La culture avec un grand CH
Michel Therrien
Une chose m’a frappé en regardant le match entre les Canadiens et les Devils : ce sont deux équipes dont la culture a changé pour le mieux après avoir eu la chance de repêcher aux deux premiers rangs le 7 juillet.
Elles impressionnent depuis le début de la saison, particulièrement les Devils, qui mènent même le classement dans la section Métropolitaine. On voit que les joueurs sont enthousiastes et que les jeunes s’épanouissent sur la glace.
Ce changement majeur de culture s’est opéré avec deux entraîneurs complètement différents. D’un côté, tu as Martin St-Louis, qui effectue ses premiers pas en tant qu’entraîneur, mais qui connaît énormément la ligue. De l’autre, il y a Lindy Ruff, un vieux routier qui roule sa bosse dans la LNH depuis 29 ans.
St-Louis est rafraîchissant pour les joueurs et le public avec sa manière de s’exprimer devant les médias. Il emploie de nouveaux termes, comme «concept». Avant, on parlait de «système», puis de «structure», et maintenant de «concept», mais on joue avec les mots puisque ça signifie la même chose en bout de ligne. L’un ne va pas sans l’autre. Personnellement, je suis passé de «système» à «structure», mais je ne me suis pas rendu à «concept»!
Transformer la culture d’une équipe ne vient pas seulement de l’entraîneur, mais également de la qualité des individus qui composent le groupe. Ça part des joueurs. Si tu n’as pas de bons éléments, l’ambiance n’est pas saine dans le vestiaire, la culture non plus. Au contraire, lorsque les jeunes acceptent leur rôle et souhaitent s’améliorer, ça crée un bel esprit d’équipe qui te permet de faire un bout de chemin. C’est exactement ce qu’on observe chez les deux clubs présentement.
Si leur culture a bel et bien changé, c’est grâce au travail collectif et à l’esprit d’équipe. Les joueurs sont tellement importants. Ce sont eux qui décident de l’atmosphère qui règne dans l’équipe.
Les trois clés du succès
Le «coach», lui, est là pour constater ce qui se passe et ajuster son message en conséquence. Son principal défi est ardu : s’assurer que chacun des joueurs accepte son rôle dans la joie et la bonne humeur. C’est sa responsabilité de voir à ce que l’enthousiasme soit toujours présent et que tout le monde fasse ce qui lui est demandé sans rouspéter. C’est difficile à accomplir, mais c’est crucial pour connaître du succès et ça facilite la vie du «coach».
Les choses deviennent bien plus compliquées si les joueurs montrent une attitude de je-m’en-foutisme ou expriment ouvertement leur frustration. Ça en prend seulement un ou deux qui se plaignent aux autres pour que le climat dans le vestiaire devienne pesant. Tous les clubs gagnants ont ces trois points en commun : une bonne «chambre», des joueurs qui remplissent chacun leurs propres fonctions avec le sourire et un bel esprit d’équipe. Ce n’est pas toujours évident à réussir au niveau professionnel avec les contrats et les egos. Mais c’est le mandat des entraîneurs.
Avec le temps, les «coachs» d’expérience ont tous dû ajuster leur approche avec les joueurs, qui sont complètement différents qu’avant. Ruff en est un bel exemple. Je suis content pour lui qu’il ait su relever ce grand défi.
Au début de la saison, les partisans des Devils criaient «Fire Lindy!» (congédiez Lindy), mais ils scandent maintenant «Sorry, Lindy!» (désolé, Lindy). Pourtant, c’est toujours le même gars. La seule chose qui a changé, c’est la fiche des Devils, qui ont gagné leurs 10 derniers matchs.
On le sait, l’entraîneur est toujours jugé en fonction du succès de son équipe. La victoire fait foi de tout dans le sport professionnel.
À quand le «jackpot»?
Au-delà de l’attitude, ça prend du talent pour gagner. Au poker, tu empoches rarement le «jackpot» avec un sept et un quatre dans tes cartes!
Au fil du temps, les Canadiens et les Devils vont continuer de s’améliorer parce que leurs jeunes joueurs sont dominants. La patience est cependant de mise avec les deux équipes, même si elles ont de grosses mains, comme on dit en langage de croupier!
À Montréal, avec un as dans son jeu comme le nouveau capitaine Nick Suzuki, qui montre l’exemple à ses coéquipiers, le CH peut rêver au gros lot. Mais il ne faut jamais perdre de vue que nous n’en sommes qu’aux premiers kilomètres d’un marathon. Le fil d’arrivée est encore loin, mais une culture gagnante est déjà bien établie, ce qui augure bien pour la suite de la course.