La Cour suprême donne raison à Mike Ward
Michaël Nguyen, Agence QMI
Mike Ward n’aura pas à payer 35 000$ à Jérémy Gabriel, a tranché la Cour suprême, selon laquelle l’humoriste n’a pas commis de discrimination en se moquant du handicap du chanteur dans le cadre d’un spectacle.
• À lire aussi: 12 personnes pas du tout contentes que Mike Ward ait gagné sa cause
«Situés dans leur contexte, ses propos ne peuvent être pris au premier degré. Bien que M. Ward prononce des méchancetés et des propos honteux liés au handicap de M. Gabriel, ses propos n’incitent pas l’auditoire à traiter celui-ci comme un être inférieur», peut-on lire dans la décision rendue ce matin par le plus haut tribunal du pays.
Ainsi, après une saga de six ans au cours de laquelle Ward a subi échec après échec contre la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, l'humoriste a finalement eu gain de cause.
Victoire serrée
Mais sa victoire a été acquise de justesse. Car si la majorité des neuf magistrats de la Cour suprême, dont le juge en chef Richard Wagner, lui ont donné raison, quatre d’entre eux auraient maintenu sa condamnation.
• À lire aussi: Mike Ward répond enfin à Bianca Longpré après que cette dernière l’eut traité de «mauviette»
Les justifications avancées par M. Ward, à savoir qu’il n’avait pas l’intention de discriminer, qu’il traitait Jérémy Gabriel comme n’importe quelle autre célébrité et que sa liberté artistique, en tant qu’humoriste, lui conférait le droit de se moquer d'un enfant handicapé, sont dénuées de fondement juridique», peut-on lire dans la dissidence.
La majorité des juges ont toutefois tranché en faveur de la liberté d’expression, qui «présuppose la tolérance de la société envers les expressions impopulaires, désobligeantes ou répugnantes», ont-ils rappelé.
Discrimination ou diffamation
Les juges ont également rappelé avoir été saisis d’un recours en discrimination, et non en diffamation.
• À lire aussi: Le rappeur SP, du groupe Sans Pression, a invité Mike Ward à se battre, mais, finalement, c’était juste une joke
«Le recours en discrimination n’est pas, et ne doit pas devenir, un recours en diffamation, rappelle le tribunal. M. Gabriel aurait pu intenter une action en diffamation.»
Sans se pencher sur cet aspect, les juges majoritaires ont toutefois estimé qu’il n’y avait pas eu de discrimination dans les blagues faites par Mike Ward dans un spectacle d’humour lancé en 2010 et présenté à 230 reprises en trois ans.
Des blagues sur sa maladie
Pour dénoncer les «vaches sacrées» de qui on ne peut se moquer, Ward avait fait plusieurs blagues sur le jeune artiste, notamment sur sa maladie, qui cause une déformation du crâne et du visage. Jérémy Gabriel était alors âgé de 10 à 13 ans et était surtout connu pour avoir chanté devant le pape Benoît XVI.
«Ses blagues sur sa tentative de noyer M. Gabriel s’inspiraient de stéréotypes pernicieux voulant que les personnes handicapées soient des objets de pitié et des fardeaux pour la société dont on peut se débarrasser», ont rappelé les juges dissidents.
Ces propos avaient poussé le jeune artiste à s’isoler et même à avoir des pensées suicidaires.
Longue saga
Une plainte avait été déposée devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en 2015. L’année suivante, un tribunal avait condamné Mike Ward à verser 35 000$ à Jérémy Gabriel et 7000$ à sa mère, à titre de dommages moraux et punitifs.
• À lire aussi: Voici de quoi avaient l’air les vedettes québécoises au secondaire
La cause avait été portée en appel, mais, en 2019, le jugement avait été maintenu, mis à part le dédommagement à la mère du chanteur. La décision, toutefois, n’avait pas été unanime: l’une des juges avait estimé qu’il n’était pas raisonnable de conclure que les commentaires de l’humoriste étaient discriminatoires.
Après avoir entendu les parties en février dernier, la Cour suprême a majoritairement penché dans cette direction.
Lors des audiences, l’Association des professionnels de l’industrie de l’humour était intervenue pour défendre la liberté d’expression des humoristes, craignant qu’un arrêt limitant leur «terrain de jeu» ne les pousse à l’autocensure.