Jusqu'où montera Éric Duhaime ?


Joseph Facal
Le dernier sondage Léger confirme que le Parti conservateur d’Éric Duhaime est la seule formation qui progresse.
Elle enlève des voix au PQ et à la CAQ, bien que la CAQ tire aussi profit du fait qu’un quatrième parti viendra diviser davantage le camp des mécontents du gouvernement.
M. Duhaime, notre version locale d’un phénomène qu’on voit ailleurs, n’est pas ma tasse de thé, mais essayons de comprendre froidement.
- Écoutez la chronique de Joseph Facal avec Benoit Dutrizac sur QUB Radio:
Frustration
Il y a un marché politique comme il y a un marché économique. Les partis vendent un produit et cherchent des acheteurs.
S’il y a une demande pour votre offre, vous aurez du succès.
Théoriquement, Éric Duhaime peut viser un gros marché.
Si vous additionnez tous les excédés de la gestion caquiste de la pandémie, tous ceux qui voient le PLQ comme un parti au passé éthique douteux et devenu l’instrument des anglophones et des allophones, tous les ex-péquistes qui pensent que l’indépendance ne se fera jamais, et tous ceux qui voient QS comme un parti urbain et d’extrême gauche, cela fait beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde.
Les talons d’Achille potentiels de cette formation sont nombreux, mais il est loin d’être évident que l’électeur de base y sera aussi sensible que les commentateurs.
Le discours de M. Duhaime est un cocktail de pensée libertarienne, de ras-le-bol envers un appareil d’État qui craque de partout, de « gros bon sens » que chacun interprète à sa manière, et de sorties dictées par les circonstances.
C’est assez large et flou pour séduire bien du monde.
Est-ce que ses déclarations passées le rattraperont ? Possible, mais peu probable. Les électeurs comprennent que son rôle a changé et qu’un animateur de radio doit faire « son show ».
Son programme est inexistant, méconnu, rachitique, contradictoire ? Les programmes n’intéressent qu’une minorité d’électeurs et la petite industrie du commentaire médiatique.
Le recrutement d’une hurluberlue comme Anne Casabonne peut-il lui nuire ?
La politique moderne cherche des « veudettes », des « personnalités ». Bien des gens votent pour quelqu’un parce que sa face est connue et ça leur suffit.
Désolant ? C’est ça qui est ça.
On qualifie M. Duhaime de « populiste », mot toujours péjoratif dans la bouche de ceux qui l’utilisent.
Fondamentalement, le « populiste », c’est celui qui envoie promener les partis traditionnels et les médias traditionnels.
L’électeur frustré se tourne vers lui, le voit comme une page blanche sur laquelle il peut projeter ses aspirations, et s’imagine que le leader pense comme lui.
Conséquence
Le populisme est une conséquence d’un dérèglement social et politique plus large.
La nouvelle gauche woke s’est retournée contre les classes populaires qui ont vu naître la gauche traditionnelle, et n’en a que pour les minorités supposément opprimées.
La droite économique est vue comme l’instrument d’entreprises lourdement subventionnées, sans loyauté nationale, qui n’en ont jamais assez.
Les médias dominants, sauf celui-ci, sont étouffés par une rectitude politique déconnectée du sentiment populaire.
La question nationale est complètement congelée.
Bref, que cela plaise ou pas, on n’a pas fini d’entendre parler d’Éric Duhaime.