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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

«Le feu viendra de partout»: à quoi ressemblerait une offensive terrestre sur Gaza?

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Agence France-Presse

2023-10-09T15:52:59Z
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Parmi les scénarios vraisemblables sinon probables de la guerre en Israël figure un assaut terrestre sur Gaza. Une perspective effrayante de combats au cœur d'une ville à l'extrême densité de population, dans des souterrains et en présence d'otages pour la plupart israéliens.

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Lundi, Israël a ordonné l'arrêt «immédiat» de son approvisionnement en eau de la bande de Gaza, dans le cadre d'un «siège complet» du territoire contrôlé par le Hamas.

La suite semble écrite : «Israël va lancer la plus grande opération conjointe (air/terre/mer/espace) de l'Histoire contre Gaza», assure sur X (ex-Twitter) John Spencer, expert du Modern War Institute de l'académie américaine West Point.

«Les frappes vont viser d'abord les centres de commandement du Hamas et ses troupes, le feu viendra de partout. En parallèle, l'armée se préparera à entrer dans Gaza», prévoit Alexandre Grinberg, de l'Institut pour la sécurité et la stratégie de Jérusalem (JISS).

Or, la guérilla urbaine impose des corps-à-corps, réduit la visibilité, multiplie les pièges, brouille la distinction entre civils et militaires, rend les blindés quasiment inutilisables.

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AFP
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Andrew Galer, ex-officier britannique aujourd'hui analyste pour la société de renseignement privé Janes, décrit un «champ de bataille à 360 degrés où la menace est partout», des égouts aux toits, des sous-sols aux faux plafonds.

Sécuriser chaque bâtiment, potentiellement piégé, signifie mobiliser des démineurs, déployer échelles, cordes et explosifs «le tout possiblement en essuyant des tirs», éventuellement dans l'obscurité, explique-t-il.

De surcroît, «il y a des risques inhérents de tirs fratricides» liés à la dispersion et la mobilité des combattants. 

Et «comme l'ont montré de nombreux conflits depuis un siècle, l'usage de l'artillerie peut empirer les choses», quand les décombres deviennent une couverture.

Quelque 2,3 millions de Palestiniens vivent à Gaza, sous blocus israélien depuis 2007. Un entrelacs de ruelles étroites surpeuplées, qui surplombent un intense réseau de tunnels surnommé par l'armée israélienne le «métro de Gaza».

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Des centaines de tunnels ont été creusés sous la frontière de 14 kilomètres entre Gaza et le Sinaï égyptien pour faire circuler combattants, armes et autres biens de contrebande. Beaucoup ont depuis été détruits.

Mais depuis 2014, le Hamas a creusé des voies souterraines au sein même du territoire.

Des combattants, installés jusqu'à 30 ou 40 mètres sous terre, y circulent hors de portée des frappes. 

Des batteries de lance-roquettes cachées à quelques mètres de profondeur peuvent en sortir par un système de trappe pour tirer et disparaître à nouveau.

L'armée israélienne les avait intensément bombardés en 2021. Mais si une partie de ce réseau lui est sans doute connue, d'autres sont restés secrets et compliqueront ses opérations.

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Le Hamas «connait ses tunnels par cœur», tranche Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Center à New York. 

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«Certains sont probablement piégés. Se préparer à se battre dans un tel terrain (...) nécessiterait du renseignement étendu (...), ce dont les Israéliens ne disposent peut-être pas».

Et plus encore que dans des combats en espace ouvert, celui qui défend - en l'occurrence le Hamas - dispose d'un avantage tactique majeur.

«Tout le monde sait que ce sera long et difficile avec beaucoup de pertes», admet à l'AFP Alexandre Grinberg, ajoutant qu'il existe «des robots et d'autres moyens spéciaux qui permettent d'entrer dans des tunnels».

Pour le Hamas, assure-t-il, «c'est un avantage qui peut aussi s'avérer un piège. Lorsqu'on localise des tunnels, on peut enfermer ceux qui sont dedans.»

Sur l'opération pèsera enfin une complexité supplémentaire : le Hamas a pris en otages des dizaines de civils, en majorité des Israéliens, mais aussi, selon les médias en Israël, des travailleurs étrangers et probablement des militaires.

«La société israélienne ne pardonnera pas que la vie des otages ne soit pas une priorité. La pression de l'opinion publique est énorme et (le premier ministre israélien Benjamin) Netanyahu le sait parfaitement», estime Sylvaine Bulle, sociologue au CNRS, spécialiste d'Israël.

«Dans les comptes que va demander la société israélienne, il y a : vous n'avez pas assuré notre sécurité, ramenez-nous les otages», ajoute-t-elle, anticipant «sans doute des conflits de temporalité entre le militaire et le politique».

De fait, Tel-Aviv n'est pas en position de négocier actuellement, souligne Kobi Michael, chercheur du groupe de réflexion INSS de Tel-Aviv. 

«Avec tout le chagrin, toute la douleur, le problème des otages ne peut être la première priorité d'Israël», affirme-t-il sans détour.

«Israël en viendra au problème des otages seulement (...) quand le Hamas sera défait et faible. Pas une seconde avant».

Lundi, un membre du bureau politique du Hamas au Qatar, l'a affirmé : «il n'y a actuellement aucune négociation possible sur la question des prisonniers ou autre».

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