Avortement: la réalité rejoint la fiction
Sophie Durocher
Quand j’ai appris que les États-Unis étaient sur le point de démanteler le droit à l’avortement et que la Cour suprême pourrait renverser le fameux arrêt Roe v. Wade, j’ai tout de suite pensé à La servante écarlate.
Dans ce livre de l’écrivaine canadienne Margaret Atwood (et dans la série télé qui en a découlé), des extrémistes religieux ont pris le pouvoir aux États-Unis et traitent les femmes comme des servantes, des incubateurs à bébés, forcées de procréer.
Si aujourd’hui ou demain, les Américaines n’ont plus de contrôle sur leur propre corps, ça signifie que la réalité rejoint la fiction ?
GROSSESSE NON DÉSIRÉE
Ça fait des mois que des manifestantes s’habillent en robe écarlate pour manifester contre les lois anti-avortement dans des États comme le Texas. D’ailleurs, la proposition texane de permettre à des citoyens de dénoncer les cas d’avortement fait drôlement penser à la police secrète de Gilead (où se déroule l’action de La Servante écarlate), vous ne trouvez pas ?
Dans le quatrième épisode de la quatrième saison de La Servante écarlate, le personnage de Janine se rend dans ce qu’elle croit être une clinique d’avortement et qui se révèle être un centre de propagande anti-avortement du gouvernement.
Vous vous souvenez ce que disait la philosophe et auteure du Deuxième sexe, Simone de Beauvoir ?
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
C’est fou de se dire qu’une Américaine de 20 ans a moins de droits que sa mère et sa grand-mère.
Et il faut absolument que les Québécoises de 20 ans soient conscientes que ces droits ne sont pas acquis au Canada non plus. Parlez-en à certains politiciens conservateurs...
C’est pour ça que j’ai très hâte de voir au printemps 2023 la série télé produite par Sophie Lorain et Alexis Durand-Brault. Ça s’intitule Désobéir : Le choix de Chantale Daigle.
En 1989 cette jeune femme de 21 ans avait dû se battre pour faire respecter son droit à l’avortement, contre la volonté de son ex, Jean-Guy Tremblay. J’ai aussi très hâte que l’on puisse voir au Québec Simone, le voyage du siècle, le biopic sur la femme politique française Simone Weil.
C’est en effet grâce à elle que les Françaises ont obtenu en 1975 le droit à l’ « interruption volontaire de grossesse ». Le rôle de Simone Weil est interprété par la fabuleuse actrice française Elsa Zylberstein. En janvier de cette année, au magazine Elle, Zylberstein confiait que le film était d’autant plus pertinent que « les combats de Simone Veil rencontrent un triste écho dans l’actualité ». Quelques jours auparavant, en Pologne, pays qui interdit l’avortement sauf en cas de viol ou d’inceste, une femme était « morte de n’avoir pu avorter dignement ».
Et j’ai hâte aussi de voir L’événement, tiré du roman d’Annie Ernaux, qui raconte son avortement dans les années 60, avant la loi Weil, quand les aiguilles à tricoter fabriquaient « des anges ».
4 MOIS, 3 SEMAINES, 2 JOURS
Il faudra combien de films, combien de séries télé, combien de romans pour que la société comprenne que les femmes ne veulent pas revenir en arrière, ni aux États-Unis, ni au Canada, ni ailleurs dans le monde ?