L'écobonheur, un beau défi pour les familles
Camille Dauphinais-Pelletier
Réduire sa consommation, ça vient avec tout un paquet de défis supplémentaires quand on n’a pas que ses propres besoins à combler, mais aussi ceux de toute une famille. C’est ce que réalise Marie-Pierre Longpré, qui arrive malgré cela à réduire son impact environnemental dans plusieurs sphères de sa vie.
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«Ça serait plus simple si je n’avais pas d’enfants! Les jouets qui s’accumulent, les crayons... C’est dur de dire à une grand-mère d’arrêter de donner des cossins du Dollorama ou de ne pas faire de bas de Noël», lance Marie-Pierre en riant, pointant du doigt sa table de cuisine où s’accumule une quantité impressionnante de crayons de couleur.
Elle tente à sa façon de renverser la vapeur, par exemple en transmettant son amour du jardinage. Marie-Pierre entretient depuis quatre ans un jardin sur son terrain, dans lequel elle fait pousser des légumes, des fines herbes et des fleurs. «C’est cool faire ça avec les enfants», dit celle qui a récemment été donner donné un atelier de jardinage à leur école. «Ils pouvaient chacun repartir avec un petit pot compostable avec un semis!» raconte-t-elle.
La jeune femme de 32 ans habite avec son conjoint et leurs deux enfants – âgés de 6 et 8 ans – au rez-de-chaussée d’un duplex à Longueuil. Il y a une épicerie à 7 minutes de marche. À pied, ça prend seulement un peu plus de 10 minutes se rendre au métro, et ce détail était crucial dans le choix de l’endroit où la famille vivrait.
«J’aurais pu avoir une plus grosse maison et un plus grand terrain pour moins cher, mais je voulais être proche de Montréal. Mon chum travaille là, je dois parfois aller au théâtre pour le travail, les enfants pourront y étudier plus tard... c’était hors de question qu’on soit loin», explique celle qui travaille pour une agence de comédiens à Longueuil – et qui n’aime pas passer trop de temps à conduire.
«Moi j’adore prendre le métro! On peut faire autre chose tout en se déplaçant... je me souviens comme j’aimais faire mes lectures en voyageant pendant que j’étais au cégep et à l’université.»
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La proximité des services et du transport en commun permet à la famille de n’avoir qu’une seule voiture, achetée en 2015, et qui n’a que 90 000 km au compteur. Si on divise cette distance entre les 4 membres de la famille et qu’on l’étale sur 8 ans, on arrive autour de 2800 km par personne par année, tout près de la cible de 2700 km par personne à viser pour vivre à l’intérieur des ressources d’une planète.
«On s’en sert beaucoup pour les activités des enfants. Par exemple, pour les matchs de hockey, où il faut se rendre à différents arénas avec une grosse poche de matériel», donne Marie-Pierre en exemple.
Elle est toutefois bien consciente du fait que ce genre de propriété n’est pas accessible à tous vu la façon dont les villes et le transport collectif sont développés actuellement. «On a acheté au bon moment. Notre terrain, aujourd’hui, ne vaut vraiment plus la même chose. Qu’est-ce qu’on se serait acheté aujourd’hui? Ça serait probablement plus loin», dit-elle.
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La mère, leader des projets écolo
Dans le Baromètre de l’action climatique 2020, on apprend que parmi les personnes les plus «volontaires» à modifier leurs comportements pour respecter l’environnement, les femmes ayant des enfants sont surreprésentées. Cette donnée va dans le sens de plusieurs témoignages de femmes qui estiment que les gestes écolos du quotidien s’ajoutent à leur charge mentale, qu’elles y mettent plus d’effort et de temps que leur conjoint.
Marie-Pierre l’observe d’ailleurs. Elle dit se préoccuper plus que son conjoint de l’impact environnemental de la famille, et est généralement celle qui remet en question leurs habitudes de consommation et qui fait les efforts pour réduire l’empreinte carbone.
C'est par exemple elle qui fait la cuisine, et si ça ne regardait qu’elle, elle cuisinerait des repas végétariens l’écrasante majorité du temps.
«Je dirais que je suis à 95% végé, je pourrais m’en passer facilement. Mais c’est un de nos plus grands défis comme famille : mon chum est pas mal carnivore, et un de mes garçons aime vraiment la viande. »
Elle tente donc de trouver des astuces pour réduire la consommation globale de la famille, puisqu’on sait que l’élevage animal émet énormément de GES. «Quand par exemple je fais de la sauce à spaghetti, je mets à 50% du sans viande, et à 50% de la viande hachée. (...) C’est un gros bateau à tourner!» admet-elle.
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Elle observe quand même que les choses changent. «Ce qu’on est en train de gagner avec les conjoints plus réticents, c’est la sensibilisation. Ils pensent à ces choses-là. Par exemple, mon chum s’est équipé en skis, mais il les a achetés usagés sur Marketplace. On a fait la même chose avec les vélos des enfants», dit-elle.
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Se questionner avant d’acheter
Il y a une seule tablette dans la maison, un iPad première génération. Pas si mal quand on pense que l’an passé, les deux enfants faisaient l’école à distance; le deuxième utilisait l’ordinateur portable qu’elle avait acheté en 2008, pour l’université, et qui fonctionne encore.
«Je ne suis pas gadget, zéro. J’ai un nouveau cellulaire, parce que j’avais eu l’ancien pendant 7 ans et ce n’était plus efficace pour faire du télétravail, et celui-là aussi je vais le garder aussi longtemps que possible», dit Marie-Pierre.
Pour les vêtements, elle achète souvent seconde main. «Je suis chanceuse, je ne change pas vraiment de taille au fil des ans, il y a des vêtements que j’avais au secondaire et que je mets encore! On me dit parfois que c’est beau ce que je porte, et je réponds que ça vient du Village des Valeurs et que ça m’a coûté 4$», donne-t-elle en exemple.
L’enjeu qui serait le plus difficile pour elle et sa famille? Réduire drastiquement les voyages par avion.
«On serait capables de ne pas le prendre tous les ans, mais oh my God, ce serait difficile d’arrêter de voyager, on a l’intention de le faire de plus en plus», dit-elle en croisant les doigts pour que le secteur de l’aviation devienne plus vert dans les prochaines années.
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Ce qui faciliterait la vie des familles
Si on veut que les gens changent leurs habitudes au quotidien, il faut s’assurer de faciliter au maximum les décisions qui sont bonnes d’un point de vue environnemental, affirmait récemment en entrevue avec le 24 heures l’écosociologue Laure Waridel.
Voici d’ailleurs quatre situations où Marie-Pierre estime que les choses pourraient être facilitées pour les familles.
1. Plus de vrac et moins de suremballage dans les épiceries
«Des produits emballés dans une multitude de boîtes et de paquets à l’épicerie, ça ne devrait plus avoir lieu. Je ne prends plus de salades, de carottes ou de pommes qui sont emballées. On n’a pas besoin de mettre tous nos fruits et légumes dans des sacs de plastique.»
2. Des politiques pour favoriser l’économie locale
«J’ai réussi à acheter un manteau fait au Québec, mais ç’a tout pris pour le trouver. Il faut encourager les compagnies locales, les inciter à s’installer ici et à rester, fournir des meilleurs outils, des subventions, des programmes... on le voit aussi avec ce qui se passe en Ukraine, on a besoin d’être indépendant, que ce qu’on achète ne soit pas made in China.»
3. Encourager le partage des objets
«Mon chum, ça le fait capoter que tout le monde ait sa voiture, sa tondeuse... Tout le monde n’a pas besoin d’avoir un escabeau de chaque grandeur, un appareil à raclette dont on se sert trois fois par année ou des moules à gâteaux de toutes les formes!»
4. Mieux informer
«La population devrait être mieux informée par rapport à l’environnement, ça devrait faire partie de l’éducation. Juste apprendre à recycler convenablement, ça ferait une différence.»