Le nouveau rituel derrière l'émission «Y’a du monde à messe»
Marie-Claude Doyle
En avril, Christian Bégin devait commencer les tournages de la quatrième saison de Y’a du monde à messe, mais la pandémie a chamboulé les plans. Du coup, il a fallu repenser l'émission afin de trouver une toute nouvelle façon de la présenter. Pas question d'annuler ce rendez-vous du vendredi soir, qui est en ondes depuis le 5 juin. La messe est toujours aussi populaire!
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Le 5 juin marquait le retour de Y’a du monde à messe à Télé-Québec. Une messe différente, mais qui fait autant de bien. D’abord, elle est sans public. Il y a quatre invités au lieu de cinq, et la configuration de la table où ils sont assis a été repensée. Pour ce qui est de l’aspect technique de l’émission, Christian Bégin tourne deux émissions dans la même journée, et les enregistrements se font en live to tape, c’est-à-dire comme s’ils étaient en direct, sans montage, contrairement aux saisons précédentes.
Nouveau rituel aseptisé
«J’avoue que, lorsque je suis rentré pour la première fois dans l’église, ç’a été un choc. J’étais vraiment inquiet. Je me suis demandé si le jello allait prendre. C’est impressionnant de devoir se laver les mains avant même d’entrer dans l’église et, une fois qu’on y est, de devoir se les laver à nouveau parce qu’on a touché à la poignée de porte pour y entrer. Quelqu’un à l’accueil nous fait passer un questionnaire de santé. On doit porter le masque. Partout sur le sol il y a des indications de sens unique afin qu’on ne croise personne. C’est très étrange, parce qu’à la fin de l’émission, on demande aux invités de rester assis, on enlève nos micros nous-mêmes, puis ils se lèvent un à un, et quelqu’un désinfecte aussitôt leur place. Ce nouveau rituel aseptisé nous empêche de festoyer ensemble après le show pour célébrer le moment qu’on vient de vivre. Mais je me suis rendu compte que ce qui est au cœur de l’émission, c’est la conversation. C’est aussi le chœur gospel, et peu importe l’espace qu’il y a entre les chanteurs et les chanteuses, la puissance de leurs voix nous transperce. On utilise beaucoup plus le chœur dans la version covidienne. On a réalisé qu’on avait envie, les invités et moi, d’avoir des conversations qui ne tournaient pas exclusivement autour de la réalité covidienne. Pour dire la vérité, l’absence du public sur le plateau ne nous manque pas parce que les invités et moi sommes plus concentrés sur la conversation. On est moins distraits par le désir ou le réflexe qu’on a spontanément d’être en représentation pour un public. Au bout du compte, il y a des affaires de cette version de l’émission que j’ai envie de conserver quand on sera dans une réalité post-covid», relate l’animateur.
La nouvelle formule connaît un succès auprès des invités, et les téléspectateurs sont tout aussi fidèles. «On a eu des parts de marché comme on n’en a jamais eu en quatre ans. On sent que les gens avaient envie d’être à ce rendez-vous.»
Les enregistrements se termineront au début de l’automne. Parmi les invités à venir figurent René Richard Cyr, Mélanie Ghanimé, Jean-Michel Anctil et Elizabeth Mantha, une jeune arbitre.
Période de réflexion
En temps normal, l’animateur aurait été en tournage pour l’émission Curieux Bégin. «Dans un contexte covidien, je ne me vois pas faire une émission de cuisine où on doit respecter le 2 m de distance et porter des gants en plastique parce que je ne peux pas mettre mes mains dans la viande pour faire des boulettes de steak haché. Les émissions qui sont diffusées en ce moment ont été tournées l’an dernier, et les gens nous disent constamment à quel point ça leur fait du bien de voir du monde se toucher, manger, boire du vin et fêter ensemble. On est en train de réfléchir à une formule qui n’hypothéquerait pas cet esprit convivial de l’émission; et on entrevoit la possibilité de commencer les tournages au mois d’août ou au début de septembre, en se disant que des choses bougeront peut-être d’ici là quant à la situation actuelle. Je suis parmi les privilégiés qui travaillent, alors que plein de mes confrères et consœurs vivent dans la précarité. J’ai vécu le confinement dans un contexte où je n’avais pas à m’inquiéter de ma situation financière. J’ai pu profiter de cette période-là pour être plus introspectif, pour réfléchir à ma vie, à mon rapport au travail.»
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Avenir inquiétant
Depuis 22 ans, Christian Bégin est à la tête, avec d’autres comédiens, de la compagnie théâtrale Les Éternels Pigistes. Cette année, trois shows de théâtre dans lesquels il devait jouer ont dû être annulés en raison de la pandémie. «La situation du théâtre m’inquiète particulièrement. J’ai des amis qui sont tributaires des arts vivants pour payer leur loyer. En ce moment, on a beau envisager de rouvrir des salles dans peu de temps, un spectacle ne se pond pas en deux semaines. Et une salle de 250 places qu’on ne peut pas remplir au maximum de sa capacité — pour respecter le 1,5 m de distance entre les spectateurs —, ce n’est pas rentable.» Néanmoins, il espère que les gens auront envie de retourner voir des spectacles quand les salles rouvriront.
Son fils en Corée
Son fils, Théophile, qui étudie en Corée du Sud, a choisi d’y rester pendant la crise. «Il a décidé de rester là-bas, et c’est probablement un des pays qui a le mieux géré la pandémie en réagissant rapidement. Les gens sont déconfinés depuis deux mois. Les universités ne sont pas rouvertes, alors il suit ses cours à distance. Mais il est dans une réalité où il est pratiquement plus en sécurité là-bas qu’ici par rapport à la covid. Ma seule tristesse, c’est que j’étais censé voir mon gars cet été. On avait planifié de faire un voyage ensemble, comme ç’a été le cas l’été dernier, mais ça ne se fera pas puisque les vols internationaux ne sont pas près de revenir. J’imagine aussi que, collectivement, on va réfléchir autrement à notre façon de prendre l’avion. Heureusement, mon fils et moi, on jase beaucoup sur FaceTime.»
Kamouraska
Au tout début du confinement, et jusqu’à ce qu’il recommence les tournages de Y’a du monde à messe, Christian Bégin était à sa maison à Kamouraska. Il y est d’ailleurs retourné la fin de semaine dernière pour y rester jusqu’à ses prochains tournages à la mi-juillet. «J’ai eu un choc quand je suis rentré à Montréal: j’ai pris conscience qu’on ne vit pas la covid de la même façon en milieu urbain qu’en milieu rural. La réalité de la covid m’est apparue de façon beaucoup plus criante à Montréal, en voyant les files d’attente devant les magasins et la ville inanimée à partir de 20 h. J’ai le grand privilège d’avoir une maison à l’extérieur de la ville et je réalise le bien que ça me fait. J’ai prêté ma maison à une amie comédienne pendant que je n’y étais pas, parce que je me rends compte qu’il y a des gens qui ont besoin de fuir la ville», raconte l’animateur.
Par ailleurs, dès le 28 juin, Christian Bégin sera chroniqueur à l’émission Dessine-moi un été, animée par Franco Nuovo, sur ICI Première. Il parlera de la souveraineté alimentaire, sujet qui a fait l’objet d’un article qu’il a écrit dans le magazine Caribou et qui alimente la plateforme Goûter NOUS, qu’il a créée avec la chef Colombe St-Pierre et le maraîcher Donald Dubé.
L’émission Y’a du monde à messe est diffusée les vendredis à 21 h, à Télé-Québec.