La science québécoise est sous-financée par Ottawa
Les universités francophones sont désavantagées par le système de financement fédéral, dénoncent des chercheurs universitaires du Québec
Mathieu-Robert Sauvé
Des chercheurs, des professeurs d’université et des recteurs du Québec montent au front pour dénoncer le système fédéral de financement de la recherche qui désavantage les universités québécoises et francophones, selon eux.
Quelque «80% de l’argent fédéral consacré à la recherche est versé à 15 universités, dont seulement deux francophones, les universités de Montréal et Laval. C’est un système inéquitable non seulement pour les francophones, mais pour la plus grande partie des universités du Canada», lance le chercheur Marc-Denis Rioux, de l’Université du Québec à Rimouski, en entrevue au Journal.
«Il ne reste que des miettes pour nos universités. C’est un système injuste qui perdure depuis plus de 20 ans», lance le député du Bloc Québécois Maxime Blanchette-Joncas, vice-président du Comité permanent de la science et de la recherche et porte-parole en matière d’innovation et de science. Plusieurs des 50 mémoires reçus en comité dénonçaient une forme d’iniquité envers les universités canadiennes hors du groupe sélect des 15 universités les plus performantes du Canada (voir la liste ci-après).
Mécontentement généralisé
«La stratégie canadienne de financement crée un déséquilibre complètement inacceptable pour les universités qui ne font pas partie du groupe», explique la vice-rectrice à la recherche et à l’enseignement dans le réseau des universités du Québec, Céline Poncelin de Raucourt.
Les «U15» sont très actives à Ottawa. «Elles se sont regroupées en lobby et disposent d’une véritable machine de guerre pour aller chercher des subventions», dénonce-t-elle.
C’est dans le cadre des consultations du printemps dernier que l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) et le réseau des universités du Québec (UQ) ont fait savoir leur mécontentement face au système fédéral de financement de la recherche.
Chercheurs et professeurs au front
Le système fédéral est «biaisé, non seulement en matière de langue, mais aussi en ce qui concerne les universités de petite taille, c’est-à-dire 85% des établissements canadiens», déplore le recteur de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Christian Blanchette. Il était parmi les signataires du mémoire du réseau de l’UQ déposé à Ottawa en avril dernier.
Le point de vue est partagé par l’ACFAS, qui a aussi participé aux audiences. «Les plus petites universités n’ont pas la part qu’elles méritent dans le système actuel», déplore son président, Martin Maltais. La répartition des sommes doit être revue pour être plus équitable, ajoute-t-il.
Même son de cloche de la part de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université. «C’est un système injuste envers les universités québécoises et qui doit être changé», affirme sa présidente, Madeleine Pastinelli.
Le député Blanchette-Joncas promet de porter cette cause à la Chambre des communes pour un débat musclé au moment du dépôt du rapport en octobre ou novembre prochain.
Des miettes pour les francophones
Si on prend uniquement la variable de la langue, les chercheurs qui soumettent des demandes en français sont nettement désavantagés par le système.
Sur les 3,5 milliards investis par le gouvernement canadien dans la recherche en santé entre 2019 et 2022, 98% sont allés à des projets de recherche présentés en anglais. La proportion est de 96% pour les recherches en sciences naturelles et en génie et de 85% en sciences humaines.
Les universités du top 15
- Alberta
- Colombie britannique
- Calgary
- Dalhousie
- Laval
- Manitoba
- McGill
- McMaster
- Montréal
- Ottawa
- Queen’s
- Saskatchewan
- Toronto
- Waterloo
- Western
Le Canada «manque le bateau» de la science
Le Canada est le seul pays du G7 à avoir diminué ses investissements en recherche, déplore Marc-Denis Rioux, professeur de génie à l’Université du Québec à Rimouski, qui a rassemblé 123 signataires dans une lettre ouverte visant à alerter l’opinion publique sur cette question, en février dernier.
«Nous sommes en train de manquer le bateau», peut-on lire dans cette déclaration qui dénonce le retard du Canada sur la scène internationale.
Avec moins de 1,86% de son produit intérieur brut (PIB) consacré à la recherche et au développement, le pays est en effet au dernier rang des sept pays les plus industrialisés (G7). Il ne figure même plus parmi les 30 pays du classement mondial. Proportionnellement, l’investissement canadien en sciences se compare à ceux de la Grèce et de la Hongrie.
«Par comparaison, l’Allemagne est à 4% de son PIB et les États-Unis à plus de 3%», explique M. Rioux, qui voudrait voir les gouvernements du Québec et du Canada relancer les investissements en recherche sans tarder.
Au moment de prendre le pouvoir après un règne conservateur de neuf ans, le premier ministre Justin Trudeau avait pourtant promis de ramener le Canada parmi les grands joueurs de l’arène scientifique.
Sous certaines conditions, l’investissement en recherche pourrait même servir à rehausser la participation du Canada à l’OTAN puisque le secteur militaire peut être pris en compte dans les calculs.
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