Le monde du sport devant l’inconnu
Jessica Lapinski | Journal de Montréal
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Après une pandémie, une guerre. Pour la deuxième fois en deux ans, la planète sportive sera chamboulée par une crise internationale, qui bouleversera à nouveau son calendrier.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie, tard mercredi, heure du Québec, force tant les fédérations sportives que les athlètes à prendre des décisions importantes, même si elles sont parfois délicates sur les plans politiques et financiers.
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Car dans ce contexte de guerre, est-il acceptable pour ces grandes institutions d’aller disputer des championnats chez le belligérant ? Non, a déjà décrété l’UEFA, qui devait organiser la finale de sa Ligue des champions de soccer à Saint-Pétersbourg le 28 mai.
100 millions $ de moins
Selon Sky Sports, l’UEFA se réunira d’urgence ce matin afin de trouver un nouvel emplacement pour la tenue de ce match ultime, regardé par des millions d’amateurs de soccer à travers le monde. Le lieu choisi devrait être le stade de Wembley, à Londres.
Cette décision devrait priver la Russie de quelque 100 millions $ en retombées économiques.
Mais elle n’est pas exempte de coûts pour l’UEFA non plus. La partie devait être jouée au stade Gazprom. La société gazière est l’un des commanditaires majeurs du circuit européen et de certaines de ses équipes, dont le club allemand FC Shalke 04, qui a déjà retiré son logo de ses maillots.
L’UEFA doit d’ailleurs décider ce qui adviendra de son partenariat avec cette société russe spécialisée dans l’extraction, le traitement et le transport de gaz naturel.
La F1 et le tennis dans les limbes
Jeudi, d’autres organisations comme la Fédération internationale de l’automobile ou la WTA, qui gère le tennis féminin, n’avaient pas encore statué à savoir s’ils allaient annuler ou déplacer leurs événements prévus en Russie, cet automne.
Mais d’ores et déjà, le pilote allemand Sebastian Vettel a décrété qu’il n’irait pas à Sotchi pour y disputer le Grand Prix de Formule 1 de Russie.
Au tennis, la Coupe du Kremlin accueille chaque année les hommes et les femmes à Moscou, en octobre. L’événement n’est pas encore inscrit au calendrier féminin et n’était pas retiré du côté masculin, jeudi.
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L’ATP a toutefois annulé la tenue d’un tournoi du circuit Challenger qui devait s’amorcer lundi dans la capitale russe.
De son côté, la Fédération internationale de ski a maintenu pour l’instant les Coupes du monde de saut. Trois épreuves sont prévues en Russie dans les prochaines semaines. Aucun athlète canadien n’y est inscrit.
Dans la KHL, la plus importante ligue de hockey en Russie, le Jokerit de Helsinki a décidé de se retirer des séries éliminatoires qui doivent commencer la semaine prochaine, selon ce qu’a rapporté jeudi la station finlandaise MTV.
La Pologne ne veut pas jouer
Le match de soccer du 24 mars opposant la Pologne à la Russie, qui fait partie du processus de qualifications pour la prochaine Coupe du monde, risque fort d’être déplacé.
Les visiteurs refusent de se rendre à Moscou. Même chose pour la Suède et la République tchèque, qui devaient affronter le gagnant de cette rencontre cinq jours plus tard. Les fédérations de soccer des trois pays ont cosigné une lettre adressée au secrétaire général de la FIFA, Fatma Samoura.
« Les signataires ne souhaitent pas voyager en Russie et y disputer des matchs. L’escalade militaire que nous observons pourrait avoir de sévères conséquences et réduire la sécurité de nos équipes nationales », peut-on lire dans cette missive.
La trêve olympique violée
Le Comité olympique international (CIO) a pour sa part condamné la violation de la trêve olympique par la Russie, cette dernière devant prendre fin au terme des Jeux paralympiques le 13 mars.
« À la suite des événements récents, le CIO fait part de sa profonde préoccupation quant à la sécurité de la communauté olympique en Ukraine », a-t-il fait savoir, quelque deux semaines après que son président Thomas Bach eut appelé les gouvernements russe et ukrainien à « donner une chance à la paix ».
Certains s’inquiètent aussi pour la tenue même des Jeux paralympiques, qui s’ouvriront le 4 mars à Pékin. Les athlètes russes et ukrainiens y seront-ils ? Et qu’en sera-t-il des vols internationaux dans ce contexte ?
Championnat ukrainien reporté
Bien sûr, l’invasion par la Russie a aussi des répercussions sur les championnats nationaux ukrainiens. Les matchs de soccer ont été suspendus pendant un mois, car il est impossible de jouer en situation de guerre.
Mais dans ces circonstances tragiques, le sport devient évidemment futile. Si ce n’est des athlètes, qui peuvent se servir de leur notoriété pour passer leur message.
À quelques heures des premiers bombardements, le joueur de soccer ukrainien Roman Yaremchuk a d’ailleurs célébré un but en Ligue des champions en affichant un maillot noir sur lequel on pouvait voir un symbole destiné à soutenir son pays.
Le porte-couleurs du Benfica de Lisbonne a été mis à l’amende pour son geste, mais a été défendu par son club.
« Je voulais soutenir mon pays. J’ai beaucoup réfléchi à ce sujet et j’ai peur de cette situation. Le club me soutient, ils m’ont parlé et ont voulu tout faire pour m’aider », a déclaré Yaremchuk à CNN.
Ce qu’ils ont dit
« Je suis fière d’être Ukrainienne. Nous nous unissons en cette période extrêmement difficile pour le bien de la paix et l’avenir de notre État. Gloire à l’Ukraine. »
Elina Svitolina, joueuse de tennis, sur Twitter
« L’Ukraine est ma patrie ! J’ai toujours été fier de mon peuple et de mon pays. Nous avons traversé de nombreuses périodes difficiles et, au cours des 30 dernières années, nous nous sommes formés en tant que nation. Une nation de citoyens sincères, travailleurs et épris de liberté. C’est notre atout le plus important ! »
Andriy Shevchenko, ex-joueur de soccer, sur Twitter
« Chers Ukrainiens ! Chers Kieviens ! Ce que la Russie a fait est une grande tragédie. Cette tragédie n’est pas seulement pour l’Ukraine. C’est une tragédie pour l’ensemble de l’Europe. Mais je suis convaincu que nous allons survivre. Nous resterons debout et nous pourrons montrer notre force et notre courage. »
Vitali Klitschko, ex-boxeur et actuel maire de Kiev, dans une vidéo avec son frère Wladimir
UN CALENDRIER QUI SERA CHAMBOULÉ
Événements sportifs internationaux à venir en Russie
Coupes du monde de saut acrobatique de la Fédération internationale de ski (ski acrobatique)
MAINTENUES
Yaroslavl, les 26 et 27 février
Gornaya Salanga, les 2 et 3 mars
Moscou, le 5 mars
* Aucun athlète canadien ne participe à ces compétitions.
Qualifications de la Coupe du monde de la FIFA (soccer)
INCERTAIN
Moscou, les 24 et 29 mars
* La Pologne, la Suède et la République tchèque refusent de se déplacer en Russie.
Finale de la Ligue des Champions de l’UEFA (soccer)
DÉPLACÉE
Saint-Pétersbourg, le 28 mai
* Une rencontre aura lieu vendredi entre les dirigeants de l’UEFA afin de trouver un nouvel emplacement.
Grand Prix de Sotchi de la Fédération internationale de l’automobile (Formule 1)
INCERTAIN
Sotchi, du 23 au 25 septembre
* L’Allemand Sebastian Vettel a affirmé qu’il ne souhaitait pas aller courir dans un « pays en guerre ».
Coupe du Kremlin et de la WTA et de l’ATP (Tennis)
INCERTAIN
Moscou, début octobre
* Le tournoi n’est pas encore inscrit au calendrier de la WTA, mais il se tient habituellement en octobre. Aucune décision n’a encore été prise.
Sources : RTBF.be, L’Équipe
Russe mais contre l’invasion
Andrey Rublev est Russe, mais il se positionne ouvertement contre l’invasion de l’Ukraine par son pays. Après avoir remporté son match au tournoi de tennis de Dubaï, jeudi, le septième joueur au monde y est allé d’un plaidoyer en faveur de la paix.
« On réalise en ce moment à quel point la paix dans le monde est importante, qu’il faut tous se respecter, qu’on doit être unis. On doit prendre soin de notre Terre et des autres. C’est la chose la plus importante », a affirmé Rublev.
Avec un Ukrainien
Il venait de se qualifier pour le carré d’as, mais le Moscovite de 24 ans n’arrivait pas à savourer sa victoire. Il se sentait « troublé » sur le terrain.
Surtout qu’il y a quelques jours à peine, il remportait à Marseille le titre en double avec son partenaire ukrainien, Denys Molchanov.
Sur son compte Instagram, Rublev a publié une petite image montrant deux personnages s’élançant, l’un étant peint aux couleurs de la Russie, l’autre, à celles de l’Ukraine.
« En des moments comme ceux-ci, mon résultat n’est pas important, a-t-il ajouté. Il n’est pas question de mon match. Des choses beaucoup plus terribles se passent. »
Des menaces
Rublev dit être victime de menaces sur les réseaux sociaux depuis jeudi en raison de sa nationalité. Une situation avec laquelle son compatriote Daniil Medvedev, prochain numéro 1 mondial, doit aussi vivre.
C’est notamment pour cela que le joueur de 24 ans a tenu à se positionner contre l’invasion armée devant les médias.
« Même s’ils me lancent des roches, je dois montrer que je suis pour la paix. Je ne suis pas ici pour être agressif. »
Rares sont les athlètes russes qui ont parlé publiquement jeudi, mais le joueur de soccer Fedor Smolov a ajouté sa voix à celle de Rublev. Sur son compte Instagram, l’international a écrit « Non à la guerre », suivi d’un drapeau de l’Ukraine et d’un cœur brisé.