La puce M1 Ultra d’Apple (en profondeur)
Voici ce qu’il faut savoir sur le nouveau processeur ultrapuissant d’Apple.
Maxime Johnson
Une puce plus puissante que les meilleurs processeurs et les meilleures cartes graphiques sur le marché, mais qui ne consomme qu’une fraction de l’énergie : voilà ce que propose Apple avec sa nouvelle M1 Ultra. Une affirmation ambitieuse, mais qui semble tenir la route (moyennant quelques bémols importants).
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UltraFusion est la sauce secrète de la M1 Ultra
Si Apple m’avait demandé de baptiser la nouvelle puce M1 Ultra, je l’aurais probablement appelée M1 Max Duo (heureusement, le département marketing de l’entreprise ne m’a pas consulté!).
La M1 Ultra rassemble en effet deux puces M1 Max (celles qui équipent les derniers MacBook Pro), fusionnées à l’aide d’une interface conçue spécifiquement pour l’occasion. Cette interface, UltraFusion, est composée de 10 000 fils microscopiques qui assurent une vitesse de transfert de 2,5 To/s entre les deux éléments. C’est énorme. À titre indicatif, c’est plus de 1000 fois la bande passante d’une connexion PCIe 4.0.
Une telle vitesse, combinée à la faible latence d’UltraFusion et à sa faible consommation énergétique, permet à l’ordinateur de considérer les deux puces M1 Max comme une seule et même puce. L’information peut ainsi circuler de n’importe quelle partie de la puce à l’autre, comme si de rien n’était.
Concrètement, cela permet donc de doubler les performances possibles du M1 Max, sans rien changer du côté logiciel (les développeurs ne doivent pas optimiser leurs applications pour deux cartes graphiques, par exemple). La M1 Ultra regroupe en tout 114 milliards de transistors et peut être configurée avec une mémoire unifiée allant jusqu’à 128 Go.
Rappelons que cette mémoire unifiée est l’une des forces des puces M1, puisqu’elle peut être utilisée autant par les cœurs graphiques du système que par ses cœurs centraux. Pour l’instant, les logiciels ne profitent toutefois pas encore des pleines capacités de cette technologie.
La différence entre UltraFusion, les Chiplets et les Tiles
Le concept d’UltraFusion n’est pas tout à fait unique, et rappelle notamment les Chiplets d’AMD et les Tiles d’Intel. Dans chacun de ces cas, l’objectif est le même : au lieu de fabriquer un immense processeur, ce qui est difficile et cher, AMD, Apple et Intel en fabriquent plusieurs petits, et les combinent, ce qui est plus économique.
Il existe quand même des différences entre ces technologies. La technologie Infinity Fabric d’AMD, par exemple, celle au cœur des Chiplets, est limitée par une vitesse de transfert de 204,8 Go/s. On en connaît encore peu sur Tiles d’Intel, mais dans l’architecture à venir Meteor Lake, les différentes « tuiles » qui seront assemblées seront quant à elles spécialisées, alors qu’Apple combine plutôt des puces identiques.
Apple ne poussera pas (encore) la puce M1 Ultra à son plein potentiel
On n’a pas encore tous les détails de la puce M1 Ultra, mais il semble pour l’instant que son enveloppe thermique sera d’environ 60 à 80 watts, soit le double de celle de la puce M1 Max.
L’affirmation ne semble pas étonnante, puisque la M1 Ultra n’est après tout que deux M1 Max fusionnée. Mais la M1 Ultra est offerte dans le Mac Studio, un ordinateur de bureau, qui n’a pas les mêmes contraintes thermiques et énergétiques qu’un ordinateur portatif.
Autrement dit, Apple aurait pu augmenter la consommation énergétique de la puce pour profiter de son meilleur système d’aération et du fait que l’ordinateur est toujours branché au mur afin d’obtenir de meilleures performances.
Pourquoi est-ce que l’entreprise ne l’a pas fait? Impossible à dire. Peut-être est-ce pour assurer une meilleure constance de l’architecture M1 d’un appareil à l‘autre afin de faciliter le travail des développeurs, peut-être que les gains de puissance ne sont pas assez grands pour justifier le bruit des ventilateurs, ou peut-être qu’Apple souhaite conserver des cartes dans son jeu pour plus tard (nous y reviendrons).
Des performances attendues difficiles à battre pour le processeur
À quoi peut-on s’attendre comme performances de la part du M1 Ultra. S’il faut se fier aux graphiques publiés par Apple, la puce devrait être 90% plus puissante à consommation égale (60W) que le Core i9 12900K d’Intel. Même à pleine consommation, la différence entre les deux devrait être grande.
Les premières fuites sur le benchmark Geekbench 5 (environ 1800 en simple cœur, et 24 000 en multicoeur pour la M1 Ultra) tendent d’ailleurs à confirmer l’affirmation, du moins pour le test multicoeur.
En simple cœur, Intel conserve toutefois son avantage, ce qui est logique, puisque les performances simple cœur de la M1 Ultra devraient être les mêmes que celles de la M1 Max, qui étaient inférieures à celles du Core i9 12900k.
En multicoeur, le seul processeur plus puissant semble être le AMD Threadripper 3990X, un monstre de 64 cœurs, qui était vendu à son lancement aussi cher qu’un Mac Studio avec M1 Ultra.
Du côté graphique, plusieurs interrogations demeurent. Apple affirme que le M1 Ultra sera légèrement plus puissant que la meilleure carte graphique sur le marché (qui devrait en théorie être la NVIDIA RTX3090), tout en consommant 200 watts de moins.
Lorsqu’on regarde les performances réelles du MacBook avec M1 Max, l’affirmation semble toutefois plutôt improbable. Oui, la M1 Ultra va consommer beaucoup moins que les cartes graphiques dédiés sur le marché, mais les performances équivalentes à la RTX3090 ne seront probablement accessibles que dans quelques cas triés sur le volet.
Ce sera à confirmer au lancement du Mac Studio.
Qu’est-ce qui vient ensuite?
Dans sa présentation de mardi, Apple a affirmé qu’une mise à jour de son ordinateur Mac Pro était à venir. Logiquement, celui-ci devrait être équipé de quelque chose de plus puissant que la M1 Ultra du Mac Studio.
Qu’est-ce que ce sera? Difficile à dire.
Avec l’architecture actuelle, il ne reste qu’une carte dans le jeu d’Apple : augmenter la consommation de la M1 Ultra. Est-ce que ce serait suffisant pour faire une grosse différence? Peut-être.
Apple pourrait aussi concevoir une autre technologie pour fusionner non pas deux puces M1, mais quatre, à l’aide d’une sorte d’interface permettant de les relier. Un tel concept avait déjà été imaginé par certains observateurs l’année dernière. Mais est-ce qu’une telle interface serait capable d’offrir une latence et une bande passante aussi grande que l’UltraFusion? Ce n’est pas impossible, mais j’en doute.
Une autre option serait de concevoir une tout autre architecture. Je ne parle pas ici d’une M2 (qui se retrouvera plutôt dans les prochains MacBook et iPad de l’entreprise), mais peut-être par exemple d’une conception comme les Tiles d’Intel, qui permettrait de mettre encore plus de cœurs graphiques sur une puce, sans pour autant augmenter proportionnellement le nombre de cœurs centraux. L’idée est tirée par les cheveux, car elle demanderait des investissements importants d’Apple pour un produit qui est quand même de niche, mais pourquoi pas. Une telle architecture pourrait après tout ouvrir la porte à Apple à de nouveaux marchés, comme les jeux vidéo.
En attendant le M1 Ultra et le Mac Studio seront lancés le 18 mars prochain, à partir de 4999$.