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L'article provient de TVA Sports
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Kaiden Guhle: une fulgurante progression expliquée

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Louis-André Larivière

2022-10-10T11:34:15Z
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Lorsque Kaiden Guhle a marqué son premier but du camp préparatoire, le 29 septembre, le jeune défenseur a fait un clin d’œil en patinant vers le banc des Jets de Winnipeg. 

Arrogant et débordant de confiance, le choix de premier tour des Canadiens de Montréal en 2020 narguait une personne en particulier : Brad Lauer.

Embauché par l’organisation manitobaine pendant l’été, l’instructeur de 55 ans était l’entraîneur-chef de Guhle pendant 25 matchs avec les Oil Kings d’Edmonton, dans la Ligue de l’Ouest (WHL), au cours de la dernière campagne. 

Lauer a ensuite dirigé le robuste arrière de 20 ans dans leur conquête du championnat de la WHL, lors de laquelle son protégé a été sacré joueur par excellence des éliminatoires avec huit buts et 16 points en 19 joutes.

«C’était excitant de le voir marquer. On s’est échangé des textos après la partie et je lui ai dit "félicitations pour ton but chanceux", de s’esclaffer sarcastiquement l’adjoint de Rick Bowness lors d’un entretien récent avec le TVASports.ca.

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«Je lui ai souhaité bonne continuation au camp. Nous allons essayer de maintenir le contact. C’est un garçon très spécial.»

Outre le fait qu’il se dote d’une bonne première passe et qu’il se plait à distribuer des coups d’épaule calculés, l’énergique recrue se fixe un objectif qu’admire le savant homme de hockey des Jets : «il veut devenir un défenseur complet. Il veut être fiable défensivement tout en se servant de sa créativité pour appuyer l’attaque.»

AFP
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En mission

Même s’il a dû soigner une blessure pendant l’entre-saison, Guhle s’est présenté au camp du Tricolore dans une forme resplendissante. Il ne voulait pas que faire bonne impression, il entendait en mettre plein la vue sous le regard attentif des décideurs. 

L’heure est aux décisions chez le Bleu-blanc-rouge en ce moment et il n’a pas déçu avec trois filets et plusieurs présences mémorables. Pour un bon nombre d'espoirs souhaitant faire carrière au niveau professionnel, c’est le travail et l'effort qui prévalent.

En ce sens, Guhle a su transformer une situation frustrante en un bel exemple de persévérance il y a un an, presque jour pour jour. Le 11 juillet 2021, le CH en a fait le dernier patineur retranché de son camp avant de dévoiler sa liste des 23 membres de l’effectif. 

Joël Lemay / Agence QMI
Joël Lemay / Agence QMI

Plutôt que de se présenter aux Raiders de Prince Albert - son club junior à l’époque - avec le moral dans les talons, le défenseur de 6 pi 2 po et 205 lb se préparait à connaître une saison du tonnerre dans la WHL. Acquis par les Oil Kings le 1er décembre, il a amassé un point par match (25 en autant de sorties). 

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«Nous étions déjà en discussion depuis un certain temps avec Prince Albert pour faire son acquisition, a précisé au TVASports.ca le directeur général des Oil Kings, Kirt Hill. Kaiden ne laissait transparaître aucune déception (d’avoir été retranché), car il était leur meilleur joueur et il essayait de tout faire sur la glace. Il transportait une équipe faible sur son dos. Il était extrêmement compétitif.

«Je suis sûr qu’il se sentait déçu malgré tout. Lorsqu’il a été échangé ici, on faisait le plein de munitions dans le but de gagner le championnat. Ça l’allumait. Il ressentait alors beaucoup de motivation. Il voulait tout donner pour démontrer qu’il était prêt pour un rôle à Montréal.»

Après avoir brandi la coupe Ed Chynoweth en six matchs face aux Thunderbirds de Seattle, puis une courte participation à la Coupe Memorial, Lauer et Hill ont rencontré individuellement leurs meilleurs joueurs.

John Morris / Agence QMI
John Morris / Agence QMI

«Nous leur avons parlé de la prochaine étape. Elle n’est pas facile, d’où l’importance de reprendre graduellement l’entraînement», raconte Lauer.

Hill a offert davantage de détails sur ces rencontres de fin d’année : «Nous leur avons dit de prendre un pas de recul. Ce n’est pas habituel de jouer jusqu'à la fin du mois de juin et les gars devaient participer aux camps de développement de la LNH dans un court délai.

«Je leur ai conseillé de prendre au moins une semaine de repos avant de se remettre à l’entraînement.»

«Il veut être le meilleur»

Pour Lauer, un ancien attaquant qui a disputé 323 matchs dans la LNH, les performances de Guhle en éliminatoires de la WHL ne laissaient aucun doute. Le jeune homme avait déjà le potentiel de percer la formation du Tricolore et, d’après ses dires, il allait tout faire pour s’accrocher à cette quête, car «s’il veut quelque chose, il ira se l’approprier».

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«Il réfléchit comme un joueur professionnel et ça se voyait dans la façon dont il se comportait (à Edmonton), assure-t-il. Son entraînement en gymnase, le fait qu’il prenait soin de son corps et tous les petits détails. Il était très mature dans le junior.

John Morris / Agence QMI
John Morris / Agence QMI

«C’est un patineur hors pair qui joue avec ses tripes. En finale, il identifiait les meilleurs joueurs de l’autre côté de la patinoire et il savait ce qu’il avait à faire. Avec sa robustesse, il les sortait de leur jeu et les défiait, tellement il était compétitif. Il forçait ses adversaires à lutter jusqu’au bout et c’était impressionnant à voir d’un gars comme ça.»

À savoir quel pourrait être le plan qui attend son ancien élève, Lauer se montrait prudemment optimiste à quelques jours des grandes décisions. Connaissant l’individu, il est convaincu qu’il a su tirer son épingle du jeu du fait qu’«il veut être le meilleur chaque jour». 

«Il possède un talent brut et il a évolué physiquement. Il y a des décisions difficiles dans toutes les organisations et c’est ce qu’elles veulent voir au camp... des joueurs qui leur forcent la main. Nous en avons quelques-uns ici et c’est tant mieux pour Kaiden de le faire là-bas.

«Il va rendre certaines décisions très dures parce qu’il veut à tout prix se tailler un poste et ce sera une belle réussite s’il parvient à le faire.» 

En écoutant Lauer parler de Guhle, on dénote une certaine fierté. Il lui a prodigué quelques conseils au cours de l’été et l’imposant numéro 21 semble avoir appliqué ceux-ci à la lettre.

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«J’ai dit de ne gaspiller aucune occasion, de demeurer concentré, de garder les pieds sur Terre et d'être humble. De s’assurer de faire tout le nécessaire pour percer la formation. Rien ne t’est jamais donné. Fais une bonne impression auprès des vétérans et sois toujours respectueux.» 

Et pour les amateurs qui le trouvent sérieux en entrevue, détrompez-vous. Aux dires de son ancien DG, c’est tout qu’un personnage qu’est Kaiden Guhle.

AFP
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«Il est assez taquin. Il s’amuse sur la glace. Il n’a pas peur de commettre des erreurs et il n’hésite pas à rire de lui-même.»

L’autre facette de sa personnalité dans le vestiaire est celle digne d’un (futur) capitaine.

«Kaiden n’avait pas de problème à être vocal dans la chambre, informe Lauer. Parfois dans le junior, ce n’est pas facile. Ça prend une certaine maturité pour prendre la parole dans le vestiaire et ce sont les qualités d’un leader.

«Il voulait aussi sauter sur la glace à chaque changement au banc pour prendre possession de la rondelle. C’est quelque chose que j’ai dû discuter avec lui pour qu’il comprenne la gestion de l’énergie.»

Comme à Long Island en... 1986

Brad Lauer a déjà été dans les bottines de Kaiden Guhle. Repêché par les Islanders de New York au deuxième tour à l’encan de 1985, il a suffisamment impressionné l’état-major pour décrocher un poste dans la formation.

Ironiquement, 36 ans plus tard, il est d’avis que c’était la mauvaise décision.

«J’étais très fortuné de me joindre à une organisation qui venait de remporter quatre coupes Stanley. Ils avaient des joueurs vieillissants et j’ai connu un très bon camp. Les Isles m’ont fait une place, mais, lorsque je repense à mon développement, je ne crois pas que j’étais assez mature pour jouer dans la LNH.

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«Je ne l’étais probablement pas, mais c’est ce que je voulais. J’ai fait une bonne impression et c’est un camp où tout semblait aller pour moi.»

Comme c’est souvent le cas au camp, le bonheur de Lauer a fait le malheur d’un autre joueur. Pour lui faire une place, la direction a dû se débarrasser d’un vétéran très respecté dans le vestiaire.

L’heure des décisions approche à grands pas chez le Bleu-blanc-rouge et, chose certaine, il n’a pas failli à la tâche avec trois filets et plusieurs mémorables. Pour n’importe quel espoir souhaitant faire carrière au niveau professionnel, c’est le travail et la persévérance qui prévalent.

«Certains des joueurs de l’époque sont au Temple de la Renommée. Lorsque j’ai gagné ma place, ils ont soumis Clark Gillies au ballottage et les Sabres de Buffalo l’ont réclamé (photo, ci-dessous). Le préposé m’a assigné son ancien casier après l’entraînement. 

JOHN TAYLOR / Le Journal de Montreal
JOHN TAYLOR / Le Journal de Montreal

«J’étais assis à côté de Denis Potvin, qui me regardait de travers. Il m’a dit ‘excuse-moi, le jeune, ça fait neuf ans que je vois le même visage à cette place, et là c’est une nouvelle face’.»

Éprouvant un sérieux malaise à s’asseoir à l’ancienne case de Gillies, Lauer a demandé à son entraîneur de lui trouver un autre emplacement. 

«Ils m’ont finalement offert un étal à côté du bureau du DG (Bill Torrey). Je ne la trouvais pas 5

drôle... j’y ai passé l’année et Monsieur Torrey était un grand fumeur de cigares. La fumée en sortait constamment. Ce n’était pas comme aujourd’hui!»

Mike Bossy : «phénoménal»

Enfin, Lauer se souvient d’avoir épié avec admiration certaines légendes des Islanders, dont le regretté Mike Bossy.

«Sa prestance... c’était un individu qui avait confiance en lui. C’est un de ceux que tu ne pouvais t’empêcher d’observer, avoue-t-il. 

Photo Les Archives Journal de Montréal
Photo Les Archives Journal de Montréal

«La façon dont Mike faisait les choses et lançait la rondelle d’angles différents, c’était phénoménal. Il n’avait pas le lancer le plus puissant, mais il était rapide et précis!»

Un des derniers arrêts de la carrière de Lauer dans la LNH a été son passage chez les Sénateurs d’Ottawa en 1993-1994. Il jouait alors sous les ordres de son patron actuel, l’entraîneur-chef des Jets Rick Bowness.

«J’ai beaucoup de respect pour Rick. Il apporte de l’énergie et de la passion tous les jours à l’aréna. Ça m’enthousiasme de travailler pour lui.»

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