Mythe ou réalité? Le jus de cornichon est efficace pour soulager les crampes
Anne-Sophie Poiré
Avez-vous déjà imaginé boire du jus de cornichon pour soulager vos crampes menstruelles ou musculaires? Eh bien, il semble que ce précieux liquide pourrait être efficace pour en réduire la durée et l’intensité.
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Lors d’un entraînement, beaucoup d’athlètes traînent dans leur sac une bouteille de jus de cornichon. Dès qu’une crampe survient, ils en avalent le contenu et retournent au jeu.
Ce traitement maison commence peu à peu à se démocratiser dans le monde du sport, notamment parmi les joueurs de tennis professionnels. Le joueur canadien Vasek Pospisil l'affectionne particulièrement.
«Il en prend de temps en temps, parce que c’est un athlète qui crampe énormément», raconte Vincent Millot, ancien joueur professionnel de tennis et désormais analyste à RDS, qui a déjà entraîné le jeune Pospisil.
Pospisil d. Medvedev
— TroubleFault (@troublefault) February 12, 2020
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«Les athlètes en boivent un peu avant et un peu pendant un entraînement s’ils sentent que le mal va durer. Le but de consommer ce jus est d’éviter les crampes. Mais une fois qu’elle est là, ça aide aussi à la réduire plus vite», poursuit-il.
Le jus de cornichon serait-il un remède miracle?
Pas si vite, mettent en garde les experts. L’acide acétique contenu dans le vinaigre peut en effet réduire la durée et l’intensité des crampes, mais ne permettrait pas de les prévenir.
Très peu d’études ont d’ailleurs été faites sur le sujet.
Mais celle réalisée par Kevin Miller en 2010, dont les résultats ont été publiés dans le Journal of the American College of Sports Medicine, est la plus concluante, selon le professeur au Département des sciences biologiques de l’Université de Montréal Alain Cuerrier.
Des crampes «synthétiques» ont été administrées par décharge électrique à une douzaine de volontaires, qui ont ensuite bu 75 millilitres de jus provenant d'un pot de cornichons de marque Vlasic.
Les crampes se sont dissipées après 85 s chez les sujets qui ont bu le vinaigre, alors que les crampes précédentes, qui n’ont pas été «traitées» au jus de cornichon, avaient duré près de deux minutes et demie.
«Le liquide ferait effet dès qu’il passe dans le pharynx et le larynx [via des neurorécepteurs]. Le contact avec les muqueuses vient déclencher une inhibition de l’activité des neurones moteurs, ce qui diminuerait les crampes», explique M. Cuerrier.
Le jus de cornichon n’a donc pas besoin d’entrer dans les muscles pour soulager la douleur. «Il doit juste être perçu par les neurorécepteurs qui vont envoyer des influx nerveux pour dire au muscle de relaxer», ajoute le directeur du Laboratoire de recherche sur la performance, l’hydratation et la thermorégulation à la Faculté des sciences de l'activité physique de l’Université de Sherbrooke, Éric Goulet.
Inutile d’avaler des litres de jus de cornichon avant l’activité physique ou avant ses règles: le liquide n’a fait ses preuves que pour réduire la crampe lorsqu’elle apparaît.
Aussi efficaces pour les crampes menstruelles?
Des compagnies comme l’américaine Pickle Juice vantent même les mérites de leur produit éponyme pour soulager la douleur associée aux crampes menstruelles.
«Je n’avais jamais entendu parler de l’utilisation du jus de cornichon pour soulager les crampes menstruelles. Il n’y a pas d’évidences scientifiques sur le sujet, mais ça ne veut pas dire que ça ne fonctionne pas», assure M. Goulet.
Nous avons donc fait le test – pas du tout scientifique – d’ingérer 75 ml de jus de cornichon une fois par heure pendant le premier jour des saignements menstruels, au moment où les crampes de notre volontaire étaient à leur apogée.
Résultat: les crampes étaient presque immédiatement soulagées, mais l’accalmie ne durait que très peu de temps. La douleur revenait en moins d’une minute.
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C’est quoi, au juste, une crampe?
«Les crampes, c’est un sujet extrêmement complexe sur lequel il existe plus d’anecdotes que d’études scientifiques», souligne d’emblée le professeur Goulet. Et la science a du mal à comprendre pourquoi certaines personnes sont plus susceptibles d'en faire que d'autres..
On a longtemps cru qu’elles étaient causées par une combinaison de déshydratation et de perte de sodium après l’activité physique, ce qui a encouragé les athlètes à consommer des boissons sportives pleines d’électrolytes ou à ingérer de grandes quantités d’eau après l’effort.
«Mais les évidences scientifiques qui supportent cette théorie sont presque nulles», précise l’expert. Les crampes musculaires seraient plutôt associées à un déficit dans la relaxation musculaire. Et ni les électrolytes ni de grandes quantités d’eau n’ont la capacité d’en venir à bout.
Les crampes surviennent lorsqu’il y a un déséquilibre entre l’activité musculaire et les organes de Golgi, des terminaisons nerveuses dans le tendon qui ont la capacité de détendre le muscle. Un de leurs rôles est de le protéger contre une contraction trop forte pouvant le blesser.
La crampe serait donc due à un manque de communication: le muscle se contracte involontairement, mais les organes de Golgi n’y répondent pas adéquatement.
«La meilleure manière de régler une crampe, c’est de faire de légers étirements. En étirant le tendon, on augmente l’activité des organes de Golgi, qui vont dire au muscle qu’il doit se relaxer», explique M. Goulet.
Les crampes menstruelles se produisent toutefois différemment.
Elles sont surtout causées par un excès de prostaglandines, des molécules nécessaires à l’évacuation du sang pendant les règles. En quantité, elles provoquent des contractions plus violentes de l'utérus et donc, des douleurs.