La Belgique légifère contre le féminicide
Anne-Sophie Poiré
Le féminicide sera bientôt reconnu par la loi en Belgique. Le projet a rapidement été adopté par le gouvernement fédéral après le meurtre d’une jeune femme de 23 ans, à Bruxelles, la semaine dernière. Serait-il possible de voir aussi apparaître le terme dans le Code criminel canadien?
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Cette loi sur «la prévention et la lutte contre les féminicides, les homicides basés sur le genre et les violences qui les précèdent», portée par la secrétaire d’État à l’Égalité des genres, Sarah Schlitz, a été votée vendredi par le gouvernement fédéral belge, rapportait RTBF.
La veille, une jeune femme de 23 ans avait été retrouvée morte dans un appartement de la capitale. Elle aurait été poignardée par son ex-conjoint.
La future législation permettra notamment de définir officiellement le terme «féminicide» — le meurtre d'une femme ou d’une fille parce qu'elle est une femme — et de former les juges et les policiers aux différentes violences fondées sur le genre.
Elle vise également à mieux protéger les victimes. Les survivantes bénéficieront ainsi de nouveaux droits, comme celui d’être interrogée par un policier ou une policière, en plus d’être reçue dans un local adapté, en toute discrétion.
Le féminicide figure déjà dans le Code criminel d’une dizaine de pays d’Amérique latine. En 2004, l’Espagne a adopté une loi contre les violences de genres. Puis, en 2013, l’Italie a émis un décret pour durcir les sanctions en cas de violences contre les femmes.
Cette loi qui définit le féminicide est une première en Europe, selon le gouvernement belge.
Et au Canada?
Au Québec et au Canada, les crimes contre la personne ne sont pour le moment associés à aucun genre.
«On a pris cette position depuis les années 1980 pour éviter le sexisme ou les biais sociaux. Le Code criminel doit être non genré et exempt de stigmas», explique Rachel Chagnon, professeure de droit à l’UQAM. «L’exploitation sexuelle ou les agressions sexuelles ne constituent pas des crimes genrés, par exemple.»
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C’est plutôt dans le traitement de la peine que la violence envers le genre sera pesée.
«La violence conjugale est considérée comme un facteur aggravant. Ça pourrait valoir à une personne condamnée une peine plus lourde qu’une peine régulière», illustre-t-elle.
Serait-il possible de voir apparaître un jour le féminicide dans le Code criminel canadien?
«Il y a des associations et des députés à Ottawa qui font la promotion de l’introduction de ce terme dans le Code criminel. Mais il serait plus vraisemblable d’y voir apparaître la notion de contrôle coercitif, estime la juriste. Ce sont tous les gestes posés par une personne pour enfermer son conjoint ou sa conjointe dans une relation, allant de la violence physique à la violence verbale, qui ont comme but de priver la victime de sa liberté et de son droit de décider par elle-même.»
Rachel Chagnon croit que la reconnaissance du féminicide par la loi canadienne serait bénéfique, «seulement si ça permettait d’éviter ces crimes», souligne-t-elle.
«Mais ce qu’on constate en violence conjugale, c’est que la crainte de la prison semble avoir peu d’effet. Les agresseurs ont même plutôt tendance à penser qu’ils vont pouvoir s’en sortir, qu’ils vont échapper à la peine», fait valoir la professeure.