Le Hamas en quête d'un rôle politique clé dans l'après-guerre
Agence France Presse
La publication par le Hamas d'un long document en plusieurs langues justifiant son attaque du 7 octobre contre Israël montre la volonté du mouvement islamiste palestinien de jouer un rôle politique clé dans l'après-guerre, selon un responsable et des analystes.
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Dans un texte soigné de près de 20 pages, publié dimanche en arabe, anglais et français, le mouvement a dit vouloir livrer «sa version des faits». Pour Bassem Naim, haut responsable du Hamas, le groupe cherche à conserver un droit de regard sur l'avenir de la bande de Gaza où il a pris le pouvoir en 2007.
«Le mouvement n'exige pas, par le biais de ce document ou autrement, l'exclusivité de la direction du peuple palestinien», assure-t-il à l'AFP.
Mais «il appelle à la réorganisation» de l'entité palestinienne et «à la réforme de l'Organisation de la libération de la Palestine (OLP)», fondée en 1964, «afin qu'elle soit représentative de tous», ajoute le haut cadre du Hamas, ancien ministre de la Santé à Gaza.
Le Hamas n'a jamais fait partie de l'OLP, qui reste dominée par le Fatah, mouvement du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
Le pouvoir exercé par le Hamas à Gaza et la «résistance (du mouvement) au projet sioniste (...) le qualifient pour être à la tête du peuple palestinien», estime toutefois M. Naim.
«Aucun parti souhaitant trouver une solution à ce conflit ne peut ignorer le Hamas», poursuit le responsable également directeur des relations internationales du mouvement islamiste.
«Pas des jihadistes»
La guerre entre Israël et le Hamas a été déclenchée par une attaque sanglante et inédite perpétrée par le mouvement islamiste palestinien le 7 octobre sur le sol israélien depuis la bande de Gaza.
L'attaque a entraîné la mort d'environ 1 140 personnes du côté israélien, en majorité des civils tués le 7 octobre, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.
Depuis le 7 octobre, 25 700 Palestiniens, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, ont été tués dans la bande de Gaza par les bombardements et les opérations militaires israéliennes lancés en représailles, selon le ministère de la Santé du Hamas.
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Tout en cherchant à réfuter ce que le mouvement appelle les «allégations inventées par Israël», le Hamas reconnaît dans son document «des erreurs» commises le 7 octobre, notamment envers des civils, alors que des responsables israéliens ont affirmé que des combattants palestiniens avaient perpétré des viols.
Le groupe appelle également à une enquête internationale sur l'occupation israélienne, en demandant aux États-Unis et aux pays européens de soutenir une procédure devant la Cour pénale internationale (CPI).
Aymenn Al-Tamimi, expert du Forum du Moyen-Orient basé à Philadelphie, affirme à l'AFP qu'en faisant appel à un public international, le Hamas cherche à réfuter les comparaisons, comme celles faites par Israël avec des organisations jihadistes comme le groupe Etat islamique (EI), auteur d'atrocités en Syrie et en Irak il y a quelques années.
«Ils essaient de repousser l'idée qu'ils sont comme des groupes jihadistes», assure-t-il. Le Hamas «se distingue clairement (...) par sa façon de s'exprimer», ajoute M. Tamimi.
Position «renforcée»
«Sur le plan international», le Hamas «a été en mesure de renforcer sa position» depuis le 7 octobre, soutient pour sa part Andreas Krieg, expert en sécurité au King's College à Londres.
Et «il est plus facile de plaider en faveur d'un État palestinien avec davantage de soutien», notamment «dans le sud du monde», mais aussi «dans le nord libéral de l'Occident», poursuit-il.
La semaine dernière, le Mexique et le Chili ont rejoint l'Afrique du Sud, le Bangladesh, la Bolivie, les Comores et Djibouti pour demander une enquête de la CPI sur la guerre.
Dans un appel apparent au Sud, le document du Hamas invite «les nations qui ont été colonisées et qui se rendent compte de la souffrance du peuple palestinien à prendre des positions sérieuses et efficaces contre l'occupation israélienne».
Le mouvement palestinien «ne sera pas vaincu et ne sera pas éradiqué de Gaza», assure Hugh Lovatt, chercheur au Conseil européen des relations internationales (ECFR).
«Toute initiative de stabilisation de Gaza, tout retour d'une Autorité palestinienne revitalisée devra probablement être acceptée dans une certaine mesure par le Hamas lui-même».
Mais, ajoute le chercheur, «si le mouvement veut expliquer pourquoi il ne devrait pas être traité comme le paria qu'il mérite d'être depuis 7 octobre, il doit commencer à exposer (...) sa stratégie politique. Ce document ne le fait pas».