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Culture

Judith Bérard a demandé la permission à Éric Lapointe avant de parler de lui dans son livre

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Erick Rémy

2024-10-25T10:00:00Z
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Dans son ouvrage, Invisible, la comédienne et chanteuse livre un récit déchirant de ses échecs amoureux, dont celui qui a failli lui coûter la vie. Si elle ouvre ainsi son coeur, c’est pour que d’autres puissent éviter les pièges de la dépendance affective.

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ll me fallait, d’entrée de jeu, confronter l’éléphant dans la pièce: sa relation amoureuse avec Éric Lapointe, qu’elle a fréquenté de novembre 2021 à septembre 2023. Dans son livre, elle l’aborde dès les premiers paragraphes, puis y revient régulièrement au fil de ses 288 pages. Je lui demande donc si le principal intéressé a lu l’ouvrage et, si oui, qu’at- il pensé du récit de leur union improbable, qui s’est elle aussi soldée par un échec?

«Il m’aurait été impossible de parler de notre relation dans ce livre sans lui demander la permission. Rien en moi ne cherche à profiter de notre histoire, au contraire. Je suis persuadée que notre rupture a été l’un des facteurs qui l’ont incité à arrêter de boire. Le 21 octobre, ça fera un an qu’il ne boit plus. C’est probablement le plus beau cadeau qu’il m’a fait. Je lui ai pardonné ses écarts, car, à cette époque, il n’était pas en mesure de m’aimer et de me donner ce que je cherchais. Nous avons eu une relation d’amour, mais ce n’est pas celle que j’aurais aimé vivre.» Au final, aime-t-elle encore le rockeur? «Il me manque et ses enfants aussi» se contentera de répondre Judith Bérard.

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Panser ses blessures

«Il n’y avait rien à gagner à dévoiler cet aspect fragile de ma personnalité. Mon besoin primaire était d’attacher tous les bouts de ma vie ensemble, car j’avais l’impression d’être brisée en mille morceaux. Lorsqu’on a vécu de la violence conjugale, on panse souvent ses blessures soi-même et il faut se reconstruire à partir de ce qui reste de nous. Après tout ce que j’ai vécu, de façon plus intense ces dernières années, j’avais besoin de faire de l’ordre dans mon espace intérieur pour arrêter d’être en survie. Mes écrits m’ont permis de me comprendre, de me retrouver, de donner de l’importance à mes peines et de passer au travers», dira-t-elle fièrement.

Avant d’effectuer l’exercice d’introspection qui a donné naissance à cet ouvrage, Judith Bérard a cependant dû faire appel à de l’aide professionnelle. «Après avoir été victime de violence conjugale et m’être retrouvée dans une maison d’hébergement pour femmes en difficulté, on m’a diagnostiqué un choc post-traumatique. J’en ai perdu la voix pendant des mois. Grâce au CAVAC (Centre d’aide aux victimes d’actes criminels), j’ai été prise en charge. De l’aspect psychologique jusqu’aux démarches pénales, en passant par ma réadaptation physique – mon épaule droite avait été gravement blessée –, ils ont constamment été là pour moi. J’ai eu droit à un psychologue aussi longtemps que j’en ai eu besoin. J’ai fait une thérapie de fond avec un spécialiste en choc post-traumatique.»

 cacher, de ne plus exister. Quand tu visse et comédienne a pris des notes qui n’étaient pas destinées à devenir un livre, mais plutôt à trouver des pistes de solutions pour se reconstruire après avoir touché le fond. À cette époque, l’idée de partager son histoire était la dernière chose qu’elle envisageait. «J’avais le goût de me cacher, de ne plus exister. Quand tu vis de la violence, inconsciemment, tu l’interprètes comme étant un message de te taire et de disparaître. La honte t’habite. L’écriture est venue complémenter, de façon quotidienne, ma démarche personnelle pour m’en sortir. Ç’a commencé par des feuilles mobiles, puis des petits cahiers Canada. Je les remplissais de mes réflexions et des événements que j’avais vécus. Ce n’est qu’après deux ans d’écriture que j’ai commencé à envisager que ça puisse aider d’autres personnes.»

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De l’ombre à la lumière

Afin de mettre de l’ordre dans tous ses écrits, elle a fait appel à nul autre que Lambert, ce célèbre auteur-compositeur qui a récemment collaboré à l’écriture de la biographie de Ginette Reno. «J’aimais sa plume et sa profondeur. Tout s’est fait à distance, il m’a comprise sans me connaître. Il m’a dit qu’il avait écrit ce livre comme il écrit des chansons. Ça ressemble à des couplets et des refrains. Les chapitres ne sont pas trop longs et chacun d’eux est précédé d’une phrase clé.» Pourquoi avoir intitulé son autobiographie Invisible? «Ce sont les éditeurs, en majorité des femmes, qui me l’ont suggéré après la lecture de mon manuscrit. Elles m’ont dit: «Tu es une femme pétillante. Tu as l’air forte. Et tout à coup, tu t’es effacée. Tu t’es faite toute petite pour aimer des hommes en croyant qu’ils étaient plus grands et plus brillants que toi. Tu es devenue invisible!», explique Judith, qui a pourtant connu la gloire et le succès, entre autres en chantant dans plus de 600 représentations de Starmania à Paris. Elle a ensuite signé un contrat de disques avec une multinationale et assuré les premières parties des spectacles de Patrick Bruel en Europe.

Un prince pas si charmant

C’est ainsi qu’en 2002, Judith décroche un rôle dans la comédie musicale Cindy dont le livret est écrit par Luc Plamondon. Elle rencontre alors Massimo (nom fictif), le célèbre compositeur musical de la production. Pendant 10 ans, cet homme d’origine italienne, plus âgé qu’elle, lui fera vivre les plus beaux moments de sa carrière, mais aussi les pires aspects de sa dépendance affective. «Je croyais beaucoup à la force de notre union. À cette époque, je me sentais nourrie dans mon rôle de mère et de belle-mère. Mon fils, Jonathan, était heureux. Il aimait son école. Il adorait sa vie sur cette ferme à Orvieto. C’était un lieu de rêve et de rencontres inoubliables. La maison était toujours pleine d’artistes, de journalistes et d’invités. Pendant ce temps-là, je vivais des manques affectifs immenses auprès de cet homme introverti et constamment terré dans son antre de création. Il me laissait toujours seule.»

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Elle décrit avec lucidité sa dynamique relationnelle toxique: «Tous les hommes que j’ai aimés avaient le même problème. Moi qui voulais tout savoir d’eux, qui m’intéressais à toutes les facettes de leur vie et qui étais prête à les suivre partout, dès que je parlais de moi, je me retrouvais face à un visage fermé, à un petit air supérieur, à un regard vide de tout intérêt.» A-t-elle déjà été heureuse en amour? «Ma réponse va te sembler bizarre. J’ai choisi d’aimer à sens unique. Je les aimais sans m’attendre à ce qu’ils m’aiment en retour. Et lorsque j’ai cru avoir enfin rencontré l’homme de ma vie, Harrison (nom fictif) — celui qui avait la clé de mon coeur, qui savait me faire sentir comme une reine, belle, aimée, désirée, spéciale —, il s’est avéré le pire de tous. Ç’a été un monstre. Inutile de dire que ça a profondément blessé la femme que je suis», mentionne-t-elle avec une pointe de tristesse.

Le livre Invisible, publié par Libre Expression, est disponible en librairie.

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