Joshua Roy prometteur mais loin de la LNH, prévient son coach
Nicolas Cloutier
Quand Joshua Roy a conclu, à seulement 18 ans, une saison de 119 points en 66 matchs avec le Phoenix de Sherbrooke, un observateur occasionnel aurait pu conclure qu’il n’a plus rien à apprendre dans la LHJMQ. Et que le jeune homme pourrait même cogner à la porte au camp d’entraînement des Canadiens.
Tout observateur qui aurait osé partager cette théorie à l’entraîneur-chef du Phoenix, Stéphane Julien, se serait toutefois rapidement fait rappeler à l’ordre.
L’homme de hockey adore le sens du jeu de Roy : «C’est sûrement le gars avec le meilleur QI hockey dans notre ligue en ce moment.» Mais il appelle aussi au réalisme. Son poulain, estime-t-il, n’est pas prêt à jouer dans la LNH dans un horizon à court ou moyen terme. Pas même en Europe pour accélérer son développement en se frottant à des adultes.
«Oh boy, a-t-il réagi au bout du fil lorsqu’on lui a demandé si la possibilité pour Roy d’aller jouer dans le Vieux continent a existé. Honnêtement, moi, ces affaires-là de gars qui jouent en Europe avant 20 ans à moins d’être un Auston Matthews... Il a encore des choses à travailler Josh.»
Pour Joshua Roy, tout finit par revenir à son coup de patin. C’est ultimement ce qui dictera son succès chez les professionnels.
«Physiquement, il peut aller chercher une autre gear dans le gym pour avoir plus de force, ajoute Julien avant de revenir à l’élément principal. Sa rapidité, s’il ne l’améliore pas, ça va être plus difficile dans la Ligue nationale.
«Il a encore une checklist à faire, Josh. Ce n’est pas juste à propos des points. Quand tu regardes à l’autre niveau, les matchs préparatoires qu’il a joués à Montréal... ça prend une gear de plus! Il est conscient de ça. Montréal est conscient de ça. C’est à lui de le travailler. Il y a plein de gars comme lui qui vont arriver en même temps dans la Ligue nationale.
«Son patin, c’est clair qu’il va falloir qu’il l’améliore d’ici 2-3 ans pour jouer régulièrement dans la LNH.»
Une question de survie
On n’apprend rien à Joshua Roy en lui rapportant ces paroles de son entraîneur. On les lui répète ad vitam aeternam. Si, pour lui, construire un jeu et l’anticiper est naturel, bouger ses pieds à vive allure ne l’est pas.
«Je vais me le faire rappeler souvent cette année, ça va finir par rentrer (rires), reconnaît le principal intéressé. Je fais beaucoup de vidéo avec un entraîneur adjoint et mon agent fournit un entraîneur d’habiletés pour ça. On ne se le cachera pas, il faut que je travaille beaucoup là-dessus si je veux connaître du succès plus tard.»
Un joueur peut parvenir à LNH avec ses forces et en dépit de ses faiblesses. Alors pourquoi la lacune de Roy poserait-elle autant problème si elle n’est pas corrigée? Parce que les équipes du circuit Bettman recherchent des joueurs apportant beaucoup d’énergie et d’intensité durant de courtes présences pour combler des postes sur leur quatrième trio. Comme Roy n’a pas cet ADN, ses options sont plus limitées : il doit convaincre un entraîneur-chef de lui donner suffisamment de temps de jeu pour occuper un rôle au sein des deux premiers trios.
«Ce n’est pas un gars de quatrième ligne, Josh, explique son entraîneur Julien. Tu tombes parfois dans des chaises. Tu te demandes pourquoi l’équipe ne garde pas un joueur X, mais les équipes veulent avoir de l’énergie sur un quatrième trio et Josh, ce n’est pas ça. C’est un gars d’avantage numérique, top-6, limite top-9 LNH.
«Alors il faut que tu avances. Il a encore du millage à faire de ce côté-là. Au niveau junior, il est capable de récupérer des rondelles. En espace restreint, quand la rondelle n’est pas loin, il est très, très fort pour lever des bâtons, récupérer des rondelles. Mais dans une situation où il doit appliquer de la pression sur le porteur et dans laquelle le jeu change de bord, il est un peu plus lent que, disons, d’autres joueurs.»
Julien persiste et signe, donc : Roy est tout à fait à sa place dans la LHJMQ en ce moment, qu’importe la quantité astronomique de points qu’il met au tableau.
«On lui donne un 22-23 minutes par match, Josh. Il ne faut pas négliger ça», rappelle-t-il.
Les secrets d’Adam Nicholas
À l'automne 2021, alors fraîchement repêché par les Canadiens, Roy a fait un tabac au camp de l'équipe, signe qui laissait déjà entrevoir que le CH avait réalisé un joli coup en le réclamant au 5e tour. Impression qui a été cristallisée par son explosion dans le circuit Courteau.
Pour une raison que Roy ignore lui-même, il n'a pas joué avec le même panache lors du calendrier préparatoire cette année.
«Honnêtement, je ne sais pas ce qui s'est passé, confie d'emblée le cérébral attaquant. Ça a moins bien été que l’année dernière. Mais bon, c’est un camp. Je vais apprendre de ça et je vais travailler plus fort.»
Qu'à cela ne tienne, le temps passé dans l'entourage des Canadiens n'a certainement pas été gaspillé. Le nouveau cerveau du développement des habiletés chez les Canadiens, le réputé Adam Nicholas, s'est mis à polir les plus beaux joyaux de l'organisation depuis son embauche par le duo Hughes-Gorton, et Roy a bénéficié de ses bons soins.
«Quand j’avais le doigt cassé, je ne suis pas allé au camp des recrues et ma semaine de rétablissement, je l'ai passée avec lui tout seul sur la glace. C'était vraiment sur la coche pour vrai. Il amène quelque chose de différent. Ce n'est pas un entraîneur d'habiletés comme les autres. Il ne fait pas juste mettre des bâtons sur la glace et te faire manoeuvrer à travers les obstacles.»
Méticuleux, Nicholas s'est attaqué à un aspect pointu de la technique de patinage de Roy.
«Son enseignement est vraiment spécifique, des trucs que tu vois en situation de match. Il a beaucoup insisté sur la nécessité de "sauter" pour exploser davantage dans mes chassés-croisés. Un peu comme Nathan MacKinnon.»
Malheureusement, ces subtilités ne s'apprennent pas en criant ciseaux. Il s'agit d'un long et fastidieux travail pour les intégrer à la mémoire musculaire afin qu'elles soit appliquées spontanément en plein match.
«C'est quand même dur à faire, avoue Roy. Je travaille là-dessus depuis que je suis arrivé à Sherbrooke. J'essaye de le faire durant les entraînements.»
Malgré ses statistiques parfois dignes d'un jeu vidéo, le chemin vers la LNH ne sera pas un fleuve tranquille pour Joshua Roy. Du moins, il ne risque pas de l'être.
Le jeune homme pourrait perdre de vue cette réalité au fur et à mesure qu'il empile les points. Ce n'est pas ce qui se passe ici.
«J’y vais étape par étape, philosophe Roy. J’ai encore du développement à faire pour le prochain niveau. Stéphane Julien, c’est un excellent coach. Il est capable de me pousser là-dedans. Je pense que je suis bien à Sherbrooke, et c’est le mieux pour moi en ce moment.»