Les stations de ski dépendantes de la neige fabriquée
Anne-Sophie Poiré
Le manteau neigeux a diminué presque partout au Canada depuis 40 ans et continuera de fondre au même rythme dans les années à venir. Les stations de ski devront composer avec cette nouvelle réalité et seront — encore plus — dépendantes de la neige fabriquée.
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S’il y a un secteur qui dépend des flocons, c’est bien celui du ski alpin.
«Le défi qui nous guette: il faut quadrupler les efforts pour garder les standards de condition de ski», signale le directeur de la station Mont-Saint-Bruno, Michel Couture, qui se décrit comme «un expert de la neige de culture depuis 30 ans». «Les cycles météo sont assez violents. Les hausses de température soudaines et les coups de froid qui reviennent, ça peut faire des conditions qui sont extrêmement difficiles à entretenir.»
Depuis 1981, la couverture neigeuse a diminué de 5 à 10% par décennie, prévient Environnement et Changement climatique Canada dans son Rapport sur le climat changeant publié en 2019.
Une réduction semblable est aussi prévue jusqu’au milieu du siècle pour une grande partie du sud du Canada.
- Écoutez Anne-Sophie Poiré, journaliste de la section Urgence climat du 24 heures, au micro de Philippe-Vincent Foisy, sur QUB radio:
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Des systèmes d’enneigement efficaces
Déjà, dans plusieurs régions du Québec, «s’il n’y a pas de neige artificielle, il n’y a pas de ski», note Alexandre Sarrazin, directeur général du Mont-Avalanche, à Saint-Adolphe-d'Howard, dans Lanaudière.
«Avec le peu de neige qui est tombé et la pluie qu’on a eue [cette année], les gens skient presque à 100% sur de la neige fabriquée», souligne-t-il.
«Il y a 11 ans, on enneigeait seulement les trous. Le reste était de la neige naturelle.»
Pour le propriétaire de la station Mont Sutton et président du CA de l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ), Jean-Michel Ryan, c’est la plus grande préoccupation.
En 2019, la station des Cantons-de-l’Est a participé à une étude du consortium de climatologie régionale Ouranos sur l’impact des changements climatiques dans le secteur du ski alpin au Québec.
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L’analyse démontre qu'en l’absence de mesures d’adaptation – comme de bons canons à neige –, la durée totale de la saison sera réduite de 10 à 20 jours d’ici 2050 et que le domaine skiable sera réduit de 20 à 30%, entre autres.
«Le système de neige fabriquée devient donc notre assurance», soutient M. Ryan.
Des coûts supplémentaires
Au Mont-Avalanche, l’enneigement avec les canons se termine habituellement vers la fin du mois de décembre.
Cette année, toutefois, ils ont été actifs jusqu’au 10 janvier.
«Ça représente 10 000$ de coûts supplémentaires [...] en salaires seulement. On ne parle pas des coûts électriques et énergétiques. Ça, on n’aime pas ben, ben ça. On prie tous les jours, on fait brûler des lampions pour qu’il neige», confie le directeur général de la station.
Michel Couture, du Mont-Saint-Bruno, abonde dans le même sens. «C’est très exigeant sur les ressources humaines», dit-il.
«Ça demande une vigie constante des alertes météo et le travail se passe surtout la nuit pour assurer de belles conditions pendant la journée», explique le directeur de la station. «Ça demande plus d’investissements, ça coûte cher, même si l’équipement est plus performant qu’avant.»
Pour amortir les coûts «sur douze mois plutôt que sur quatre», les stations de ski cherchent à diversifier leur offre.
«On essaie de développer d’autres activités pour tenter de mitiger le risque des changements climatiques. On propose du plein air quatre saisons avec du vélo de montagne, une tyrolienne ou des pistes de randonnée», détaille Jean-Michel Ryan.