Le bruit du REM dérange dans Griffintown
Camille Dauphinais-Pelletier
Le bruit que font les trains électriques du Réseau express métropolitain (REM) dérange des citoyens qui habitent aux abords des voies, à Griffintown. Lorsqu'ils ont acheté leur condo il y a quelques années, ils étaient loin de s'attendre à ce qu'un tel bruit les dérange toutes les cinq minutes.
«Honnêtement, on l’entend chaque fois qu'il passe. Même si j'ai les fenêtres fermées et la télé allumée, je sais quand il arrive», rapporte Christine Marquis, qui habite dans un condo au bord du canal de Lachine, avec une vue qui donne directement sur le REM. «En ce moment, c'est des tests, il y en a un qui passe de temps en temps. Mais il y a quelques semaines, ils faisaient des tests plus intensifs, et je me disais: “Wow, ça n'a pas d'allure, ça va être comme ça 20 h sur 24!”», poursuit-elle.
En effet, le REM n'est pas encore en service, mais les trains automatisés (sans conducteur) circulent abondamment sur la voie pour tester l'équipement. Lorsque la mise en service se fera ce printemps, ils circuleront pendant une vingtaine d'heures chaque jour, avec une fréquence similaire à celle du métro.
Lorsqu'on se trouve aux étages supérieurs de la tour où habite Mme Marquis, on les voit à l'horizon arriver du pont Champlain et passer au-dessus de l'île des Sœurs. Les rails enjambent ensuite le canal de Lachine, passent devant le signe emblématique de Farine Five Roses, avant de parcourir quelques centaines de mètres dans le quartier pour aller rejoindre la gare Centrale. La vidéo suivante donne une idée de ce à quoi ça ressemble – on entend d'ailleurs le bruit du train.
De passage sur place, 24 heures a pu constater que les trains du REM émettent effectivement un bruit de frottement métallique que l'on peut entendre très distinctement aux abords du canal. Ce bruit était aussi audible à l'intérieur de certaines parties de la tour à condos. En comparaison, les trains de VIA Rail sont plus bruyants, mais ils font un bruit plus sourd et grave − et surtout, ils passent peu souvent dans une journée.
Au départ, Mme Marquis était enthousiaste à l'idée de voir se développer le REM. Mais la perspective d'entendre ce son constamment lui gâche une bonne partie de son plaisir d'habiter à cet endroit.
«Je comprends ça, l'importance du transport collectif, mais quand j'ai acheté il y a huit ans, il n'était pas question d’un REM. C'est triste, parce qu'on est en ville, proche du quartier de la montagne et de l'eau, et on n’entendait presque rien, seulement les voisins qui parlent dehors et la piste cyclable.»
Elle n'imagine pas comment elle pourra recommencer à profiter de son balcon l'été.
Mme Marquis a contacté l'équipe du REM, qui lui a assuré que de nouveaux tests seraient faits pour mesurer l'intensité du bruit. Elle espère que des mesures d'atténuation seront prises, par exemple l'installation de murs pour couper le bruit, ou encore un ralentissement des trains dans le quartier. Il est vrai que quelques centaines de mètres plus loin, à l'approche de la gare Centrale, les trains du REM circulent plus lentement et sont très peu bruyants, selon les observations de 24 heures.
Une autre résidente de l'immeuble, qui a préféré conserver l'anonymat, a fait les mêmes observations que Mme Marquis. «Je ne peux pas ouvrir ma fenêtre qui donne sur le REM, sinon on ne s'entend pas parler. Ce n'est pas un petit bruit. [...] Imaginez la qualité de vie qu'on aura ici quand il roulera 20 h par jour!», lance-t-elle.
«Quand je fais des marches le long du canal, j'entends un murmure jusqu'au marché Atwater. Il n'en était pas question quand j'ai acheté ici, ce n'était pas en connaissance de cause... Ça peut peut-être affecter la valeur des appartements, on ne sait pas encore», a-t-elle ajouté.
En plus de craindre pour sa qualité de vie, elle craint pour la vitalité de ce quartier, qu'elle habite depuis plusieurs années et qu'elle a vu fleurir.
«C'est supposé être un coin avec une belle qualité de vie avec le canal... Les gens vont venir pique-niquer avec ce bruit, vous pensez? Ils étaient en train de créer une très belle vie autour du canal, les gens faisaient des activités plein air de plus en plus. Avec ça, ils sont en train de bousiller ce qu’ils font de bon», dit-elle, craignant que des gens quittent carrément le quartier.
Nouveaux tests à venir
24 heures a contacté l’équipe du REM, qui dit être au fait de la situation du bruit à Griffintown. Des mesures d’atténuation comme des murs antibruits ont déjà été installés à certains endroits sur le tracé, là où une modélisation permettait de déterminer que le passage du REM «aurait un impact significatif sur le milieu, selon la grille d’analyse de la politique sur le bruit routier du ministère des Transports du Québec», affirme Jean-Vincent Lacroix, directeur des communications du REM.
«À la suite des commentaires reçus, nous avons pris la décision de conduire une nouvelle campagne de mesures sonores dans le secteur [Griffintown]», a-t-il ajouté.
Les données qui seront amassées lors de ces mesures permettront aux gestionnaires du REM de déterminer si des mesures additionnelles doivent être prises.
Les citoyens de Griffintown sont donc en mode attente pour le moment.
Rappelons que la mise en service est prévue ce printemps pour la branche Rive-Sud, qui comptera trois stations à Brossard, une à l'île des Sœurs et une à Griffintown (qui ouvrira ultérieurement). Elle terminera sa course à la gare Centrale, au centre-ville de Montréal.