La famille Sherbatov paralysée par la peur
Marc-Antoine Malo
«On stresse, on a peur. C’est la pire situation qui pouvait arriver, on ne peut rien contrôler». Yonathan Sherbatov en a vu d’autres pendant sa carrière dans les arts martiaux mixtes, mais lorsqu’il est question du bien-être de son petit frère Eliezer, toujours prisonnier de l’Ukraine vendredi, les émotions prennent le dessus.
Le hockeyeur québécois, qui a été forcé de se réfugier dans un hôtel après les bombardements russes de mercredi soir, serait en déplacement, selon sa mère. Anna Sherbatov a confié à l’auteur de ces lignes que son fils de 30 ans était, dans la journée de vendredi, dans un train vers Lviv, près de la frontière avec la Pologne, et que le consulat israélien l’attendrait là-bas. Il serait accompagné de trois coéquipiers du HC Marioupol, formation de la Super Ligue ukrainienne de hockey pour laquelle évolue Sherbatov.
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«On a joué ensemble, on a combattu ensemble, on a tout fait ensemble, a ajouté Yonathan au bout du fil, vendredi après-midi. On est très très proches. Ma femme me chicanait parce que j’étais prêt à aller en Pologne pour l’attendre. Je suis prêt à tout pour le ramener.»
De trois ans l’aîné d’Eliezer, «Yoni» se désole devant «l’inconnu de la situation». Chaque seconde compte selon lui, surtout que le plan initial de son frangin était d’abord de rejoindre la capitale ukrainienne, Kiev, où il pourrait bénéficier du soutien de l’ambassade canadienne.
L’épouse de l’ailier gauche aurait tenté de rejoindre l'ambassade par téléphone, mais sans succès.
Une famille unie
Les Sherbatov ont une passion commune depuis toujours : l’entraînement. La famille possède deux gymnases à Montréal et à Laval, et les trois fils d’Anna Sherbatov – Boris, Yonathan et Eliezer – sont demeurés très proches malgré les années. Mme Sherbatov dirige elle-même une école de hockey depuis plus de 20 ans, conseillant au passage de futures vedettes comme Anthony Duclair.
Tous restent auprès de l’épouse d’Eliezer, un ancien du Junior de Montréal et du Drakkar de Baie-Comeau, qui a donné naissance au deuxième enfant du couple il y a deux mois. Sherbatov n’a pas encore pu prendre dans ses bras son jeune fils.
«J’étais juste avec eux il y a une heure de ça, a raconté Yonathan. Je tenais Tuvia, le plus jeune, son nouveau-né, dans mes bras. Mes trois enfants jouent avec la plus vieille [d’Eliezer]. On essaie de les supporter. Ma femme est avec sa femme à lui. Il a le cœur brisé.»
«Je ne pars plus. Je ne pars plus nulle part, jamais. Je reste avec ma famille», avait assuré Eliezer jeudi, très secoué, lorsque joint par l'Agence QMI.
Yonathan a expliqué avoir également eu un bref échange avec son frère par téléphone, mais que ce dernier tient à conserver sa batterie. Rappelons qu’Eliezer a dû abandonner son appartement à Marioupol, à une soixantaine de kilomètres de la frontière avec la Russie, dès les premiers tirs d’artillerie.
«Il a tout laissé là-bas, a indiqué Mme Sherbatov. C’est arrivé de nuit, mais tout le monde disait qu’il ne s’était rien passé. [...] Il devait jouer des matchs et tout.»
«Je sais que mon fils va rentrer. Je l’espère», a-t-elle ajouté.