russes du réseau SWIFT a forcé les bureaucrates russes à explorer une adhésion à un équivalent chinois.
L’aliénation de la Russie au sein de la communauté internationale la rend donc de plus en plus dépendante de la Chine. De plus, la démonisation de Poutine détourne notre regard des transgressions commises par Xi Jinping et oblige les États-Unis à jouer au justicier de notre planète encore une fois. Comment ne pas y voir un coup planifié ?
Et ensuite Taïwan ?
L’invasion de l’Ukraine avec l’appui de la Chine présage l’invasion de Taïwan avec l’appui de la Russie. Toutefois, la bravoure du peuple ukrainien et sa conviction à vouloir défendre son territoire ont élargi l’effort déployé par les forces armées russes qui sera nécessaire pour crier victoire. La perception de lâcheté des pays démocratiques s’est révélée fausse, vu leur réponse formidable à l’appel à l’aide du président ukrainien.
Une résolution rapide du conflit n’est pas à l’horizon. Tout n’est donc pas gagné pour la Chine, qui devra forcément subir une autre crise politique internationale, des sanctions économiques et un ennemi bénéficiant d’aide militaire si elle décide de prendre l’île de Formose par la force.
Plus largement, ce qui se déroule actuellement dénote le schisme entre deux visions de société. La guerre par procuration sino-américaine qui sévit présentement en Europe orientale en est une entre les deux superpuissances de notre ère. La Chine suivra de près les événements des prochains jours.
Thomas Stringer
Doctorant à Polytechnique Montréal
Ex-étudiant en économie appliquée à National Chengchi University