Le parcours fou d'un joueur américain à Melbourne
Jessica Lapinski
La première étampe dans son passeport, l’Américain Ben Shelton l’y a fait apposer dans les dernières semaines. Jamais le 89e joueur au monde n’était sorti des États-Unis par le passé. Pas même pour des vacances en famille.
Il y a eu quelques histoires folles depuis le début de ces Internationaux d’Australie, mais aucune ne se compare à celle de Shelton, 20 ans, qui disputera mardi soir, ou dans la nuit de mardi à mercredi, les quarts de finale du premier tournoi majeur de la saison.
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Puis, qui percera, lundi prochain, le top 50 du classement de l’ATP.
L’Américain était, selon ses propres dires, un joueur moyen à l’adolescence. Son père Bryan, lui-même un ex-55e mondial, ne voyait pas donc pas l’intérêt de le faire voyager à l’étranger, où il allait «tout de même perdre, mais apprendre les mêmes choses [qu’aux États-Unis]».
Et Shelton fréquentait une école publique traditionnelle, ce qui rendait les longues absences problématiques.
Mais voilà, le joueur moyen a grandement progressé au cours des dernières années. Il a joué dans la NCAA, le circuit universitaire américain, pour les Gaitors de la Floride. Il est d’ailleurs toujours aux études et il suit quelques cours à distance pendant la quinzaine.
«Quand j’ai pris l’avion [en décembre], je n’avais aucune attente», a-t-il concédé en conférence de presse, après avoir battu son compatriote J.J. Wolf, 67e mondial, au terme d’une bagarre qui s’est conclue 6-7 (5), 6-2, 6-7 (4), 7-6 (4) et 6-2, lundi.
«Je savais que ce serait vraiment dur de m’ajuster à l’Australie en raison de la fatigue et du décalage horaire. C’était ma première fois à l’extérieur du pays, a-t-il continué, je savais que ce serait compliqué.»
«Je pense que ça m’a aidé à n’avoir aucune attente, aucune pression d’obtenir de bons résultats. Je pouvais simplement être moi-même et jouer librement. Je crois que ç’a grandement contribué à mon succès.»
Une victoire contre Ruud
Shelton avait déjà pu donner aux autres professionnels du circuit quelques indices sur son talent l’été dernier. Le jeune joueur de 6 pi 4 po avait atteint le troisième tour du Masters de Cincinnati, où il était un invité des organisateurs.
L’Américain avait battu au passage le numéro 2 mondial, le Norvégien Casper Ruud.
Quelques semaines plus tard, Shelton a goûté au faste des tournois majeurs à New York, où il a perdu une bagarre de cinq manches contre le Portugais Nuno Borges, alors 104e.
L’Américain a disputé deux épreuves en Océanie avant le début de la quinzaine australienne : les qualifications à Adélaïde, où il s’est incliné dès le premier tour, puis deux matchs du grand tableau à Auckland (il a perdu en deuxième ronde).
Il veut son diplôme
En plus du décalage horaire et des quelque 9500 kilomètres qui le séparaient pour la première fois de son pays natal, ces deux derniers résultats ne laissaient pas présager que Shelton connaîtrait une éclosion aussi éclatante à Melbourne.
Après le troisième tour et sa victoire contre l’Australien Alexei Popyrin, 113e mondial, le jeune joueur disait se pincer pour s’assurer qu’il ne rêvait pas.
Mais non, Shelton ne rêve pas. Le sympathique jeune homme est d’ailleurs plutôt terre-à-terre. Car même s’il bat son compatriote Tommy Paul, 35e, en quarts, et même s’il en venait à remporter le trophée dimanche prochain, il continuerait à suivre ses cours de finances à l’université.
«Je veux vraiment avoir mon diplôme», a-t-il pointé.
«Mais toute cette semaine est exceptionnelle, a-t-il souri. Je me sens vraiment bien.»