La moitié des glaciers du monde vont disparaître d’ici 2100: voici ce que ça veut dire au Canada
Andrea Lubeck
Une étude de la revue Science révèle que la moitié des quelque 215 000 glaciers dans le monde sont condamnés à disparaître d’ici 2100 à cause du réchauffement climatique. Les conséquences de leur fonte promettent d’être désastreuses, selon la même étude. Comment le Canada sera-t-il affecté concrètement?
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Limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, ce qui correspond à l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris, permettrait tout de même de sauver l’autre moitié des glaciers, expliquent les auteurs de l’étude, publiée le 5 janvier. On parlerait alors d’une perte de 26% de la masse totale de glace, puisque les petits glaciers fondraient en premier. Mais les scientifiques s’entendent pour dire qu’il est très peu probable que l’on atteigne cet objectif.
Les engagements actuels des 196 signataires de l’accord nous mènent plutôt vers un réchauffement de 2,7°C par rapport à l’ère préindustrielle, ce qui provoquerait une déglaciation presque complète en Europe centrale, dans l’Ouest du Canada et des États-Unis, ou encore en Nouvelle-Zélande, préviennent les chercheurs.
La situation au Canada
On compte 200 000 km2 de glaciers et de calottes glaciaires au Canada, surtout dans les régions de l’Arctique, dans le Grand Nord canadien, dans l’Ouest du pays et dans les Rocheuses.
Comme partout ailleurs, les glaciers canadiens sont en retraite à cause du réchauffement climatique, explique Bruno Tremblay, professeur agrégé au Département des sciences atmosphériques et océaniques de l’Université McGill.
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«Il y avait quelques glaciers qui étaient en avance parce qu’il y avait plus de précipitations que de neige, mais maintenant tous les glaciers sont en retraite», précise-t-il.
Voici les conséquences de la fonte des glaciers au Canada, mais aussi partout à travers le monde:
Hausse du niveau de la mer
La hausse du niveau de la mer est la conséquence principale de la disparition des glaciers. Selon le scénario actuel de réchauffement planétaire de 2,7°C, on mentionne dans l'étude une hausse du niveau de la mer de 115 mm d’ici 2100.
Si on se dirige vers un réchauffement catastrophique de 4°C, on s’attend à une hausse du niveau de la mer entre 9 cm et 15 cm, selon l’un des scénarios étudiés par les chercheurs.
Cela peut paraître peu, mais quelques centimètres de plus se traduisent par d'importantes inondations en cas de tempête et donc «beaucoup plus de dommages», note Regine Hock, professeure à l’Université d’Oslo et co-auteure de l’étude, en entrevue à l’AFP.
Déjà avec une hausse de 3 mm au-dessus du niveau de la mer par année, on peut observer d’importants changements, comme aux Îles-de-la-Madeleine, par exemple, où l’érosion ronge les côtes depuis plusieurs années. Vancouver est aussi menacée par ce phénomène.
«Les communautés qui sont situées sur le long des côtes vont en souffrir. Il va y avoir de la perte de territoire et plus d’érosion côtière. Il va falloir relocaliser des villages dans le Grand Nord», illustre le professeur Tremblay.
Les ressources en eau affectées
C’est l’autre importante conséquence de la fonte des glaciers qui affecte la saisonnalité de l’approvisionnement en eau.
En clair, l’eau douce qui découle de la fonte des glaciers et de la neige qui s’y accumule en hiver se retrouve notamment dans des bassins versants dans lesquels plusieurs communautés vivant dans les plaines autour s’approvisionnent, explique le professeur Tremblay.
La disparition des glaciers implique donc nécessairement la fin de ce phénomène, en plus d’éventuelles restrictions sur l’utilisation de l’eau – comme on le voit aux États-Unis, par exemple –, voire des conflits, ajoute Philippe Lucas-Picher, professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère à l’UQÀM. Or, cette eau se révèle particulièrement utile durant l’été ou lors de périodes de sécheresse.
Cette rareté peut aussi affecter certaines industries de l’Ouest canadien, notamment la culture du blé et la production pétrolière, souligne le professeur Lucas-Picher.
«Le blé et les sables bitumineux requièrent beaucoup d’eau dans leur production. S’il n’y a plus l’eau des glaciers en Alberta, on va plutôt dépendre de l’eau des précipitations de la semaine dernière ou du mois passé plutôt que sur l’eau de la glace qui est là depuis des milliers d’années», précise-t-il.
Réduire les GES pour limiter les dégâts
Les auteurs de l’étude laissent cependant entrevoir une lueur d’espoir. Si on baisse nos émissions de gaz à effet de serre, il est possible de limiter la fonte des glaciers et ses conséquences, alertent-ils.
«Je pense qu’il y a une petite lueur d’espoir et un message positif dans notre étude, car elle nous dit que nous pouvons faire la différence, que les actions comptent», ajoute Regine Hock, qui a étudié les glaciers, tout au long de sa carrière à l’AFP.
— Avec l’AFP