Voici comment l’AR-15 est devenu l’arme préférée des tueurs de masse aux États-Unis
Gabriel Ouimet
L’AR-15, le fusil d’assaut qui aurait été utilisé dans la plus récente tuerie qui a fait neuf morts – dont le tireur – dans un centre commercial du Texas, est l’arme d’épaule la plus vendue au sud de la frontière et la plus populaire chez les meurtriers de masse américains. Mais ça n’a pas toujours été le cas.
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L’AR-15, c’est un fusil semi-automatique capable de tirer des balles qui voyagent à une vitesse trois fois supérieure à celle du son.
Initialement conçue pour les soldats lors de la guerre du Vietnam, depuis 2012, l’arme a été utilisée dans 10 des 17 massacres les plus meurtriers aux États-Unis, selon un décompte effectué par le Washington Post.
Pourquoi est-il à ce point utilisé par les tueurs de masse?
L’AR-15 a la réputation d’être précis, léger, facilement maniable et destructeur. Contrairement aux armes automatiques, cette arme semi-automatique ne peut pas – en théorie – tirer plus d’une balle chaque fois que le tireur appuie sur la gâchette. Mais le problème, c’est que l’AR-15 est facilement modifiable. L’ajout d’un simple dispositif appelé «bumpstock» permet de tirer des centaines de balles en quelques secondes.
Cette rapidité de tir, combinée à une force d’impact jusqu’à deux fois plus puissante que celle des armes de poing, en fait une arme idéale pour quiconque aspire à faire le plus de dégâts possible.
Survol de l’histoire de cette arme hautement controversée:
Interdit dès 1994
L’AR-15 a été développé à la fin des années 50 par Armalite, une petite compagnie californienne.
Déjà, à l’époque, sa légèreté, sa facilité d’entretien et le fait qu’elle peut être modifiée faisaient de lui une arme révolutionnaire, si bien que le géant de l’armement Colt a acheté le brevet pour développer une version plus performante, appelée M16, destinée aux troupes américaines en action au Vietnam dans les années 60.
C’est seulement dans les années 80 que la production de masse du fusil AR-15, à l’intention de la population, a commencé.
Mais rapidement, il a été utilisé dans des fusillades, et des mouvements de protestation sont nés. Comme c’est le cas aujourd’hui, les détracteurs de l’arme lui reprochaient son allure militaire, sa rapidité de tir et les dégâts monstrueux que ses projectiles infligent au corps humain.
La levée de boucliers était telle qu’en 1994, le président démocrate Bill Clinton a signé une interdiction de vente ciblant les armes semi-automatiques, dont la majorité des versions de l’AR-15. Les fabricants ont toutefois continué à en vendre des versions permises par la loi.
Propulsé par les attentats du 11 septembre 2001
Quand l’interdiction de vente des armes semi-automatiques est arrivée à échéance en 2004, les compagnies de ventes d’armes américaines étaient fin prêtes.
Quelques années plus tôt, l’industrie de l’armement américain avait profité d’un coup de pub inespéré. À l’automne 2001, la guerre contre le terrorisme déclenchée par l’administration de George Bush avait donné une grande visibilité médiatique aux soldats américains et à leurs M-16, la version militaire de l’AR-15. La présence de policiers équipés de fusils d’assauts s’était également accrue dans les rues du pays.
Parallèlement, le discours de défense territoriale a fait son chemin dans les foyers américains. Le contexte a donc ouvert la voie aux grandes entreprises de l’armement, qui y ont vu une occasion en or d’augmenter leurs profits. En 2005, un des plus grands producteurs d’armes à feu au pays, Smith and Wesson, qui ne vendait auparavant que des fusils de poing, a commencé à produire sa version de l’AR-15.
Le succès a été immédiat. Smith & Wesson a déclaré que le chiffre d’affaires de sa gamme de fusils tactiques avait plus que quintuplé au cours des cinq premières années de commercialisation, passant de 12,8 millions de dollars à 75,1 millions de dollars. Plusieurs autres producteurs influents ont ensuite emboîté le pas avec succès.
L’ensemble de ces AR-15 représentaient 23,4% de la fabrication d’armes à feu aux États-Unis en 2020, alors qu’il ne représentait que 1,2% en 1990.
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L’arme d’épaule la plus populaire au pays
L'AR-15 est aussi prisé des amateurs d’armes qui n’ont aucune intention meurtrière.
Un sondage du Washington Post et d’Ipsos révèle que pas moins d’un adulte sur 20, soit 16 millions de personnes, en possède au moins un. Il s’agit de l’arme d’épaule la plus vendue au pays, selon les données de l’industrie des armes à feu américaine.
La National Shooting Sports Foundation (NSSF), une des plus grandes associations de tir du pays, estime qu’il y en avait plus de 20 millions en circulation dans le pays en 2020, un chiffre qui augmente d’année en année et qui bondit particulièrement après les fusillades de masse.
− Avec les informations du Washington Post, de NCB News et de CNBC