Le géant du repêchage 2022
Nicolas Cloutier
Du haut de ses 6 pieds 6 pouces et trois quarts, Maveric Lamoureux ne peut même pas se targuer d’être le géant de sa cuvée d’espoirs en vue du repêchage de la Ligue nationale de hockey. Ce titre revient plutôt au méconnu Jack Sparkes, un Ontarien qui évolue dans le junior A avec les Buzzers de St. Michael’s.
Sparkes est un monstre comme vous en avez rarement vu. Les mesures prises à la séance d’évaluation des espoirs (Combine) à Buffalo ont confirmé sa taille de 6 pieds 8 pouces... et un quart. À seulement 18 ans, imaginez. Il se tient presque à la hauteur de Zdeno Chara, le plus grand patineur à avoir foulé les glaces de la LNH.
Mais Sparkes patine mieux que Chara, qui a toujours su pallier sa mobilité restreinte avec une grande compréhension du jeu et un positionnement impeccable. On pourrait même dire que Sparkes est agile comme un chat, ce qui n’a aucun sens considérant sa stature.
«Il y a plus d’un recruteur qui s’est exclamé devant moi : "Il a le gabarit de Chara, mais il patine mieux que lui!"», raconte le directeur général et entraîneur-chef des Buzzers, Rich Ricci.
Mais détrompez-vous : dans la sphère publique, il n’y a aucun enthousiasme autour de Sparkes. Vous ne le retrouverez dans aucune liste, à l’exception de celle de la Centrale de recrutement de la LNH, qui le place au 127e rang de son classement nord-américain.
Il faut vraiment avoir fait ses devoirs pour comprendre l’attrait et le potentiel de Sparkes, compte tenu de ses statistiques modestes dans une ligue inférieure à la OHL. Parce que les équipes de la LNH, elles, sont curieuses.
«Nous avons eu 25 matchs à domicile en saison régulière. Dans 15 de ces matchs, au moins 20 recruteurs de la LNH étaient sur place. J’ai parlé à une vingtaine d’équipes et je sais ce qu’elles disent à son sujet», affirme Ricci, qui est convaincu que son joueur sera repêché au mois de juillet, probablement autour du cinquième ou sixième tour.
Images : Hockey TV et OJHL
Le projet
«Ça me ramène au bon vieux temps avec les publicités du géant vert, s'enthousiasme au téléphone le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH, Dan Marr. C’est le plus gros joueur que j’ai vu depuis un bout de temps. C’est le cas classique de l’adage : les plus gros joueurs prennent plus de temps [à se développer].»
Sparkes en est à un stade extrêmement embryonnaire de son développement. Il n’y pas un brin d’exagération dans cette affirmation. Cela fait seulement trois ans que cet ex-attaquant a été muté à la défense. Il apprend encore les rudiments de sa position et les contrecoups de la pandémie ont ralenti le processus.
Cette saison, il a tout juste commencé à mettre des points au tableau. Il a fait écarquiller les yeux en début d’année en récoltant huit points à ses 15 premiers matchs, dont quatre buts.
«Il s’est vraiment distingué lors de la première moitié de la saison, explique Ricci, son entraîneur-chef et directeur général. Il a commencé à produire par rapport aux autres années et ressembler à un défenseur avec du potentiel.»
La Centrale a classé Sparkes 71e sur sa liste nord-américaine à la mi-saison. Ricci jure qu’à ce moment-ci, son joueur était dans la conversation pour être repêché au deuxième ou au troisième tour.
«Puis il s’est blessé au dos durant un match, mentionne l’homme de hockey. On a été paralysés pendant un mois à cause de la pandémie et c'est par la suite qu'il s’est blessé. Quand il a obtenu le feu vert pour revenir, il n’avait pas été sur la glace pendant près de deux mois. Il était constamment en mode rattrapage en termes de conditionnement physique. Sa deuxième moitié de saison lui a donné plus de fil à retordre, mais il a repris ses aises en séries éliminatoires.»
Lors de ses visionnements, le TVASports.ca a observé un joueur qui se déplaçait avec une aisance qui trahissait son gabarit et qui faisait un travail de démolition ahurissant le long des rampes. Mais aussi un défenseur parfois dépassé par les événements, maladroit avec la rondelle, dont la prise de décision était douteuse.
«Je te dirais en fait qu’il a de bonnes mains, il peut bien manipuler la rondelle, précise Ricci. Mais puisqu’il était déboussolé en deuxième moitié, je l’ai remarqué, ses décisions n’étaient pas les meilleures, il s’est débarrassé de beaucoup de rondelles. Il se remettait encore de sa blessure. Il faisait sa presence et les 20 premières secondes étaient bonnes, mais ensuite ça tournait au vinaigre puisque son corps le laissait tomber.»
«Je dois améliorer mes prises de décision et mes lectures de jeu, reconnaît Jack Sparkes. Je suis un étudiant du jeu. Je regarde beaucoup de hockey [pour y remédier].»
Une question de développement
Rich Ricci connaît toutes les données lorsqu’il est question de Sparkes. Il sait que son poulain se remettait encore d’une blessure en deuxième moitié de saison. Il sait qu’il apprivoise encore une nouvelle position et qu’il aura besoin de temps pour se développer.
Et en raison de ces circonstances atténuantes, il croit en son joueur. Bien entendu, un enseignant s’attachera toujours à ses élèves. Il le faut le prendre en considération et remettre en perspective tout optimisme débordant.
«À mon avis, si l’équipe qui le repêche travaille avec lui et prend le temps de le développer, de le diriger, dans cinq ans, je n’ai aucun doute qu’il pourrait jouer dans la LNH. Le reste lui appartient. Il a tous les outils nécessaires, mais il doit se familiariser avec la position. Il doit aussi développer son QI hockey.»
«Je fais juste commencer. J’en ai beaucoup plus à montrer», assure le principal intéressé, qui dit s’inspirer du style de jeu de Colton Parayko.
Sparkes a signé sa lettre d'intention avec l'Université Michigan State, mais son entrée dans la NCAA devra attendre. Il se rapportera à nouveau aux Buzzers dans le junior A l'an prochain.
«Il doit élever son jeu et être dominant à notre niveau, explique le DG des Buzzers, Rich Ricci. Il a été bon dans la première moitié, mais il n'a pas été dominant cette année. L'an prochain, il aura peut-être l'occasion de représenter le Canada au Défi mondial junior A. Il doit avoir le statut de vedette. Il doit être en charge de l'avantage numérique et jouer 30 minutes par match à un haut niveau avant d'aller dans la NCAA.»
Cela dit, même lorsqu'il atteindra la NCAA, il y a une facette du jeu de Sparkes que l'on ne pourra encore voir. Dans le circuit collégial, un joueur impliqué dans une bagarre reçoit automatiquement un match de suspension.
«C'est un très bon gars à l'extérieur de la patinoire, très aimable. Il a des manières. Mais il y a une chose dont je n'ai pas parlé encore : il y a un côté méchant qui sommeille en lui, confie Ricci. Ça devrait sortir quand il sera au niveau professionnel. Il y a un côté de lui que les gens vont découvrir pour la première fois. Il est nasty.
«S'il y avait plus de bagarres dans la OJHL, il détruirait des gars...»