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L'article provient de Clin d'oeil
Style de vie

L’art de la drag, selon Rita Baga

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Jean-François Guevremont, alias Rita Baga

2021-06-01T16:00:00Z
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Des paillettes, des plumes, d’immenses perruques, des maquillages extravagants et des talons hauts défiant la gravité : c’est ce qui traverse l’esprit de la plupart des gens lorsqu’on évoque l’univers des drag-queens. Mais pour les adeptes de ce métier hors de l’ordinaire, c’est d’abord et avant tout une histoire de passion.

JEAN-SÉBASTIEN SÉNÉCAL
JEAN-SÉBASTIEN SÉNÉCAL

Cette forme d’art qui nous semble si contemporain fait pourtant partie des mœurs depuis des centaines d’années. À l’époque de Shakespeare, les femmes n’avaient pas le droit de jouer au théâtre. C’étaient donc les hommes qui se transformaient physiquement pour camper les rôles féminins. Cette image d’«un homme qui se transforme en femme» teintera longtemps la conception de notre métier. En réalité, particulièrement de nos jours, cette définition se veut beaucoup plus large, plus inclusive. Tout le monde peut faire de la drag, peu importe l’identité de genre, l’orientation sexuelle, le poids, l’âge et la condition physique. Une soirée dans un cabaret de drags permet vite de constater que les «voix de la drag» sont plurielles et que toutes ses formes, toutes ses expressions y sont valables.

JEAN-SÉBASTIEN SÉNÉCAL
JEAN-SÉBASTIEN SÉNÉCAL

L’art de la transformation...  

Quelle serait la définition la plus juste de l’art de la drag? Pour moi, il s’agit d’abord et avant tout d’une transformation. Pas nécessairement d’un genre à un autre, mais plutôt de soi en un «personnage». Il existe des dizaines de façons de se présenter comme drag. Mais ce qui permet de se démarquer est d’arriver à créer une signature, un brand comme on se plaît à l’appeler, qui nous rend originales et, surtout, reconnaissables. À tous et toutes les apprenti.e.s et amateur.trice.s, je dis: amusez-vous! Il ne faut pas avoir peur de se composer des looks qui font preuve de singularité. Pensons à une drag-queen très connue, comme Mado Lamotte, à son maquillage unique et à ses tenues grandioses qui la rendent reconnaissable entre mille. Et être «reconnaissable» est une véritable plus-value dans ce monde féerique!

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... et du divertissement  

Au-delà de la transformation, nous sommes des artistes ayant une mission bien précise : divertir! Marchandes de bonheur, d’illusions, de rêves, les drags ont un pouvoir d’attraction hors du commun. Parfois discrètes, parfois plus grandes que nature, elles fascinent toujours. Il n’est pas nécessaire d’avoir une apparence tape-à-l’œil pour pratiquer ce métier. Plusieurs drags préfèrent exercer leur art en faisant des imitations, c’est-à-dire en reproduisant le plus fidèlement possible les mimiques et l’allure d’une personne connue. Et toutes les vedettes n’aiment pas le clinquant... Bref, l’éventail de possibilités est large, et la drag, presque sans limites!

Les pionnières  

Au cours des dernières années, nous avons surtout été présentes dans les cabarets et les bars, ainsi que dans les milieux associés à la diversité sexuelle et de genre. On parlait beaucoup de créatures de la nuit et de personnes associées aux communautés. L’avènement de la compétition RuPaul’s Drag Race, en braquant les projecteurs sur cette pratique, a contribué à démocratiser notre métier. Aujourd’hui, cette compétition – adaptée dans plusieurs formats internationaux – est distribuée aux quatre coins de la planète. Les drags ont conquis l’espace public et la télévision pour notre plus grand bonheur!

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Lorsque j’ai débuté, il y a de cela près de 15 ans, voir des drags à la télévision était très rare. Aux États-Unis, RuPaul et Lady Bunny y ont fait quelques passages remarqués. 

En Europe, Dame Edna avait sa propre émission. 

Au Québec, nous avions Guilda. C’est elle qui a tracé la voie à Mado Lamotte et Michel Dorion, entre autres personnalités, qui ont fait plusieurs apparitions notables dans les années 1990 et au début des années 2000.

Photo d'archives
Photo d'archives

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Il est fascinant de voir à quel point l’engouement du public à l’égard de notre métier prend de l’ampleur. Aujourd’hui, j’écris un article sur l’art de la drag pour Clin d’œil. C’est très gratifiant et même rassurant de penser que les efforts de longue haleine de plusieurs artistes nous permettent maintenant d’être présentes de façon récurrente dans le foyer de centaines de milliers de personnes, par le truchement de différents médias. L’avenir s’annonce brillant et coloré!

Les formes de drag  

Mais si les drags habitent de plus en plus la sphère médiatique, la majorité d’entre elles sont, de prime abord, des artistes de la scène. En quoi consiste une prestation de drag-queen? Certaines choisissent le lip-sync. Elles interprètent une chanson populaire d’une voix qui n’est pas la leur. Plusieurs drags offrent des numéros chorégraphiés. Pour d’autres, c’est plus conceptuel : ce peut être l’imitation qui prime – de Céline Dion par exemple. Quelques drags n’ont pas peur d’utiliser leur vraie voix et de chanter sur une musique préenregistrée. Cette façon de faire, assez répandue aux États-Unis et en Angleterre, compte tout de même quelques adeptes au Québec.

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Un investissement  

Passons maintenant à la question qui brûle quelques lèvres : combien ça coûte, la drag? La réponse est simple : très cher! En effet, plusieurs années sont parfois nécessaires avant d’arriver à « rentabiliser » son investissement. Les gens croient souvent qu’il existe un costumier spécialisé dans notre domaine. C’est l’une des fausses croyances de notre métier! Chaque pièce que porte une drag est le fruit de son investissement personnel. Pour débuter dans le métier, il faut donc commencer par se constituer une garde-robe. Il faut dépenser beaucoup d’argent pour ses premières perruques, son maquillage, ses tenues, ses talons, etc. La question des revenus, à présent. Rares sont les drags qui peuvent se vanter de gagner assez d’argent pour vivre de leur métier. Il faut dire que les cachets moyens offerts par les bars n’ont pas changé depuis une vingtaine d’années. Les « nouvelles » gagnent en moyenne de 50 à 75 $ par soir, pour deux ou trois prestations. Tout cela en portant une tenue qui peut valoir au moins 500 $. Et l’investissement n’est pas que financier. Il exige aussi du temps. Peu de drags oseraient présenter un numéro improvisé. Les prestations sont souvent soignées, pensées, calculées et répétées. Lorsqu’une drag confectionne ses propres costumes (ce qui n’est pas nécessairement un must), le temps de conception doit également être compté. Bref, il faut du temps avant de pouvoir parler de bénéfices financiers.

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Par ailleurs, le nombre d’artistes drags augmente chaque année, notamment grâce à la popularité croissante de cet art, propulsé par des émissions comme RuPaul’s Drag Race. Le nombre de scènes à leur disposition, lui, n’a pourtant pas beaucoup changé. Concrètement, nous assistons donc à un nouveau phénomène depuis quelques années : il y a de plus en plus de drags, mais de moins en moins de possibilités de se produire pour elles. Il faut s’armer de patience et, surtout, croire en soi. Certaines personnes ont su tirer leur épingle du jeu en trouvant de nouvelles salles, de nouvelles avenues, et je leur lève ma perruque! Lorsqu’il y a peu de place, il faut en créer!

La passion  

Le moteur de la drag? La passion. Comme pour tout, si vous êtes passionnée, les occasions se présenteront. Il faut croire en ses rêves, ne pas avoir peur des critiques tout en essayant de s’améliorer. Tout cela explique mon cheminement. J’ai souvent frappé des murs, cogné à des portes fermées, vécu des rejets et des échecs. Cependant, j’ai toujours été persuadée que ce que j’offrais était intéressant, et ce, pour tout type de public. J’ai pris le temps de peaufiner mon art en suivant des cours de maquillage, en étudiant des artistes pour mieux les imiter, et en demandant conseil à des drags expérimentées que j’admirais. À force d’entraînement et de volonté, je crois désormais être sur mon X. 

L’art de la drag, c’est passionnant!

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