La Russie est-elle en train de perdre la guerre en Ukraine?
Gabriel Ouimet
Retrait des troupes russes dans plusieurs villes, promesse de réduction des attaques en direction de Kyïv, reprise de territoires par les Ukrainiens: les derniers développements en Ukraine pourraient donner à penser que l’armée de Vladimir Poutine se prépare à se retirer du pays. La Russie est-elle en train de perdre la guerre? Pas si vite, dit un expert.
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Après plus de cinq semaines de combats, il est impossible de savoir avec certitude combien de soldats russes ont perdu la vie en Ukraine, puisque les chiffres diffèrent grandement d’une source à l’autre.
Dans le dernier bilan de ses pertes, diffusé le 25 mars, la Russie a reconnu la perte de 1351 soldats. L’OTAN, de son côté, affirme que Moscou en aurait plutôt perdu «entre 7000 et 15 000». Les estimations les plus élevées correspondant approximativement au nombre de soldats russes tués en Afghanistan... en plus de 10 ans de combats.
Ce n'est pas tout. Même si la Russie fait des avancées dans le sud et dans l’est du pays, elle n’a pas encore réussi à garder le contrôle d’une grande ville. L’armée ukrainienne a même repris certains territoires dans les derniers jours, dont Irpin, en banlieue de Kyïv.
C’est dans ce contexte que l’état-major russe a assuré vendredi dernier que les objectifs principaux de la première phase de son opération avaient été atteints. La Russie a du même coup promis qu’elle réduirait «radicalement» ses activités, notamment dans la région de Kyïv, pour concentrer ses efforts dans la région du Donbass, dans l’est du pays.
Le changement des positions russes sonne-t-il le début de la fin des hostilités?
Pas tout à fait, estime Éric Ouellet, professeur spécialisé en commandement militaire stratégique et en prise de décision au Collège des Forces canadiennes.
«M. Poutine et ses proches se sont fait rattraper par la réalité et ils ajustent leurs ambitions en prenant des positions défensives autour de Kyïv, mais ça ne veut pas dire qu’ils ne l’attaqueront plus. Ils vont fort probablement continuer à bombarder sans essayer de prendre de terrain. Les attaques n’ont d’ailleurs pas vraiment cessé encore», explique-t-il.
Quelles aspirations dans l'Est?
Éric Ouellet est clair: les Russes ne sont pas en train d'abandonner ou de jeter les armes. Ils ne font que mettre la table pour leurs prochaines offensives, tout en maintenant la pression.
«Ils se repositionnent, parce qu’ils estiment toujours être en mesure de prendre l’est du pays. Certains rapports laissent entendre que les Russes redéploient des troupes qui étaient présentes à Kyïv dans la région du Donbass», poursuit-il.
Malgré la trêve annoncée aujourd’hui, les combats risquent de reprendre à Marioupol, ajoute le professeur. La prise de cette ville stratégique leur permettrait en effet d'éventuellement faire la jonction avec le Donbass, une région prorusse, et ensuite jusqu’à la ville de Kharkiv, dans le nord-est du pays.
En s’emparant de l’Est, les Russes pourraient finalement aspirer à séparer le pays en deux, comme ce fut le cas pour la Corée à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, une crainte soulevée cette semaine par le chef du renseignement ukrainien, Kyrylo Budanov.
«Je crois que ce serait un scénario réaliste au point de vue russe», estime M. Ouellet.