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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Dossier Stablex: réplique à la chronique de Laure Waridel

Photo OLIVIER FAUCHER
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Michel Perron, chimiste, Directeur général, Stablex Canada

26 mars à 11h19
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Madame Waridel,

Dans votre chronique parue le samedi 22 mars 2025 dans Le Journal, vous traitez du dossier de Stablex. Or, certains éléments présentés méritent d’être rectifiés afin d’éviter que les lecteurs du Journal ne soient induits en erreur.

Vous mentionnez que Stablex «transforme les déchets toxiques en blocs de béton [qui sont ensuite] enfouis». Cette description est un raccourci qui ne reflète pas fidèlement notre procédé. Notre approche repose plutôt sur une série d’étapes rigoureuses: analyse en laboratoire, caractérisation précise, traitement chimique et physique, puis stabilisation par des liants minéraux. Chaque traitement est adapté à la nature spécifique des résidus. Le produit final est un matériau stable et inerte, conçu pour minimiser les risques de lixiviation, conformément aux normes les plus strictes. Tel que rapporté dans le rapport du BAPE que vous vous gardez bien de citer, le ministère de l’Environnement, tout comme l’Agence américaine de protection de l’environnement, reconnaît notre technologie comme étant «la meilleure technologie pour traiter une grande variété de matières dangereuses inorganiques avant leur enfouissement» (p.30).

Mais qu’à cela ne tienne, vous prétendez que «depuis 30 ans, on sait que ce procédé est défaillant et laisse s’échapper des boues toxiques». En attendant les preuves de cette affirmation rocambolesque, sachez que, depuis 1983, le ministère de l’Environnement a effectué un suivi étroit de nos activités, incluant 65 inspections entre 2015 et 2023. Lors de la plus récente campagne d’échantillonnage en 2024, 20 puits ont été analysés, couvrant plusieurs couches géologiques et zones de drainage. Aucun signe de fuite ni de contamination n’a été détecté.

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Précisons, pour votre bénéfice, que notre procédé n’inclut pas seulement des membranes de protection. Celles-ci s’inscrivent plutôt dans un système à barrières multiples, combinant géomembranes synthétiques haute densité et argile compactée. Ces structures sont conçues pour empêcher le contact entre les matières résiduelles et l’environnement. Ce système est en outre appuyé par un réseau de capteurs et de puits de surveillance assurant un suivi continu.

Enfin, au sujet des volumes traités, il est important de préciser qu’en 2024, plus de 80% des matières reçues proviennent d’ici. Stablex traite les matières résiduelles dangereuses de plus de 600 entreprises québécoises. Seulement 17% des matières sont d’origine américaine. Saviez-vous, par ailleurs, que le Québec n’a pas la capacité de gérer des déchets radioactifs ou certains déchets biomédicaux et qu’on exporte plus de deux fois le volume de matières résiduelles dangereuses qu’on importe?

Même en excluant les matières étrangères, la pleine capacité de la cellule actuelle sera atteinte en 2027 et non pas, comme vous l’affirmez, en 2030 ou «en 2040». Aussi, le projet vise à maintenir un service essentiel pour nos entreprises et à éviter un retour en arrière, à une époque où les déchets dangereux étaient mal gérés et polluaient nos écosystèmes dans l’ensemble des régions du Québec. Pour reprendre votre formule, il me semble être dans «l’intérêt du Québec» de pouvoir gérer nos déchets sans dépendre du voisin.

Stablex est la seule entreprise au Québec à offrir un traitement sécuritaire et encadré de ces matières. Les services que nous offrons sont essentiels. Dans ce contexte, il est crucial que le débat public repose sur des faits vérifiés, afin que les enjeux environnementaux puissent être abordés avec rigueur, dans l’intérêt de tous.

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Bien à vous,

Michel Perron, chimiste

Directeur général, Stablex Canada

RÉPONSE DE LAURE WARIDEL

Monsieur Perron,

En réponse à votre lettre, il est essentiel de rappeler que l’efficacité du produit issu de vos traitements n’est actuellement établie que sur des échantillons en laboratoire, loin des conditions réelles. C’est pourquoi le BAPE recommande au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) d’exiger des essais de performance sur des échantillons prélevés directement dans les cellules d’enfouissement, afin de vérifier leur conformité avec les résultats obtenus en laboratoire. Cette recommandation remet en question votre affirmation selon laquelle l’efficacité et la fiabilité de votre procédé sont pleinement établies.

De plus, la commission d’enquête du BAPE souligne que la durée de vie des géomembranes d’étanchéité, essentielles à la prévention de fuites toxiques, n’est pas documentée sur le terrain. Elle recommande ainsi un suivi à long terme pour garantir leur intégrité. À ce titre, votre assertion selon laquelle votre site bénéficie de «barrières multiples» ne saurait suffire sans preuve concrète de leur résistance à long terme.

D’autant plus que le 24 février 2024, la coalition Eau Secours! révélait dans un communiqué de presse les résultats d’une analyse indépendante hautement préoccupante, dont voici un extrait:

«Les données collectées lors de la campagne d’échantillonnage, effectuée le 2 décembre 2023 sur des lieux publics et analysés par un laboratoire agréé, montrent des dépassements importants des normes établies par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP). Pas moins de 10 des 11 sites d’échantillonnages d’eau de surface et tous les sites (11/11) d’échantillonnage de sédiments ont révélé la présence de contaminants qui dépassent les critères du MELCCFP, notamment de l’arsenic, du cuivre, du zinc ainsi que le cadmium retrouvé dans l’eau à un taux de 0,016ml/litre, soit 320 fois plus que la norme environnementale.

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Ce même contaminant a été détecté dans les sols à une concentration 19 mg/kg, soit 57,6 fois plus élevé que le critère de qualité établi. Une présence de chrome a été détectée en dépassement sur tous les sites, dont un à un taux de 37 mg/kg, soit 14,23 fois plus que la norme de ces mêmes critères. Aussi, les mesures de turbidité et de matières en suspension dans les eaux des fossés longeant et s’écoulant des cellules d’enfouissement de déchets industriels de Stablex dépassent de 4,2 jusqu’à 8,1 fois les critères de protection de la vie aquatique. L’entièreté des données de la campagne d’échantillonnage a été envoyée à la Ville de Blainville ainsi qu’au MELCCFP.»

Bien que je n’aie pas abordé ce point dans ma chronique, il me semble pertinent de rappeler que le BAPE indique que plusieurs milieux humides de haute valeur écologique, dont la tourbière de Blainville, pourraient être affectés par votre projet. Le pompage nécessaire à l’installation des parois étanches pourrait modifier leur niveau d’eau et compromettre leur intégrité. De plus, le suivi prévu de ces milieux est jugé insuffisant par la commission d’enquête, ce qui pose un risque significatif pour l’écosystème local.

Par ailleurs, votre projet de cellule no 6 projetée est situé sur un terrain reconnu comme un corridor écologique d’importance, contribuant à la connectivité entre des milieux humides de valeur exceptionnelle. Le BAPE recommande d’arrêter la dégradation progressive des milieux naturels, et rappelle que ce site est concerné par les objectifs de conservation fixés par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

Enfin, la justification de votre projet repose sur deux arguments: réduire les nuisances pour les riverains et assurer les besoins en enfouissement jusqu’en 2065. Or, après analyse, le BAPE conclut que votre nouvelle cellule ne présente aucun avantage réel en termes de réduction des nuisances. De plus, la cellule no 5 actuellement en exploitation pourrait suffire jusqu’au début des années 2030, et la cellule no 6 initialement prévue aurait permis de poursuivre l’enfouissement jusqu’à 2040. Ainsi, le BAPE juge votre projet prématuré et recommande de ne pas l’autoriser, notamment parce qu’il lierait le gouvernement pour une période de 40 ans sans nécessité immédiate avérée.

Ces éléments factuels, pour la plupart issus du rapport officiel du BAPE, mettent en lumière les nombreux points de fragilité de votre projet et de vos arguments. Plutôt que de chercher à minimiser les inquiétudes exprimées par les citoyens et la commission d’enquête, il serait plus pertinent de proposer des solutions vérifiables et transparentes pour assurer une gestion des déchets véritablement respectueuse de l’environnement et de la population.

Sincèrement,

Laure Waridel, écosociologue PhD, professeure associée à l’Institut des sciences de l’environnement (ISE) de l’UQAM
Chroniqueuse au Journal

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