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L'Ukraine pourrait battre la Russie en 2023, mais elle doit faire vite

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Photo portrait de Gabriel  Ouimet

Gabriel Ouimet

2023-02-16T12:00:00Z
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Le 24 février 2022, la Russie envoyait des dizaines de milliers de soldats en Ukraine, déclenchant une invasion d’une ampleur inégalée depuis la Deuxième Guerre mondiale. Après avoir repoussé les assauts russes pendant près d’un an, les Ukrainiens pourraient profiter des livraisons d’armes occidentales pour passer à l’offensive en 2023, mais ils doivent faire vite, estiment des experts.

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La plupart des analystes ne donnaient pas cher de la peau de l’Ukraine quand les bottes des soldats de Vladimir Poutine se sont fait entendre dans les rues de l’Ukraine à la fin du mois de février dernier. Moscou envisageait d’ailleurs une victoire rapide qui devait se solder par la conquête complète de l’Ukraine. 

Un tank russe détruit en Ukraine.
Un tank russe détruit en Ukraine. AFP

Des erreurs tactiques, le manque de matériel, l’utilisation d’équipement désuet et le manque de motivation des troupes inexpérimentées de Moscou font cependant en sorte qu’un an plus tard, David tient toujours tête à Goliath. 

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L’armée ukrainienne a même mené certaines de ses contre-attaques les plus importantes à la fin de l’année 2022, dont certaines ont frappé des infrastructures militaires en territoire russe. Les soldats de Kyïv continuent aussi de repousser les attaques russes à plusieurs endroits, notamment dans les régions de Louhansk et Donetsk, dans l’est du pays. Si bien que dans son discours du Nouvel An, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a prédit que l’année 2023 serait celle de la victoire ukrainienne. 

Volodymyr Zelensky
Volodymyr Zelensky AFP

Mais l’Ukraine a-t-elle vraiment les moyens de ses ambitions? 

David Dubé, chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, ainsi que le professeur spécialisé en commandement militaire stratégique et en prise de décision au Collège des Forces canadiennes, Éric Ouellet, nous aident à y voir plus clair. 

Le temps est compté pour l’Ukraine

Si la neige et le froid de l’hiver ont considérablement ralenti le rythme des opérations militaires sur le terrain dans les derniers temps, le printemps devrait être le théâtre d’une reprise des attaques de part et d’autre, estiment les experts.

Du côté de l’Ukraine, l’objectif est ambitieux: reprendre l’entièreté du territoire perdu aux mains des Russes dans les dernières années. Une évolution importante comparativement aux objectifs du début de l’année 2022, qui se résumaient à résister et à limiter les dégâts, note David Dubé.

Un tank ukrainien à Bakhmut.
Un tank ukrainien à Bakhmut. AFP

 

«Au début, on se demandait si l’Ukraine allait perdre des régions complètes et si le gouvernement serait remplacé par un gouvernement fantoche. Aujourd’hui, on parle d’attaquer et même de reprendre des territoires perdus depuis 2014, comme la Crimée», rappelle-t-il.

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Pour réaliser un tel tour de force, les dirigeants ukrainiens doivent toutefois profiter de la faiblesse actuelle des forces russes, estime de son côté Éric Ouellet.

«Si l’Ukraine est capable de monter une offensive importante assez rapidement, l’armée russe n’aurait probablement pas les moyens de mener une contre-attaque. Les Russes ont perdu tellement d’équipement et de troupes de bonne qualité que leur capacité à reprendre le territoire perdu serait limitée. Je crois que c’est la carte principale de l’Ukraine», analyste-t-il.

À l’inverse, un enlisement du conflit serait selon lui à l’avantage de la Russie. 

«Il faut garder à l’esprit que la Russie a une stratégie à long terme en Ukraine. Sur le terrain, ils pourraient se permettre de maintenir leur position, ce qui serait vu comme une continuation de ce qui va mal pour l’Ukraine. Pour faire ça, ils pourraient simplement déployer des troupes, envoyer de la chair à canon. Ce n’est pas grave pour eux, ça fait partie de la stratégie militaire depuis longtemps», souligne-t-il.

Des indices laissent d’ailleurs penser que c’est ce que compte faire Vladimir Poutine: l’âge maximum pour s’engager dans l’armée a été aboli. Des détenus ont également été recrutés dans la prison du pays et la mobilisation partielle de quelque 300 000 soldats a été décrétée le 21 septembre dernier. 

Les autorités militaires russes ont d’ailleurs indiqué qu’environ 80 000 de ces conscrits sont déjà sur le terrain, alors que les 220 000 restants ont maintenant terminé leur formation. Les experts estiment qu’ils devraient être déployés en Ukraine au printemps. 

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David Dubé note aussi que l’enlisement du conflit avantagerait Moscou sur le plan financier. Alors que l’économie de l’Ukraine bat de l’aile, celle de la Russie continue de «relativement bien fonctionner», en dépit des sanctions occidentales. 

L’aide occidentale, le nerf de la guerre

Munitions, carburant, chars d’assaut et artillerie: l’aide militaire fournie à l’Ukraine sera cruciale pour la suite des choses, insistent les deux spécialistes. Car pour faire des gains importants, les Ukrainiens devront mener des attaques de front, en concentrant des forces importantes à certains endroits stratégiques, explique l’expert du Collège militaire Éric Ouellet. 

Dans tanks ukrainiens dans la région de Donetsk.
Dans tanks ukrainiens dans la région de Donetsk. AFP

«Ils devront attaquer les défenses russes dans le sud du pays, mais les Russes le savent, ils seront prêts. Donc pour réaliser des percées, ça va prendre énormément de personnel et de ressources matérielles en tout genre, notamment des chars, de l’équipement d’artillerie et des réserves importantes de carburant et de munitions, ce qu’ils n’ont pas actuellement», souligne-t-il. 

Le 23 janvier dernier, le Canada a annoncé l’envoi de huit chars Léopard 2 à l’Ukraine, qui s’ajouteront aux 31 chars américains promis par Washington. Une dizaine de pays européens ont aussi promis d’envoyer près d’une centaine de chars. Il reste maintenant à voir si les Occidentaux seront capables de les livrer dans des délais raisonnables. 

«S’il y a vraiment un arrivage important de chars occidentaux, quelques centaines, là on pourrait penser qu’une offensive ukrainienne est dans le domaine du possible», conclut Éric Ouellet.

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