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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Le Bloc existe, en passant

Photo AFP
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Photo portrait de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté

9 avril à 11h30
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Il ne m’appartient évidemment pas de dire aux lecteurs pour qui voter, mais je suis fasciné en voyant à quel point le Bloc Québécois est laissé pour compte dans cette campagne.

On nous la raconte alternativement comme un choc à venir entre Donald Trump et Mark Carney, comme s’il était déjà élu, ou de temps en temps comme une lutte entre ce dernier et Pierre Poilievre.

Au Canada anglais, cela a du sens.

Mais au Québec, cela n'en a aucun et cela ne correspond pas à la réalité des forces électorales.

Canada

Chez nous, sur la plus grande partie du territoire, sauf ceux où les francophones ont perdu leur rapport de force, le Bloc est en position de remporter de nombreuses circonscriptions.

Comment expliquer cet oubli dans le récit de la campagne?

Premier élément: nous vivons une élection déconnectée de la réalité, où les Québécois sont pris d’une fièvre canadienne temporaire qui ne durera pas, mais qui pour l’instant dérègle leur jugement.

Ils oublient de défendre leurs intérêts et s’imaginent jouer dans Team Canada, alors que l’Ouest, comme l’Ontario, n’a pas cette faiblesse. Les Québécois se déguisent en Canadiens électoraux le temps d’une élection carnavalesque.

Mais nous ne sommes ni Américains ni Canadiens, nous sommes Québécois. Il serait bien qu’on ne l’oublie pas.

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Deuxième élément: trop de commentateurs adhèrent à la théorie du «parti parking» – comme si le Bloc Québécois ne disposait pas d’un vote d’adhésion, mais profitait seulement des vagues d’insatisfaction de l’électorat.

Erreur. Il existe un électorat indépendantiste, et plus largement, un électorat nationaliste, qui vote pour le Québec d’abord et qui ne veut pas se laisser dissoudre dans le piège canadien.

Ces électeurs veulent que le Québec ait sa propre voix à Ottawa. Ce qui va de soi.

Partout dans le monde occidental, les nations minoritaires envoient des partis nationalistes les représentant au Parlement central.

Troisième élément: on cherche à faire croire qu’en votant Bloc, les Québécois s’excluraient du pouvoir. C’est absurde: les Québécois sont structurellement exclus du pouvoir au Canada.

Même lorsqu’ils participent individuellement au gouvernement, c’est en tant que francophones de service, ayant pour fonction de faire croire qu’ils pèsent dans l’orientation du pays, alors qu’en fait, cela a pour fonction de faire accepter aux Québécois les décisions qu’on leur impose.

Le Bloc révèle cette réalité, qui serait sinon cachée.

Cela dit, avouons-le, le Bloc n’a pas toujours bien joué ses cartes.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Opposition

À force de jouer à l’opposition responsable, et canadiennement correcte, le Bloc oublie de faire le procès du régime canadien, de ses fondements.

On se demande parfois s’il ne préfère pas, au jour le jour, être un parti de centre gauche plutôt qu’un parti rassemblant tous les nationalistes.

Il a l’occasion de se ressaisir maintenant, alors que resurgit la question de l’immigration massive à la frontière.

Nous n’oublierons pas l’essentiel toutefois: quand les Québécois ne parlent pas par eux-mêmes, personne ne le fait à leur place.

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