COVID-19: «Le chocolat goûte le propane»
Francis Pilon | Journal de Montréal
Presque tous les aliments goûtent et sentent les ordures pour cette Montréalaise de 31 ans qui n’a toujours pas retrouvé une vie normale un an après avoir contracté la COVID-19.
Édith Perrault a l’impression de manger du plexiglas lorsqu’elle met de la laitue iceberg dans sa bouche. L’avocate montréalaise associe aussi le goût des fruits et des légumes à du compost.
« Pour moi, le chocolat ou les noix goûtent le propane. Pas juste ça, l’odeur de ma chambre, l’eau qui coule dans le lavabo, tout sent mauvais. Tout est chamboulé et c’était très épuisant au début », explique au Journal Mme Perrault.
Le phénomène dont elle est atteinte, c’est la parosmie. Il s’agit d’une perception olfactive qui ne correspond plus aux odeurs connues. De 1 % à 5 % des gens qui ont eu la COVID longue en souffriraient.
La jeune femme a contracté la COVID-19 le 25 décembre 2020. Elle avait reçu pour Noël des épices en cadeau, dont elle n’arrivait pas à sentir l’odeur. Elle a vécu ensuite durant six mois avec la perte complète de l’odorat.
Le goût revient, mais...
Mais le pire était à venir.
« C’était le 3 juillet dernier. J’ai mangé un hot-dog avec des feuilles de basilic. Je goûtais, mais c’était vraiment, mais vraiment bizarre. Le lendemain, je sentais pour la première fois en six mois des choses, mais tout avait des odeurs de jus de poubelle », raconte avec dégoût Édith Perrault.
Elle affirme avoir d’abord perdu beaucoup de poids avec cette nouvelle condition, passant de 120 à 100 livres en moins de deux semaines.
La jeune femme confie avoir eu de la difficulté à trouver de l’aide pour s’adapter à la parosmie puisque certains professionnels de la santé croyaient qu’elle souffrait d’anorexie ou encore de dépression.
Patates et fromage salé
« J’ai pris du temps aussi à trouver des aliments nourrissants et qui ne me dégoûtent pas. Les seules choses que je mange, mais qui ne sont pas bonnes ou mauvaises, ce sont notamment les patates et le fromage très salé », mentionne-t-elle.
Édith Perrault indique que sa plus grande crainte est surtout de ne plus être en mesure de retourner à une vie dite « normale » et de vivre avec la COVID longue pour le reste de ses jours.
« On en parle très peu dans nos médias, chez nous, mais on est plusieurs dans le monde à avoir la parosmie. S’il y a des gens de non encore vaccinés, surtout des jeunes, je suis la preuve qu’on ne va peut-être pas en mourir, mais tu peux perdre deux de tes sens sur cinq », souffle la jeune femme.
« Je me sens d’ailleurs un peu morte en dedans », laisse-t-elle tomber.
La trentenaire s’accroche, malgré tout. Elle participe dorénavant à une étude du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec sur l’entraînement olfactif chez les personnes dans la même condition qu’elle.
En tout, une centaine de patients atteints d’un « trouble de l’odorat » depuis au moins deux mois après avoir contracté la COVID-19 y participent.