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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

La tombola de l’incohérence

Photo Agence QMI, Maxime Deland
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Photo portrait de Emmanuelle Latraverse

Emmanuelle Latraverse

30 janvier 2022
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Rarement aura-t-on vu des manifestants en colère afficher de tels sourires.

« C’est les deux ans que j’ai gardés à l’intérieur de moi que je suis en train de sortir, » a expliqué un manifestant à mon collègue Raymond Fillion.

Marginalisés comme des « déplorables » depuis 23 mois, ces camionneurs, ces travailleurs, ces mères de famille, ces étudiants ont enfin l’impression d’avoir une voix.

Les « antitout » ne sont plus seuls. Rien de tel pour les convaincre qu’ils ont raison.

Ils réclament la vérité, la fin du mensonge, du contrôle. Certains sont antivaccins, d’autres pro-choix. Ces amants de la liberté exigent la fin de la pandémie. La fin de la dictature sanitaire.

Rien de très édifiant dans ce discours. Et pourtant, il serait erroné de balayer du revers de la main l’expression de ce ras-le-bol collectif.

N’importe quoi

Il est tentant de lever les yeux au ciel en entendant un homme clamer « le vaccin n’est pas la solution ».

Difficile de prendre au sérieux un cri de ralliement comme : « La phase de la débilité collective, ça fait ! » ou « On n’en veut plus, c’est d’la marde ».

C’est le cœur du problème de cette grande mobilisation.

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Elle revendique tout et rien, abreuvée par les inepties et conspirations qui polluent l’internet et les médias sociaux. 

Mais cette incohérence cache aussi une détresse bien réelle. Celle de milliers de personnes qui n’en peuvent plus.

« Ça fait 2 ans que je suis déprimé chez nous, que je ne vis plus. »

« Il est temps qu’on recommence à vivre », ajoute une autre femme.

Et cette lassitude ne peut plus être ignorée.

Car pour chaque manifestant sur la colline du Parlement, le long des autoroutes, sur les viaducs, combien d’autres ailleurs au pays ont décroché.

Les limites de la vertu

Pendant 22 mois, la classe politique a mené la bataille de l’exemplarité. Passage obligé pour assurer une cohésion sociale essentielle face à une crise sans précédent.

L’obligation vaccinale est devenue une arme de choix dans cette guerre à la fois politique et sanitaire. 

Mais au terme de cette 5e vague, la population attend davantage de nuances de ses leaders.

Après un couvre-feu mal avisé le 31 décembre, François Legault l’a bien compris. C’est la raison pour laquelle il a entamé un déconfinement graduel au rythme d’une réouverture par semaine.

Mais dans le contexte actuel, le vaccimpôt est-il toujours essentiel ? Ne risque-t-il pas de polariser une population déjà exaspérée ?

La même réflexion s’impose pour Justin Trudeau. 

C’était une chose d’instrumentaliser le débat autour du vaccin pour gagner l’élection. Comme premier ministre, son devoir est-il d’en remettre pour semer davantage la pagaille dans les rangs conservateurs, ou de ramener la paix sociale au pays ?

Car la pandémie confirme une tendance déjà observée aux États-Unis. Mépriser et démoniser les franges plus marginalisées de la population ne fait que les radicaliser, avec les conséquences que l’on connaît.

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