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L'article provient de TVA Nouvelles
Politique

La CAQ championne du gré à gré

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Nicolas Lachance et Philippe Langlois | Bureau parlementaire et Bureau d'enquête

2022-03-15T11:00:00Z
2022-03-15T11:15:33Z
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Avant même la pandémie, le gouvernement Legault était déjà le champion des contrats sans appel d’offres. Depuis la COVID-19 et encore aujourd’hui, les dépenses effectuées sans la moindre concurrence ont explosé. 

D’octobre 2018 à mars 2020, le gouvernement de la Coalition Avenir Québec avait déjà donné pour près de 4,5 G$ en contrats publics, prétextant, la plupart du temps, la « possibilité de démontrer qu’un appel d’offres ne servirait pas l’intérêt public ». 

En comparaison, avant l’élection de la CAQ, Québec donnait en moyenne 1,8 G$ de contrat par année.  

Avec la pandémie, le gouvernement a pu ajouter un outil lui permettant de conclure des ententes sans concurrence : le décret d’urgence sanitaire. Les ententes rapides dépassant le seuil de 100 000 $ ont ainsi pu exploser.  

Entre le 13 mars 2020 et aujourd’hui, Québec a ajouté près de 13 G$ en contrat sans concurrence à son palmarès.

Seulement au mois de janvier et février dernier, le gouvernement a flambé 1,3 G$ en contrats sans appel d’offres, soit 68 % de toutes ses dépenses contractuelles.  

Surtout la Santé et l’informatique  

Sans surprises, en raison de la COVID-19, ce sont les contrats des secteurs de la santé et de l’informatique qui remportent la palme, selon un recensement exhaustif du Système électronique d’appel d’offres du gouvernement du Québec effectué par les recherchistes de notre Bureau d’enquête. 

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Plusieurs éléments de ce portrait soulèvent des questions. L’an dernier, notre Bureau d’enquête révélait que Québec avait donné de juteux contrats de fourniture d’équipement médical pour la COVID-19 à des entreprises qui n’avaient pas d’expérience dans le domaine.

Difficile à justifier  

Selon les données recueillies par Le Journal, certains ministères ont développé un automatisme pour les contrats sans concurrence depuis la pandémie. 

Le ministre des Transports, par exemple, a signé pour près de 300 M$ de contrats sans appel d’offres durant la pandémie, majoritairement pour des ententes qui ne sont pas du tout liées à l’état d’urgence.

Le professeur et expert en éthique de l’UQAM Michel Séguin estime que le temps commence à jouer contre le gouvernement et qu’il sera très difficile de justifier l’urgence sanitaire afin d’expliquer les mesures d’exception en santé et pour maintenir les activités économiques. 

« Plus le gouvernement profite de ça, plus le temps passe, moins l’aspect exceptionnel de la situation est un argument qui tient », a affirmé l’expert.

« Ici, il risque de semer des doutes sur ses activités décisionnelles dans les contrats. » 

Il estime qu’à long terme, Québec pourrait décourager bon nombre d’entreprises qui auraient pu présenter de bons produits et services à l’État.  

« Elles vont se dire, qu’est-ce que ça donne de se fendre en quatre pour faire ça, c’est organisé d’avance. Et, c’est ça qui est le danger », a indiqué M. Séguin. 

Une reddition de compte  

Le projet de loi sur la fin de l’urgence sanitaire doit être déposé cette semaine.

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Dès qu’il sera adopté, le gouvernement assure qu’il retournera en appel d’offres pour régulariser ses achats en plus d’effectuer une reddition de compte.  

« Soyons clairs : les contrats de gré à gré ne deviendront pas une manière de fonctionner, ça doit demeurer l’exception », a plaidé Florence Plourde, l’attachée de presse de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel. 

Pour la cinquième vague  

Afin d’expliquer la forte utilisation du gré à gré depuis le début de l’année, Québec indique qu’ils ont été utiles en raison de la cinquième vague, notamment pour l’achat de N95 pour le personnel du réseau de la santé. 

Le gouvernement assure également que toutes les règles contractuelles et les lois en vigueur ont été respectées et que des mesures de surveillances ont même été ajoutées.

« L’AMP conserve tous ses pouvoirs de surveillance afin de s’assurer que les contrats octroyés respectent le cadre juridique en vigueur », a relaté Mme Plourde. 

Contrats sans appel d’offres accordés par le gouvernement du Québec depuis 10 ans   

  • 2013: 1,7 G$     
  • 2014: 1,8 G$     
  • 2015: 1,5 G$     
  • 2016: 1,8 G$     
  • 2017: 2,4 G$     
  • 2018: 3 G$     
  • 2019: 3,3 G$     
  • 2020: 6,6 G$     
  • 2021: 5,4 G$     
  • Début 2022: 1,3 G$            

Exemples particuliers  

105 M$ en publicité COVID pour Cossette média inc.  

  • Quoi : Achats médias relatifs aux campagnes publicitaires en lien avec la COVID-19      
  • Raison : Décret urgence sanitaire          

Le MTQ donne 7 M$ à Cogeco  

  • Quoi : Service radiophonique d’information à la circulation pour la région de Montréal     
  • Raison : Cogeco serait le seul en mesure de fournir le service répondant aux besoins et exigences exprimés par le Ministère, plaide Québec.          

122,3 M$ à Magil-Tisseur pour un centre de réadaptation  

  • Quoi : Travaux de conception et de construction d’un centre de réadaptation pour jeunes en difficulté d’adaptation à Sainte-Thérèse      
  • Raison : La Société québécoise des infrastructures dit pouvoir démontrer qu’un appel d’offres public ne servirait pas l’intérêt public, à la suite d’un avis d’intention.          

Source : Système électronique d’appel d’offres du gouvernement du Québec (SEAO)

Recherches faites par notre Bureau d’enquête


Les organisations les plus gourmandes de la pandémie   

  • CHU de Québec-Université Laval : 3,4 G$      
  • Centre d'acquisitions gouvernementales : 1,6 G$      
  • Ministère de la Cybersécurité et du Numérique 339 M$      
  • CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal: 306 M$       
  • Ministère des Transports : 304 M$      
  • Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval : 276 M$           

Les plus grands millionnaires de la pandémie 

(Gré à gré, depuis le 13 mars 2020)   

  • Investissement Gest-E Inc : 437 M$        
  • SMI International Inc : 390 M$        
  • AMD Medicom Inc : 338 M$       
  • Supermax Healthcare Canada Inc : 331 M$      
  • Terio International Inc : 255 M$      
  • HSC medical Inc : 250 M$       
  • Octapharma Canada Inc : 153,6 M$      
  • Société canadienne de sel limitée : 152 M$      
  • Busrel Inc : 151 M$             

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