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Environnement

La vraie solution pour déjouer le greenwashing

Marilyne Houde
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Photo portrait de Élizabeth Ménard

Élizabeth Ménard

2022-05-19T09:00:00Z
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Vouloir acheter des produits écolos à l'épicerie, c'est souvent se retrouver à la caisse avec des items choisis presque au hasard, après avoir lu des étiquettes pas claires. C'est normal : les compagnies rivalisent pour avoir l'air plus vertes les unes que les autres, que ce soit vrai ou non. Et bien sûr, elles ne soulèvent jamais la plus cruciale des questions, à savoir si on a réellement besoin de ce qu'on s'apprête à acheter.

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À la fin des années 2000, alors que le marketing vert devenait de plus en plus commun, l’entreprise de marketing environnemental TerraChoice s’est intéressée au greenwashing, cette forme de marketing trompeur qui vante les vertus prétendument écologiques d’un produit ou d’un service comme argument de vente. 

Chaque année, elle publiait une analyse de produits au positionnement « vert ». La dernière, publiée en 2010, avait conclu que 95% d'entre eux présentaient des prétentions fallacieuses. C’est un taux qui a de quoi enrager, si ce n’est qu’il s’agissait d’une amélioration par rapport à l’année précédente, où c'était 98%. 

Une confusion qui nuit à tout le monde    

Comment les entreprises peuvent-elles s’en tirer aussi facilement? Au sens de la loi, les déclarations fausses, trompeuses ou non-fondées sont interdites. Mais les entreprises ont plusieurs techniques pour induire l’idée que leur produit est écolo sans y contrevenir. Elles vont notamment utiliser des couleurs (souvent le vert), des images évoquant la nature et des mots dont la signification est vague comme «naturel», «à base de plantes» ou «respectueux de la planète». Plusieurs vont aussi présenter des éco-étiquettes maison, crées de toutes pièces, qui donnent l’impression que le produit ou l’entreprise détient une certification quelconque. 

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Cette confusion nuit aux consommateurs, mais aussi aux entreprises elles-mêmes.  

« Il y a des entreprises qui sont très consciencieuses, qui font leurs devoirs, mais ne se sentent pas en mesure de vendre l'attribut écologique de leur produit parce qu'elles ont peur de se faire attaquer sur ce point, même si c’est solide », affirme la spécialiste de marketing environnemental du Réseau des femmes en environnement, Élyse Arcand.  

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Si les travaux de TerraChoice ont fortement contribué à éveiller les consciences sur l’écoblanchiment, ils ont aussi alimenté la méfiance grandissante des consommateurs.  

« On arrive souvent à la conclusion que n'importe quelle entreprise qui fait de la communication sur le côté vert de ses produits peut être accusée de greenwashing », déplore la cofondatrice de l'Observatoire de la consommation responsable, Caroline Boivin. 

En 2011, elle a mené une étude sur le positionnement vert de plusieurs produits d’entretien ménager. L’une de ses conclusions: « Les fabricants ont aujourd’hui tendance à exagérer les attributs verts de leurs produits par une utilisation excessive d’écolabels et mentions vertes sur les emballages. Cela a comme résultat de développer des attitudes négatives des consommateurs envers les écolabels et finalement envers le produit lui-même. » 

Quand on veut juste acheter un savon à vaisselle qui n’est pas dommageable pour l’environnement et qu’on réalise qu’il faudrait enquêter jusqu’en Chine pour s’assurer que ce qui est inscrit sur l’emballage est véridique, c’est décourageant. On finit parfois par choisir le moins cher sur le coin de l’étagère et basta! 

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« Ça reste très difficile, même pour des gens avisés, de faire le tri de ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, souligne Mme Arcand. Même pour les gens qui travaillent dans le domaine environnemental, c'est facile de se faire leurrer », dit-elle. 

Remettre en question notre consommation    

Alors c’est quoi la solution? 

Il n’y en a pas de facile, consentent les deux expertes. 

Élyse Arcand appelle à regarder plus loin que le marketing pour se questionner sur la réelle utilité d’un produit.  

Aucun produit n’est réellement écoresponsable en totalité. «Ça n'existe pas, dit-elle. Il y a nécessairement, dans la production d'un produit ou d'un service, une consommation de ressources qui fait qu'on ne peut pas entièrement être écoresponsable au départ», explique-t-elle. 

Alors dès qu’une entreprise se prétend verte, on peut la critiquer. 

« Dans le contexte actuel des changements climatiques et des effets de la surconsommation, c'est important d'aller au-delà de la publicité qui est faite sur des attributs écologiques, souligne-t-elle. La notion de besoin doit être réévaluée. Dans la consommation responsable, il y a un certain niveau de déconsommation qui est nécessaire », dit-elle. 

En somme, votre nouveau t-shirt aura beau être fait de coton bio, si c’est un énième t-shirt dont vous n’aviez pas besoin, il n’a rien d’écoresponsable.  

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Les entreprises aussi doivent revoir leur façon de faire les choses si elles ne veulent pas continuer d’alimenter la méfiance des consommateurs.  

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« Une grosse partie de la solution est d'être capable de vendre un produit qui n'est pas nécessairement écoresponsable, mais de le vendre aux bonnes personnes qui en ont réellement besoin, fait valoir Mme Arcand. C'est déjà un pas dans la bonne direction. Si le besoin est réel et non induit, déjà, tu peux être un peu plus à l’aise de vendre ton produit. » 

À retenir    

En tant que consommateur, si vous avez vraiment besoin d’un savon à vaisselle (comme tout le monde qui n’a pas le temps de se fabriquer son propre détergent maison), fiez-vous à votre instinct quand vient le temps de faire votre choix. Méfiez-vous des mots-valise qui ne veulent rien dire et d’un marketing qui laisse croire qu’un produit est 100% écoresponsable. 

Pour vous y retrouver dans les éco-étiquettes officielles, consultez les répertoires québécois et canadien.  

Vous pouvez aussi consulter le guide unpointcinq pour ne pas se faire berner par le greenwashing

Mais surtout, gardez en tête que tout ce que vous achetez a un impact sur la planète, peu importe ce qui est écrit sur la jolie bouteille verte. 

C’est quoi le greenwashing?     

Aussi appelé écoblanchiment, en français, le greenwashing c’est: tout message pouvant induire le public en erreur sur la qualité écologique réelle d’un produit ou d’un service ou sur la réalité de la démarche de développement durable de l’entreprise, quelles que soient les modalités de diffusion. 

Source: S. Tremblay, N. D’Almeida,T. Libaert, dir., Développement durable : une communication qui se démarque, Montréal, PUQ, 2018. 

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