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La relance de la vie nocturne, une occasion d’inclure les travailleuses du sexe

Sandra Wesley, directrice générale de Stella
Sandra Wesley, directrice générale de Stella Joël Lemay / Agence QMI
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Photo portrait de Julien Lamoureux

Julien Lamoureux

2022-05-20T17:06:55Z
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Des organismes de défense des personnes qui pratiquent le travail du sexe espèrent que la relance de la vie culturelle de nuit de Montréal ne rimera pas avec répression policière et insécurité pour cette communauté marginalisée et mise à mal par la pandémie.

Pour que la ville puisse redynamiser sa vie nocturne, ça doit se faire «en respect des communautés existantes et non pas en les tassant ou en prenant le dessus sur elles», a plaidé jeudi Sandra Wesley, directrice générale de Stella, un organisme de soutien aux travailleuses du sexe, en marge d’une conférence pendant l'événement Montréal au Sommet de la nuit. 

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Plus tôt cette semaine, l’administration de Valérie Plante a confirmé son intention, avec des projets pilotes et une éventuelle Politique de la vie nocturne, de redynamiser ce secteur culturel de la métropole.

Pour Sandra Wesley, l’idée est bonne, mais pourrait être néfaste pour des communautés qui occupent déjà les rues lorsque le soleil se couche, ce qui comprend les personnes qui vivent du travail du sexe. 

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«Le fil conducteur [des décisions de Projet Montréal], c’est l’embourgeoisement, estime-t-elle. C’est un gouvernement pour la classe moyenne. Et c’est fait aux dépens des personnes marginalisées.»

La crainte du milieu, selon Sandra Wesley, c’est que les investissements pour redorer la nuit montréalaise vont venir avec «de la répression policière» et des «règles contraignantes pour que ce soit accessible à certaines personnes et pas à d’autres». 

24 heures / Julien Lamoureux
24 heures / Julien Lamoureux

«Les gens qui veulent un nightlife vibrant doivent reconnaître qu’ils veulent coloniser un espace déjà habité. Ça doit se faire dans le respect, on doit nous donner les droits qu’on mérite.»

Plus tôt, pendant le panel, Rowan Mercille, intervenant du Programme Travail du sexe chez RÉZO, avait plaidé que les bars, les raves et les after-hours étaient des lieux de rassemblement et d’échange pour les travailleurs du milieu et qu'ils leur offraient un sentiment de sécurité.

Ça prend du courage politique

Pour Sandra Wesley, la solution repose d’abord sur la décriminalisation du travail du sexe, un dossier qui repose entre les mains du fédéral. Au palier municipal, il ne faudra pas oublier d’inclure dans les consultations les organisations qui s’intéressent au travail du sexe, ajoute-t-elle.

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C’est que souvent «la parole [des personnes qui font le travail du sexe] a tendance à être niée, à être “invisibilisée”, à être infantilisée», selon Maria Nengeh Mensah, professeure titulaire à l’École de travail social et à l’Institut de recherches et d’études féministes de l’Université du Québec à Montréal, qui animait la conférence.

Et il faudra aussi un certain courage politique, croit Sandra Wesley, pour «résister lorsqu’il y aura un backlash, lorsque des militants [opposés au travail du sexe] vont venir dire qu’on banalise la prostitution.»

«Il faudra dire que oui, justement, c’est banal», conclut-elle.

Le symbolisme du Red Light

Le lieu de la conférence – le Monument-National, en plein cœur de la Main – a semblé interpeller les participants du panel, particulièrement Alex Tigchelaar, ancienne travailleuse du sexe et étudiante au doctorat à l’Université Concordia.

Elle a rappelé que le Quartier des spectacles a mis la couleur rouge de l’avant dans son marketing. Sur les panneaux publicitaires, des dizaines d’artistes québécois apparaissent avec un rond rouge au lieu du cœur. Dans la rue, des halos de lumière rouge accompagnent les piétons.

Pour Alex Tigchelaar, il s’agit d’une appropriation du symbole qu’est le quartier du Red Light. «La ville utilise les travailleuses du sexe. Mais les travailleuses du sexe ne peuvent utiliser la ville. Pour nous, ce n’est pas une identité visuelle, c’est notre job.»

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