Jesen Therrien : entre gratitude et insatisfaction
Benoît Rioux
Même s’il a accepté le poste de directeur des opérations de l’Académie de baseball du Canada (ABC), en septembre dernier, Jesen Therrien n’en a peut-être pas terminé avec sa carrière de lanceur.
«Be grateful, but never satisfied», expose Therrien, en utilisant une expression anglophone qu’il répète souvent aux jeunes du programme rassemblant une partie de l’élite du baseball au Québec. Traduction : sois reconnaissant, mais jamais satisfait.
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Comme il l’enseigne à ses étudiants, l’ancien lanceur des Phillies de Philadelphie, 28 ans aujourd’hui, a de la gratitude en pensant à son séjour de 15 matchs dans le baseball majeur en 2017, mais il se permet encore de rêver.
«J’ai été opéré en septembre dernier et pour l’avenir, on va voir», résume-t-il à propos de son futur dans le baseball professionnel.
«Notre plan est de le développer comme administrateur du programme, mais il a tout notre soutien dans son rêve s’il obtient l’occasion un jour de retourner sur le monticule», confirme pour sa part Maxime Lamarche, directeur général chez Baseball Québec.
L’importance de la famille
Therrien a déjà surpassé les attentes placées en lui quand il avait été rappelé officiellement dans le baseball majeur, le 28 juillet 2017. Destination: le Citizens Bank Park, à Philadelphie, avant une série de quatre matchs face aux Braves d’Atlanta. Plus tôt cette saison-là, il dominait au niveau AAA avec les IronPigs de Lehigh Valley.
«Le plus beau sentiment que j’ai vécu, ce n’était même pas sur le terrain, raconte-t-il. C’était de voir les yeux de ma blonde, de ma famille, de mes amis et de mon agent [Jethro Supré] après le premier match; c’était magique. Je n’avais même pas lancé lors de cette partie, mais je voyais leur fierté. La raison pour laquelle je me suis rendu dans le baseball majeur, ce n’est pas moi tout seul, ce sont aussi tous ceux qui ont cru en moi.»
Doux message pour les jeunes qui fréquentent l’ABC, mais aussi pour leurs parents dévoués. Ils peuvent garder ça en tête.
Freiné par les blessures
Le lendemain de son rappel, soit le 29 juillet, le grand droitier oeuvrait finalement pendant une manche dans le baseball majeur, retirant même un frappeur des Braves sur des prises au passage, soit Micah Johnson. Au fil des jours, malgré un malaise au bras, il a aussi retiré au bâton certaines vedettes comme Yoenis Cespedes et Buster Posey. Sur une moins bonne note, l’artilleur québécois a aussi accordé un circuit à Christian Yelich, entre autres.
Durant ces quelques semaines, Therrien a surtout vu sa carrière basculer en raison d’une blessure au bras droit. À la fin de la saison 2017, il a subi la fameuse opération Tommy John, qui vise la reconstruction d’un ligament au niveau du coude. Malgré tout, l’organisation des Dodgers de Los Angeles lui a offert un contrat pour les années suivantes. Son mal n’est jamais parti, en dépit du suivi médical. Sa plus récente intervention chirurgicale au bras droit, il y a six mois, lui permet toutefois de voir un peu de lumière au bout du tunnel. Sa remise en forme se poursuit.
Discipline et détermination
Un fait demeure : Therrien n’a pas joué au baseball professionnel depuis bientôt cinq ans. La tâche est colossale.
«S’il y a quelqu’un qui peut réussir un tel retour, qui a la discipline et la détermination pour le faire, c’est lui», vient noter le Québécois Alex Agostino, superviseur des recruteurs chez les Phillies et à l’origine de sa sélection en 17e ronde au repêchage de 2011.
Pour le moment, Therrien n’est toutefois plus sur le radar des différentes équipes du baseball majeur. Mais pendant ce temps, directement sous leurs yeux, les joueurs de l’ABC pourraient difficilement miser sur un meilleur modèle.
À la maison, Therrien est maintenant père de deux jeunes enfants, aux côtés de sa copine Pénélope. De quoi être satisfait, même si cela ne figure pas dans le message qu’il a toujours entretenu comme athlète. En donnant des nouvelles de sa famille, dont la petite Lily-Rose qui s’est pointée le bout du nez en parfaite santé le 20 janvier dernier, le visage de Therrien s’illumine. Dans certains cas, la reconnaissance et la gratitude prennent le dessus.
Du talent à revendre à l’ABC
S’il rêve de relancer sa propre carrière, Jesen Therrien est complètement dédié à son rôle actuel auprès des jeunes joueurs de baseball du Québec.
«Je suis extrêmement impressionné par le talent qu’on a au Québec. Le baseball ici est en très bonne santé, fait-il remarquer, en soulignant l’apport des différents programmes sport-études partout en province. Maintenant, notre mission, avec les entraîneurs [de l’Académie de baseball du Canada], est de nous assurer de donner les outils pour que les gars à 16, 17 ou 18 ans passent au prochain niveau. Il faut aussi leur donner la visibilité qu’ils méritent.»
Chez les espoirs québécois, Charles-Olivier Cyr, Elliot Cadieux-Lanoue, Jimmy Dionne, Deiten Lachance, Jérémy Pilon et Jacob Wallace comptent parmi ceux qui commencent à faire jaser.
Pour maximiser la progression des joueurs, un voyage est maintenant prévu du 16 au 28 avril, en Arizona. Les contacts de Therrien leur serviront, puisqu’ils joueront des matchs devant des recruteurs, mais ils travailleront aussi avec le Québécois Éric Gagné, véritable mentor pour l’ancien des Phillies de Philadelphie. À moins d’un changement, les jeunes devraient aussi avoir la chance de visiter un laboratoire d’entraînement sophistiqué que possède le célèbre lanceur Trevor Bauer qui, comme Gagné, a déjà remporté un trophée Cy-Young dans la Ligue nationale. Du coup, ils se familiariseront avec l’environnement des professionnels.
Sans domicile fixe
Ce séjour aux États-Unis viendra d’ailleurs à point pour l’Académie de Baseball du Canada (ABC), car le programme n’est pas choyé actuellement au Québec au niveau des infrastructures.
Pour résumer, le Complexe sportif Claude-Robillard, qui n’a d’ailleurs jamais été un centre d’entraînement conçu pour le baseball, a chassé partiellement l’ABC pour laisser la place à un programme sport-études de soccer. La raison : les jeunes joueurs de soccer s’étaient eux-mêmes retrouvés sans domicile pour s’entraîner à la suite de l’implantation d’un refuge pour itinérants dans leurs installations.
En bref, les joueurs de baseball ont dû déménager dans des solutions temporaires, se retrouvant, depuis quelques semaines, au modeste Ministry of Cricket & Other Homeless Sports. Oui, «Other Homeless Sports», ça ne s’invente pas!
Puisque des rénovations sont désormais prévues au Complexe Claude-Robillard pour les deux ou trois prochaines années, Baseball Québec cherche maintenant une solution à long terme.
«Il faut entrevoir toutes les solutions possibles, dit Maxime Lamarche, directeur général de la fédération sportive. On veut offrir à nos athlètes un environnement où ils sont entourés d’entraîneurs compétents, comme c’est le cas en ce moment, mais où ils peuvent aussi pratiquer dans de réels infrastructures de baseball.»
Un modèle à suivre serait le Stade Canac, à Québec, qui mise sur un dôme durant l’hiver.
«Cet environnement a déjà l’avantage d’exister à Québec, ce qui n’est pas le cas dans la grande région métropolitaine», ajoute Lamarche.
Pression politique
En lisant entre les lignes, on comprend qu’avant d’envisager un déménagement du programme de l’ABC dans la région de Québec, où celui des Canonniers a d’ailleurs déjà la cote, Baseball Québec rêverait qu’un maire ou une mairesse, que ce soit à Montréal, Laval, Terrebonne ou ailleurs, lève la main.
«On souhaite trouver un nouvel endroit, un centre d’entraînement digne de 2022, résume le directeur général. C’est évident que si on veut amener notre programme à un autre niveau, il faudra aller ailleurs [qu’au Complexe sportif Claude-Robillard].»