Le moment de vérité sonne pour Mark Carney
L’avantage premier de Mark Carney est qu’il est premier ministre du Canada. Contrairement à Pierre Poilievre, il contrôle ainsi tous les leviers de l’État canadien


Josée Legault
Face aux méthodes usantes d’intimidateur narcissique de Donald Trump, la campagne électorale fédérale, déjà hautement atypique, prend les allures d’un très mauvais western.
Au 4e jour à peine, le président américain s’est amusé à annoncer pour le 3 avril des droits de douane de 25% sur les voitures fabriquées à l’extérieur des États-Unis.
Ce serait un désastre pour l’Ontario. Bienvenue à la Maison-Blanche qui rend fou.
Pour le chef libéral Mark Carney, le moment de vérité sonne. Il doit prouver que la remontée fulgurante du PLC devant les conservateurs n’est pas un mirage.
Cette remontée, il la doit d’ailleurs à de nombreux électeurs néo-démocrates ou bloquistes qui semblent voir en lui le chef le plus apte à protéger la souveraineté du pays face aux menaces de Trump.
Or, son CV d’ex-gouverneur des banques du Canada et d’Angleterre doit s’incarner maintenant dans le réel. La crise politique est sérieuse. Personne ne peut en prédire ni la durée ni le dénouement.
L’avantage premier de M. Carney est toutefois qu’il est premier ministre du Canada. Contrairement au chef conservateur Pierre Poilievre, il contrôle tous les leviers de l’État canadien.
Il est aussi entouré d’une équipe de ministres expérimentés et est l’interlocuteur des premiers ministres provinciaux. Ce n’est pas un détail.
Tous les outils
Résultat: même s’il est un novice en politique active, en plus de son propre jugement et de son expérience dans les hautes sphères de la finance internationale, Mark Carney a tous les outils pour exercer un leadership fort.
C’est pourquoi, bons sondages ou non, il n’aura pas droit à l’erreur. Comment évaluer toutefois la qualité d’un premier ministre devant un président américain aussi impérialiste qu’imprévisible? Vaste question.
Le premier ministre sortant doit tout d’abord trouver le ton et les mots capables non pas d’apeurer encore les Canadiens, mais de les rassurer. La confiance, ici, sera une denrée précieuse.
Hier, en point de presse, Mark Carney s’est montré à la hauteur. Il était bel et bien le premier ministre et non plus seulement le chef du PLC.
Il a su trouver le bon ton et les bons mots, même en français. Le temps dira s’il pourra maintenir le tout. Il s’est surtout adressé aux Canadiens, aux travailleurs et aux entreprises.
De nature calme
Il l’a fait avec clarté, calme et sans le moindre jovialisme. De nature posée, Mark Carney n’a pas le style d’un chat de ruelle. Les Canadiens le savent. En pleine tempête, ils semblent l’apprécier. Du moins, pour le moment.
La relation rapprochée du Canada avec les États-Unis, a-t-il reconnu, est terminée. Point. Avant d’annoncer ce qu’il fera le 2 avril, il s’est engagé à consulter ses homologues provinciaux, les chefs d’entreprises, de syndicats et les Premières Nations.
Il a dit qu’il faudra «réinventer» l’économie canadienne et diversifier ses marchés, entre autres au sein même du Canada. Une mission à long terme.
À plus court terme, face au président, il refuse de jouer au vassal. Ils se parleront bientôt, a-t-il dit. C’est toutefois le bureau de Trump qui en a fait la demande et non pas celui de Mark Carney.
Ces élections, il faut le redire, sont essentiellement une lutte à deux entre MM. Carney et Poilievre. Le facteur Trump en décide ainsi. Or, malgré les sondages favorables au PLC, rien n’est encore joué.
Une seule chose est sûre. Celui qui saura dégager un leadership à la fois confiant, robuste, concret, stratégique et empathique remportera la mise. Une tâche herculéenne, quoi.