Inflation: la «chasse aux rabais» est lancée dans les épiceries
Pierre-Paul Biron | Journal de Québec
Avec l’augmentation galopante du panier d’épicerie, 2022 risque de se pointer le bout du nez sous le signe de la « chasse aux rabais » selon un sondage qui indique que 90 % des Canadiens estiment la montée du prix des aliments plus rapide que celle de leurs revenus.
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Pour plusieurs, cette nécessaire course aux aubaines est déjà commencée. Nathalie Boutin et Guy Carrier, un couple rencontré à la sortie d’une épicerie de Lévis jeudi, épluchent chaque semaine les circulaires et font plusieurs bannières pour y arriver.
« On fait juste ça, courir les rabais. On ne mange pas ce qui nous tente, on cuisine avec ce qui est en spécial », confie Mme Boutin. « C’est les circulaires qui décident », ajoute son conjoint.
Et à en croire les données publiées par l’Université Dalhousie jeudi, ils ne seront pas les seuls dans les mois à venir. D’après ce coup de sonde mené par l’économiste Sylvain Charlebois, les coupons, les circulaires et les épiceries multiples auront la cote.
« Ce n’est plus une course aux rabais, ça devient littéralement une chasse. Les gens n’ont plus le choix d’être proactifs pour trouver des aubaines », affirme le chercheur en analytique agroalimentaire.
Du temps et de l’énergie
La bonne nouvelle est qu’il demeure possible de faire des économies en mettant en place ces méthodes.
« C’est l’aspect positif. C’est toujours possible d’épargner même quand les prix augmentent, sauf qu’il faut prendre le temps de le faire », explique Sylvain Charlebois.
Avec un emploi du temps qui le lui permet aujourd’hui, Marie-Josée Labrecque a commencé à s’intéresser à sa facture d’épicerie. Chaque semaine, elle regarde les circulaires, identifie les soldes et visite plusieurs endroits.
« Je vois la différence. J’utilise tout ce qui s’offre à moi. Les imbattables chez Maxi, les cartes fidélité, etc. », explique la dame qui réfléchit parfois à se lancer dans les coupons. « Des fois j’y pense. Comme j’ai le temps, ça pourrait être une bonne chose. »
Tous ces trucs qui font partie des « résolutions alimentaires du Nouvel An » permettront à certains de diminuer l’impact de l’inflation sur leur facture. Après une hausse de 4,4 % dans les 12 derniers mois, Sylvain Charlebois prévoit une hausse de 5 % à 7 % des aliments l’an prochain.
L’écart se creuse
Quelque 90 % des gens sondés par l’Université Dalhousie et bien d’autres rencontrés par Le Journal croient d’ailleurs ce chiffre largement sous-estimé.
« Quand je regarde ma facture, je peux vous garantir que c’est plus que ça. Mets-en ! », lance Guy Carrier.
Et pour une forte majorité, la facture monte beaucoup plus vite que les entrées d’argent dans leur compte en banque, l’écart continuant de se creuser. « Pendant ce temps-là, moi, mon revenu de retraité, le gouvernement ne l’a pas trop augmenté », ajoute M. Carrier.
« J’espère que les employeurs et les décideurs, qui eux aussi font l’épicerie, qui voient ce que ça coûte, vont être un peu plus généreux pour aider les gens à arriver », souhaite Sylvain Charlebois.
Des façons de faire qui vont changer
- 52,8 % des répondants au sondage ont l’intention d’utiliser des coupons
- 51,7 % ont l’intention d’éviter les restaurants
- 45,5 % prévoient consulter plus souvent les circulaires
- 31,9 % veulent visiter différents magasins d’alimentation
Source : Laboratoire en sciences analytiques agroalimentaires – Université Dalhousie
Autre tuile pour les restaurateurs
Selon le sondage de l’Université Dalhousie, près de 52 % des Canadiens ont l’intention « d’éviter les restaurants » en 2022.
« C’est préoccupant. Va falloir sympathiser avec nos restaurateurs parce que ça n’a pas d’allure », observe Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire en sciences analytiques agroalimentaires de l’Université Dalhousie.
Il explique que c’est une « tempête parfaite » qui frappe l’industrie.
« Selon notre rapport, ils vont devoir augmenter de 8 % [leurs prix], mais 8 %, c’est beaucoup », analyse l’expert, ajoutant que la situation est probablement plus difficile à l’heure actuelle qu’en début de pandémie pour les restos, vu l’inflation et l’incertitude liée au variant Omicron.