Le devoir de savoir face à l’horreur et au désespoir

Clovis Fecteau, Étudiant à la majeure en science politique et au certificat en rédaction professionnelle à l’Université de Montréal
Certains matins, je me réveille avec une frustration sourde: vais-je ouvrir mon téléphone et replonger dans le grand bain des atrocités humaines, ou vais-je me donner un instant de répit en feignant que tout va bien? Bien sûr, je pourrais choisir l’option numéro deux, mais j’ai toujours cru que s’informer était un devoir, que l’ignorance était un privilège réservé aux inconscients ou aux milliardaires trop occupés à compter leur argent. Alors, je lis, j’écoute les nouvelles. Et, évidemment, c’est un festival du désastre.
Un océan monte, une forêt brûle, un dictateur fait du zèle, un autre se lance dans le concours du plus gros mensonge électoral, et quelque part, un climatosceptique doit bien être en train de ricaner en short au mois de janvier. Pendant ce temps, millionnaires et milliardaires nous expliquent que « l’argent ne fait pas le bonheur » (mais ils ne sont pas contre une petite augmentation de leur fortune, au cas où).
Quant aux réseaux sociaux, ils sont devenus une grande foire où l’on débat de sujets cruciaux comme « est-ce qu’un signe fasciste en est un ? » pendant que des droits fondamentaux disparaissent sous les applaudissements de ceux qui prétendent défendre la liberté.
Faire l’autruche
Alors forcément, parfois, l’idée de tout couper me traverse l’esprit. Faire l’autruche, regarder ailleurs, simuler l’ignorance béate... Mais très vite, la petite voix du fond revient à la charge : « Tu comptes vraiment laisser les incompétents et les cyniques décider de tout pendant que tu fais du pain pour ton bien-être mental ? » Eh non, ce serait trop facile. Parce que même si le monde brûle, je refuse d’être de ceux qui regardent les flammes en haussant les épaules.
J'envie parfois ceux qui ont choisi l'ignorance, qui vivent dans leur bulle sans se soucier des soubresauts du monde. Mais je sais que je ne pourrais jamais vraiment en faire partie. J’ai cette fâcheuse habitude de m’indigner, ce besoin quasi maladif de comprendre, cette incapacité chronique à laisser passer l’injustice sans lever un sourcil. Alors, je fais quoi ?
Changer les choses
Je trouve un équilibre bancal entre rester informé et ne pas sombrer dans une crise existentielle quotidienne. Je trie, je filtre, j’apprends à reconnaître ce qui mérite mon attention et ce qui relève du bruit de fond.
Parce que résister, ce n’est pas juste avaler un flot ininterrompu de mauvaises nouvelles en espérant un miracle. C’est aussi nourrir l’espoir, se rappeler que l’humanité n’est pas qu’un ramassis d’ordures, et surtout, refuser l’immobilisme. Parce que si on laisse l’épuisement nous paralyser, autant envoyer directement un faire-part de victoire aux salauds de ce monde.
Alors, je continue. Un article à la fois, une colère à la fois, une action à la fois. Je chiâle, je proteste, je me bats, mais j’apprends aussi à respirer. Parce que si on veut changer quelque chose, il va falloir tenir sur la durée. Et il est hors de question que je m’effondre avant d’avoir essayé.

Clovis Fecteau
20 ans
Étudiant à la majeure en science politique et au certificat en rédaction professionnelle à l’Université de Montréal