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L'article provient de Le Journal de Québec
Santé

Hécatombe en CHSLD: un «âgisme systémique» au Québec?

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Photo portrait de Elisa Cloutier

Elisa Cloutier

2021-11-01T13:56:42Z
2021-11-01T21:16:07Z
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La priorisation des soins et des ressources en milieux hospitaliers au détriment des CHSLD ainsi que la présence d’« âgisme systémique » au Québec ont mené à « l’hécatombe » dans les centres d’hébergement, lors de la première vague de la pandémie.

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C’est ce qu’ont soutenu des experts entendus à la barre des témoins lundi, lors des audiences du volet national de la gestion de la crise de COVID-19 dans les milieux d’hébergement pour aînés qui s’amorçaient au palais de justice de Québec.

« On a fait très peu de cas de ces milliers de morts, on n’a pas vu de mouvement Old Age Matters. On n’a pas vu de démission de ministre, on n’a pas vu de limogeage de directeur d’établissement, même les woke ne se sont pas insurgés pour critiquer cette hécatombe chez les personnes âgées », a durement critiqué le Dr Réjean Hébert, gériatre et ancien ministre de la Santé.

Réjean Hébert
Réjean Hébert Photo d'archives Jean-François Desgagnés

Ce dernier a aussi souligné plusieurs lacunes dans les CHSLD, dont la vétusté des établissements, la mauvaise ventilation, les chambres à lits multiples, les salles de bain partagées et la pénurie de personnel, affirmant qu’elles ont contribué à créer la « tempête parfaite ».

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Selon lui, les personnes âgées ont été «l’angle mort» de la crise. Le Dr Hébert a aussi tenu à rappeler que 92% des décès lors de la première vague de COVID-19 au Québec étaient chez des personnes âgées de 70 ans et plus. 

«Le Québec se démarque malheureusement tristement par le nombre de décès en hébergement», a-t-il indiqué. Le spécialiste a rapporté que le taux de mortalité en centres d’hébergement au Québec se situait à 9,7 au Québec, alors qu’il était de 5,3 et 5,2 en Espagne et en Italie respectivement, pays également très touchés par la pandémie. 

Des patients «euthanasiés»

Un urgentologue de Genève, venu prêter main-forte à l’Hôpital général juif et dans des CHSLD à Montréal en pleine première vague, s’est aussi dit « traumatisé » par son expérience. 

Le Dr Vinh-Kim Nguyen a affirmé que des patients ont été «euthanasiés» grâce à un «cocktail » de médicaments, alors qu’ils ne pouvaient être transférés à l’hôpital, respectant ainsi la directive de garder les patients le plus possible en CHSLD. Un terme qui a également fait sursauter la coroner Géhane Kamel. 

«Aucun patient devait transféré vers l’hôpital sans l’accord du médecin d’urgence, ce qui est assez extraordinaire comme mesure. Normalement on refuse aucun patient a l’urgence», a expliqué celui qui est professeur à l’institut des hautes études internationales et du développement de Genève. 

«Ce qui m’a vraiment traumatisé, c’est que j’ai vu des patients qui n’avaient pas à se rendre jusque-là. Ils auraient pu être soignés», a-t-il déploré. 

Selon lui, des patients atteints de troubles cognitifs, entre autres, auraient dû être transférés à l’hôpital pour y être hydratés et assistés d’oxygène, avant que leur état ne se détériore, atteignant un point de non-retour.  

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«Centralisation hospitalière»

Pour sa part, le gériatre et épidémiologiste Dr Quoc Dinh Nguyen a critiqué la «centralisation hospitalière» dans les décisions gouvernementales, au détriment des CHSLD, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement du matériel de protection et les ressources humaines. 

Il a aussi ajouté que le délai pour l’obtention d’un test de dépistage et de son résultat était plus long en CHSLD qu’en milieu hospitalier, alors que le taux de positivité y était «nettement plus bas».  

«Couper la voix» aux résidents

Le fait d’interdire l’accès aux proches aidants en CHSLD, par risques de contaminations, a aussi contribué à «couper la voix» aux résidents, contribuant au triste résultat que l’on connait. 

Au total, une quarantaine d’experts et de témoins seront appelés à témoigner lors des audiences, qui se tiendront jusqu’au 3 décembre prochain. 

Le directeur national de santé publique, Dr Horacio Arruda, ainsi que la ministre responsable des ainés, Marguerite Blais, si elle est revenue de son congé de maladie, seront notamment entendus au cours des prochains jours. 

Plusieurs décès de personnes vulnérables, survenues en CHSLD ou en résidences pour ainés ont fait l’objet d’enquête par la coroner Kamel depuis le mois de mars dernier, dont le Manoir Liverpool de Lévis, le CHSLD Laflèche de Shawinigan, le CHSLD Herron de Dorval, ainsi que le CHSLD René-Lévesque de Longueil. 

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