La petite histoire de la masturbation féminine sous la douche
Léa Martin
Ce n’est pas d’hier que des personnes avec un clitoris se procurent du plaisir avec un pommeau de douche. N’empêche que la pratique est encore tabou. Petite histoire de la masturbation au féminin sous la douche.
Le mois dernier, le tout premier pommeau de douche consacré à la masturbation a été lancé par Womanizer, une marque qui se spécialise dans les jouets de stimulation clitoridienne.
Le tout premier, vraiment? La masturbation sous la douche n’a pourtant rien de nouveau.
«Je me souviens, il y a environ 20 ans, le magasin de vêtements Garage avait un forum où tu pouvais poser des questions, c’était un genre de forum pour ados, et il y avait plusieurs filles qui conseillaient d’essayer de se masturber avec un shower head», se souvient la chargée de projet pour l'organisme Les 3 sex*, Emmanuelle Gareau.
Plusieurs magazines féminins se sont aussi intéressés au phénomène. C’est le cas de Cosmopolitan qui va jusqu’à prodiguer des conseils pour se masturber sous la douche.
La masturbation avec le pommeau de douche est aussi présente dans la culture populaire depuis fort longtemps. On n’a qu’a penser à la scène dans le film 40 ans et encore puceau, sorti au début des années 2000, dans laquelle le personnage joué par Elizabeth Banks atteint le 7e ciel dans le bain.
La perception qu’on a de la masturbation sous la douche peut toutefois être faussée par la représentation qu’on en fait au cinéma et à la télévision, soutient Emmanuelle Gareau.
«Souvent la masturbation féminine va être représentée pour exciter les hommes plutôt que représenter ce à quoi ça ressemble pour de vrai», souligne celle qui est aussi doctorante en santé publique à l'Université de Montréal.
Cette dernière regrette d’ailleurs le manque de connaissances sur cette forme de masturbation.
«Je trouve ça vraiment surprenant à quel point on va très peu l’aborder dans la littérature : pourquoi on parle peu de cette forme de masturbation, combien de personnes la pratiquent, etc.», déplore-t-elle.
• À lire aussi: Pourquoi le Womanizer est-il aussi populaire?
Un moment de solitude proscrit dans les années 1900
La chercheuse n’est pas étonnée de voir apparaître sur le marché un pommeau comme celui de Womanizer: la douche est un moment d’intimité propice à l’exploration sexuelle, souligne-t-elle.
«Dans un livre datant des années 80 qui faisait mention d’un manuel médical au milieu des années 1900, [j’ai lu] que l’on recommandait de ne pas laisser les jeunes filles trop longtemps dans la salle de bain, parce que, justement, il pouvait y avoir de l’exploration au niveau sexuel», mentionne-t-elle.
Déjà à l’époque, les spécialistes étaient au courant de l’attrait du pommeau de douche pour les personnes avec un clitoris.
Il y avait aussi le bidet, qui pouvait être perçu comme un outil «d’excitation vénérienne».
Si le bidet revient à la mode pour des raisons d’hygiène et son côté écologique, en Amérique du Nord, il n’a en effet pas eu la cote pendant longtemps.
Durant la Deuxième Guerre mondiale, les soldats américains qui fréquentaient les maisons de débauche ont remarqué les bidets qui se trouvaient dans les chambres des femmes. Le bidet a donc été associé au travail du sexe, peut-on lire dans un article de The Atlantic paru en 2018.