La guerre pourrait nous mener à ces 5 scénarios
Olivier Faucher | Journal de Montréal et Agence France-Presse
1. La chute de Poutine
C’est le scénario le plus espéré par les pays occidentaux. En frappant l’économie russe à coups de lourdes sanctions, dont d’autres sont à venir, ils tentent de fragiliser le régime de Vladimir Poutine jusqu’à provoquer sa chute.
L’armée pourrait décider de ne plus le suivre, le peuple se révolter face à une crise économique majeure, les oligarques s’éloigner après la saisie de leurs avoirs. Mais ce qui en découlerait reste imprévisible.
« Un changement de régime en Russie peut sembler la seule porte de sortie dans cette tragédie. Mais [...] cela n’est pas plus susceptible d’améliorer les choses que de les empirer », écrit sur son compte Twitter Samuel Charap, chercheur au RAND Corporation, institution de recherche américaine spécialisée en défense.
Même prudence du côté d’Andrei Kolesnikov, du Carnegie Center, qui constate que Poutine reste populaire, selon des analyses indépendantes.
Et « pour le moment, la pression financière occidentale sans précédent » a transformé la classe politique russe et les oligarques « en supporters indéfectibles » de leur chef, explique M. Kolesnikov.
2. Le conflit s’étend dans d’autres pays
Le président Vladimir Poutine ne cache pas sa nostalgie pour l’époque de l’Union soviétique.
Après avoir absorbé la Biélorussie, envahi l’Ukraine, pourrait-il regarder du côté de la Moldavie et de la Géorgie, voire vers les quatre pays de l’OTAN qui partagent des frontières avec l’Ukraine ?
Moscou pourrait tenter de rompre les équilibres de sécurité européens et transatlantiques « en provoquant des incidents aux frontières de l’Europe » ou notamment via des cyberattaques, estime Bruno Tertrais, politicologue spécialisé dans l’analyse géopolitique et stratégique.
Il est peu probable que la Russie défie l’OTAN « tant les deux parties veulent l’éviter », avance Pascal Ausseur, ex-amiral, directeur de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques.
Pour autant, « la rentrée de forces russes dans un pays de l’OTAN, la Lituanie par exemple, pour relier Kaliningrad [à la Biélorussie] reste envisageable », précise-t-il à l’AFP.
« Une méprise ou un accrochage sont également possibles aux frontières [européennes] de l’Ukraine ou en mer Noire, où de nombreux aéronefs et navires de guerre sont déployés dans un espace restreint », ajoute M. Ausseur.
3. La soumission
Il s’agit du scénario préféré de Poutine. L’armée russe, supérieure, pourrait pousser l’Ukraine à abandonner. Or, cette issue semble peu probable.
« C’est une guerre que Poutine ne peut pas gagner, quelles que soient sa durée et la cruauté de ses méthodes », assure l’historien britannique Lawrence Freedman, du King’s College de Londres. « Entrer dans une ville n’est pas la même chose que la tenir. »
Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, voit plusieurs alternatives.
L’annexion totale de l’Ukraine « n’a à peu près aucune chance de se produire », écrit-il. Et la division du pays, comme la Corée ou l’Allemagne en 1945, est à peine plus plausible, selon lui. Reste l’option où « la Russie parvient à installer un régime fantoche [pro-Poutine] à Kyïv ».
4. Longue guerre en Ukraine
Les Ukrainiens surprennent tout le monde, avec une mobilisation totale, même si destructions et pertes sont massives.
« L’État, l’armée, l’administration ne se sont pas effondrés », constate un diplomate occidental. Contrairement au discours de Poutine, « la population n’accepte pas les Russes comme des libérateurs », ajoute-t-il, évoquant « probablement dans la chaîne militaire russe des difficultés qu’il est trop tôt pour qualifier ».
Soutenues par les services de renseignement occidentaux et des livraisons d’armes, les forces ukrainiennes peuvent entraîner leur adversaire dans un conflit urbain destructeur, mais où la connaissance du terrain sera décisive. L’histoire des guérillas montre que ceux qui défendent leur territoire ont l’avantage.
5. La confrontation nucléaire
Poutine a placé en « état spécial d’alerte » ses forces nucléaires la semaine dernière, une déclaration à la fois inquiétante et sans substance réelle, puisqu’une partie des armes nucléaires sont toujours utilisables en un rien de temps.
Pour Christopher Chivvis, du Carnegie Center, une bombe nucléaire « tactique », destinée à frapper des cibles militaires, pourrait être utilisée par la Russie.
« Franchir le seuil nucléaire ne signifierait pas nécessairement [...] une immédiate guerre nucléaire mondiale. Mais elle constituerait un tournant extrêmement dangereux dans l’Histoire du monde », écrit-il.
De son côté, Gustav Gressel, du Conseil européen des relations internationales, se montre plus rassurant. « Il n’y a pas de préparation du côté russe pour une frappe nucléaire » et les annonces de Poutine « sont destinées à faire peur aux publics occidentaux », croit-il.