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La fois où ma pilule contraceptive m’a envoyée à l’hôpital

Photomontage Marilyne Houde
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Photo portrait de Andrea Lubeck

Andrea Lubeck

2023-03-16T18:05:19Z
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BILLET – Depuis mes 16 ans, je prends la pilule contraceptive. Pour la moitié de ma vie, quotidiennement, j’ai avalé un médicament qui simule l’état hormonal d’une grossesse, un petit tour de passe-passe pour – justement – éviter d’être enceinte. Mais là, c’est mon corps qui a décidé de me jouer un tour.  

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Ça fait trois ou quatre jours que je ressens une douleur bizarre, un peu gossante, derrière le mollet. Je ne me souviens pourtant pas d’avoir fait de faux mouvements et je n’ai pas été au gym depuis deux semaines. Le mystère reste entier. 

Et là, un beau lundi matin ensoleillé de mars, je me souviens d’articles que j’ai lus au début de la campagne de vaccination contre la COVID-19 qui mettaient en garde contre les risques minimes de formation de caillot. Mais comme tout s’est bien déroulé avec mes vaccins, j’avais presque oublié l’info. 

Les symptômes se résument à des douleurs – souvent aux jambes –, de l’enflure et des rougeurs. 

Fuck. Ça ressemble pas mal à ce que j’ai depuis quelques jours. Dans ma tête, il y a un déclic: est-ce que je suis en train de faire une phlébite? 

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Plusieurs rendez-vous et tests plus tard, le diagnostic le confirme: thrombophlébite superficielle, probablement causée par la pilule contraceptive. 

34% des Québécoises actives sexuellement âgées de 15 à 49 ans prennent la pilule.
34% des Québécoises actives sexuellement âgées de 15 à 49 ans prennent la pilule. Photo Adobe Stock

Je dis «probablement» parce que c’est l’une des premières questions que chacun des professionnels en santé que j’ai vus m’a posées: 

– Prends-tu la pilule? 

– Oui.  

J’ai dû avoir cet échange au moins une demi-douzaine de fois. Et chaque fois, il s’est gravé plus profondément dans ma mémoire. 

Rendue là, je ne vois pas d’autre choix que d’arrêter la pilule.  

«Faudrait que tu penses à une méthode de contraception alternative», m’a dit plus tard le médecin. Accessoirement, il m’a prescrit un traitement pour le caillot et la situation est maîtrisée. 

Rassurez-vous: les risques de développer un caillot à cause de la pilule sont rares. On parle d’une dizaine de cas pour 10 000 femmes qui la prennent. Ils sont néanmoins présents à cause des hormones qu’elle contient – l’œstrogène et/ou la progestérone –, mais aussi l’âge, le poids et les antécédents familiaux. 

12% des Québécoises optent pour le stérilet comme méthode de contraception.
12% des Québécoises optent pour le stérilet comme méthode de contraception. AFP

Maintenant que c’est réglé, je fais quoi? Stérilet, implant, injection, méthode du calendrier? La question trotte dans ma tête et l’angoisse s’installe. 

Une responsabilité peu partagée 

Au fait, pourquoi c’est moi qui dois angoisser avec ce choix-là?  

Pourquoi n’est-ce pas aux hommes cisgenres et hétérosexuels, fertiles 365 jours par année, que revient la responsabilité de la contraception, alors que les personnes avec un utérus sont fertiles plus ou moins 5 jours par mois? 

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Qu’est-ce qui explique que ces dernières doivent assumer les nombreux risques associés à la prise d’hormones chaque jour à la même heure? Sans compter le fardeau financier qui peut être lourd à porter pour les moins nanties.  

«C’est une forme de paradoxe», me répond Morag Bosom, chercheuse et créatrice de contenus sexologiques pour le Club Sexu. 

Dans les années 1960, la pilule est apparue comme un outil d’émancipation sexuelle pour les femmes, afin qu’elles puissent conserver le contrôle sur leur corps et éviter une grossesse non désirée.  

Plus de 60 ans plus tard, «on présuppose toujours qu’elles sont plus responsables, plus capables» que les hommes cisgenres hétérosexuels de prendre adéquatement des anovulants, poursuit la chercheuse. 

Comme les personnes avec un utérus portent le fardeau corporel de la grossesse et qu’elles s’occupent du ménage, on se dit qu’il est tout naturel qu’elles soient aussi responsables de la contraception. 

Le gel contraceptif, que l'on appelle aussi le condom invisible, est un autre moyen de contraception destiné aux femmes.
Le gel contraceptif, que l'on appelle aussi le condom invisible, est un autre moyen de contraception destiné aux femmes. Courtoisie

Au Québec, plus de 85% des femmes de 15 à 49 ans actives sexuellement utilisent un moyen contraceptif; chez 34% d’entre elles, il s’agit de la pilule, selon des données du ministère de la Santé et des Services sociaux. 

Il y a également le fait que les hommes se sentent moins concernés par la question puisqu’historiquement, on ne leur a pas donné cette responsabilité. 

Or, faire confiance à l’autre quand ça peut avoir des répercussions sur son propre corps, c’est plus facile à dire qu’à faire. «Surtout dans un contexte où une personne a des partenaires sporadiques» avec qui le lien de confiance n’est pas nécessairement fort, nuance Morag Bosom. 

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Un travail à deux 

Sauf que ça prend deux partenaires pour faire un enfant de façon naturelle.  

À ce chapitre, la science avance, quoiqu’à pas de tortues. On a découvert de nouvelles méthodes de contraception destinées aux personnes avec des testicules. Et on voit de plus en plus d’hommes prêts à en assumer la responsabilité. 

«Dans les dernières années, on a essayé de tester l’équivalent de la pilule contraceptive pour les hommes. Mais, chaque fois, on remarque qu’à l’étape des essais cliniques, ça bloque à cause de la longue liste d’effets secondaires. Ça freine plusieurs personnes avec des testicules, à la grande frustration des partenaires avec un utérus», précise la chercheuse. 

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Et quels sont ces effets? Perte de libido, symptômes dépressifs, sautes d’humeur, prise de poids, etc. Oui, précisément les mêmes que ceux qu’assument les femmes qui prennent la pilule.  

En attendant la commercialisation d’une alternative pour hommes, vous pouvez prendre un peu du fardeau de la contraception sur vos épaules, messieurs. Assumez une part de la charge mentale en rappelant à votre partenaire de prendre sa pilule, couvrez les coûts ou encore améliorez votre éducation à la sexualité, suggère Morag Bosom. 

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