Serge Boutin aurait été enterré vivant par Charles Lassonde et Lana Dubois
Guillaume Cotnoir-Lacroix
Serge Boutin, victime d’un meurtre en juillet 2021, dans le secteur de Val-des-Sources, aurait été enterré vivant. Lana Dubois, qui a admis avoir participé au crime, a livré un récit à glacer le sang des événements, au procès pour meurtre au premier degré de son ex-conjoint, Charles Lassonde.
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Le récit des événements de la nuit du 6 au 7 juillet 2021 présenté par Lana Dubois a semé une ambiance bien particulière dans la salle d’audience cet après-midi. De l’incrédulité et parfois de la tristesse ont pu être observés chez certains jurés.
Selon la témoin, Charles Lassonde et elle étaient furieux contre Serge Boutin, un ami de longue date de Lana Dubois. Lassonde avait convaincu sa copine que Serge Boutin lui voulait du mal.
Parmi les éléments mentionnés, Lassonde aurait raconté à Dubois que Serge Boutin, que tout le monde surnomme «Bibitte» dans ce procès, voulait la violer, lui avait volé son téléphone cellulaire, avait fait un double de clé de leur voiture dans le but de les voler et plus encore. Il n’est pas clair à ce stade-ci si ces éléments étaient fondés ou non. Néanmoins, lors de cette nuit, ils avaient décidé de le confronter.
La confrontation, qui a eu lieu aux petites heures du matin, à Val-des-Sources, a toutefois rapidement tourné en enlèvement. Avec Dubois au volant de leur voiture et Lassonde assis à l’arrière avec la victime, les trois se sont rendus dans le secteur d’une carrière, à Danville.
À leur arrivée, la victime aurait tenté de fuir dans un champ à deux reprises, étant chaque fois rattrapé par Lassonde. Il aurait été battu avec un bâton téléscopique.
Après avoir été rejoint la deuxième fois par Lassonde, la victime aurait demandé au couple d’être transporté à l’hôpital pour soigner ses blessures.
«Trop tard. Trop tard», aurait répondu l’un des deux membres du couple. La victime aurait également enroulé son chandail à manche longue autour de sa tête, vraisemblablement comme bandage. Il a ensuite été attaché par Lassonde.
Le reste du récit a semblé rendre émotifs des membres du jury.
«Charles a aperçu une cavité sur le bord du chemin, a raconté, larmes aux yeux, la témoin, Lana Dubois. J’ai arrêté le véhicule, j’ai laissé les lumières allumées. C’était l’éclairage qu’il y avait», a-t-elle débuté.
«Charles a demandé à Bibitte de se coucher sur le dos, il a sorti une pelle. Il y avait une cavité et il y avait un genre de petit muret de terre. Il a pris de la terre du muret et il a commencé à lui garrocher de la terre sur le visage», a relaté Lana Dubois.
La victime aurait alors demandé de déplacer son bandage à la tête sur sa bouche et ses yeux, pour éviter de recevoir de la terre sur ces endroits. Lassonde serait plutôt aller chercher un rouleau de plastique pour l’étendre dans le trou où se trouvait toujours la victime.
Lana Dubois aurait commencé à filmer la scène, à ce moment précis.
«Je demande à la victime de regarder la caméra», s’est remémorée Dubois.
«Pourquoi vous avez décidé de faire ça?», a demandé la procureure de la Couronne Stéphanie Landry. «Je ne sais pas. Je me suis posé la question maintes et maintes fois, a-t-elle débuté. Je le filme et je lui dis à mon ami. ‘’Pourquoi tu ne m’as pas écouté, regarde ce qui t’arrives. Pour toutes les crosses que t’as faite’’. En même temps, je suis en colère après tout ce qui en découle de tout ça. Je suis dans l’incompréhension, je suis dans la peur», a-t-elle poursuivi.
La drogue au cœur des relations entre la témoin, l’accusé et la victime
Lana Dubois avait 18 ans lorsqu’elle a fait la rencontre de la victime, que tous surnomment «Bibitte», de son vrai nom Serge Boutin. La témoin n’a pas tardé à expliquer que le lien entre les deux, «c’était la drogue». Dubois a expliqué qu’elle consommait de la cocaïne, du hasch et du crack, entre autres. Elle a expliqué avoir rencontré l’accusé, Charles Lassonde, «à la même époque». Ils sont devenus conjoints, avant que leur relation ne prenne fin puisque Lassonde était en prison.
Une vingtaine d’années se sont écoulées avant que les deux ne se retrouvent, en 2016, selon la témoin. Après un long séjour en Colombie-Britannique, les deux sont revenus au Québec, avant de s’installer dans un logement de Victoriaville. À l’été 2021, Lana Dubois, selon ses dires, souhaitait mettre un terme à leur relation.
«Il n’y en avait plus d’amour, c’était juste de la consommation. Ça dépérissait de jour en jour, de semaine en semaine», a-t-elle expliqué aux jurés. «Bibitte», qui était dans la même période à Victoriaville, est alors invité à venir habiter chez Lana Dubois, qui souhaitait que Charles Lassonde quitte le logement.
«Il est resté presque une semaine, il couchait sur la petite causeuse», a expliqué Dubois. L’accusé Charles Lassonde demeurait toutefois toujours sur place.
«Il pensait que je conspirais dans [son dos] avec Bibitte. Il pensait que je consommais en cachette avec mon ami, que Bibitte avait de l’argent et qu’il faisait croire qu’il n’en avait pas. Ce n’était pas ça. Tout ce que je voulais, c’était que Charles sorte de l’appartement et que Bibitte vienne travailler avec moi et qu’il participe au loyer», a expliqué la témoin.
Lassonde aurait récupéré le cellulaire de Serge Boutin alors qu’il était absent. Il aurait alors indiqué à Lana Dubois que «Bibitte» avait consulté des pages sur le dark web. «Que Bibitte aurait été sur des sites de hackage [piratage], sur comment enlever la lumière du téléphone, comment enregistrer à l’insu de la personne», a lancé la témoin.
«Tout ce que Charles me disait, ça avait l’air tellement crédible, tellement vrai. Étant donné que je n’ai pas de connaissances dans la technologie, dans les ordinateurs, c’est plus facile à laisser croire que Bibitte volerait mon identité», a détaillé la témoin. Son témoignage, mené par la procureure aux poursuites criminelles et pénales Stéphanie Landry, se poursuivra mardi après-midi.
Son entente avec les policiers expliquée
Lana Dubois a expliqué d’entrée de jeu aux 14 jurés que les policiers étaient venus la chercher en prison, quelques jours avant son procès, en novembre 2023. Elle avait finalement choisi de collaborer à l’enquête. Le procès était prévu pour le 13 novembre et les policiers sont venus la cueillir le 9 novembre. Elle a produit une déclaration vidéo le lendemain.
«Le 11 novembre, on va à l’emplacement. Le lieu de l’événement, pas de l’enlèvement. Le lieu où je croyais qu’il était enterré.» - Lana Dubois, témoin au procès de Charles Lassonde
Elle a passé dans les jours suivants un polygraphe, avant de signer son entente de collaboration. Elle a par la suite plaidé coupable au chef réduit d’homicide involontaire.
Dubois a expliqué avoir obtenu un montant de 650$ «pour manger», à la signature de l’entente. Elle avait également droit, pendant son passage en prison, à 200$ par mois pour la cantine, 75$ par mois pour des cartes d’appel et 375$ pour des vêtements. À sa sortie de prison, un montant de 650$ par mois pour son «transport, taxi, autobus» lui a aussi été attribué. Il n’a toutefois pas été possible de savoir si elle a toujours accès à ces sommes aujourd’hui. Lana Dubois a déjà purgé sa peine.
«Je n’ai pas décidé de dire la vérité pour ce montant-là. Je l’ai su juste après que j’allais percevoir l’argent. Je voulais la dire, la vérité», a-t-elle lancé aux jurés, en peinant à retenir ses larmes.
Rappelons que l’ex-conjointe de Charles Lassonde était elle aussi initialement accusée de meurtre au premier degré et son procès devait débuter le 13 novembre 2023. Elle a finalement choisi de collaborer à l’enquête quelques jours avant son procès. Elle a plaidé coupable à un chef d’homicide involontaire et a écopé d’une peine de quatre ans et demi d’emprisonnement.
Son témoignage doit se poursuivre demain.