Le ballet de la migration vers le Québec reprend dans cette station-service de Plattsburgh
Comme au temps de Roxham, les autobus et les taxis acheminent les migrants jusqu’à la frontière canado-américaine

Nora T. Lamontagne
PLATTSBURGH, NY | Des Haïtiens terrifiés par les menaces de Trump sont de retour dans une petite station-service de Plattsburgh d’où ils prendront un taxi pour se rendre à la frontière.
Ils sont partis de New York, de Pennsylvanie ou de plus loin encore dans l’espoir de demander l’asile au Canada à un poste frontalier terrestre.
Et leur nombre s’est accru dans les derniers mois, selon les récentes données de l’Agence des services frontaliers du Canada.
«Mon frère m’attend à Montréal», a témoigné mardi une jeune femme qui préférait ne pas donner son nom, tout en débarquant ses lourdes valises violettes d’un autobus Greyhound en provenance de New York.
Ce dernier s’arrête dans une station-service devenue une escale obligatoire dans le parcours des migrants qui vont vers le nord.
Des chauffeurs de taxi impatients y attendent les passagers qui descendent à Plattsburgh.
Mais, plutôt que de les reconduire jusqu’au chemin Roxham, ils les amènent désormais près du poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle.
«Border? Frontière?» demandait à la ronde, hier, un homme qui disait s’appeler «Mike» et «faire du Uber de temps en temps». Sa carte de chauffeur de taxi de la ville de Plattsburgh indiquait plutôt «Stephen».
Les prix de la course varient entre 60$US et 80$US pour environ 25 minutes de route.
Un prix que les migrants angoissés et fatigués acceptent sans broncher, même s’il est bien plus cher qu’un billet entre New York et Plattsburgh.
• Sur le même sujet, écoutez cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
La menace Trump
Mardi après-midi, Le Journal a croisé, à la station-service, une dizaine d’Haïtiens qui allaient à la frontière ou qui en revenaient.
La plupart d’entre eux fuyaient les menaces de déportation de Donald Trump, de plus en plus concrètes pour les immigrants.
«Il faut ouvrir la frontière du Canada pour les Haïtiens. Donald Trump nous déteste. On vit sous pression ici», plaide Emmanuel, dans la vingtaine, qui venait de se faire refuser l’asile au Canada.
Le président des États-Unis a récemment annoncé qu’il révoquerait le statut de protection temporaire de 530 000 migrants, dont environ 200 000 Haïtiens, le 24 avril prochain.
«J’ai reçu le courriel le 29 mars [au sujet de mon statut] et je suis partie deux jours plus tard», a raconté au Journal une jeune Haïtienne récemment arrivée à Montréal.
«J’ai eu plus de 10 appels pour demander comment a été l’expérience. Mes proches veulent faire pareil», ajoute-t-elle.
Pas tous acceptés
Preuve que le flux migratoire en direction du Canada a repris, plus de 550 personnes ont demandé l’asile dans la dernière semaine à Saint-Bernard-de-Lacolle, à 50 kilomètres de Montréal.
Mais tous ne sont pas acceptés, puisqu’il faut désormais correspondre à une exception de l’Entente sur les tiers pays sûrs pour pouvoir entrer au pays.
La plus commune est d’avoir de la famille au Canada, ce qui est le cas d’un grand nombre d’Haïtiens de la diaspora aux États-Unis.
Or, plusieurs migrants nous ont affirmé que les agents frontaliers canadiens n’avaient pas jugé leurs preuves de lien familial suffisantes malgré des documents tels que des actes de naissance. «Un échec total», soupire l’un d’entre eux, qui dit avoir un oncle et un frère au pays.
Il a donc été renvoyé à la station-service de Plattsburgh, où le ballet des autobus continue son cours.
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