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L'article provient de 24 heures

«Je ne demande pas plus de paye, je demande 35h»: le personnel de soutien scolaire ramasse les miettes

Photo Agence QMI, JOEL LEMAY
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Photo portrait de Camille Dauphinais-Pelletier

Camille Dauphinais-Pelletier

2023-11-22T17:34:55Z
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On entend toujours dire qu'il manque de personnel dans les écoles. Une phrase qui fait sourciller plusieurs employés du personnel de soutien scolaire à qui 24 heures a parlé. Ceux-ci peinent à avoir plus de 22 ou 23 heures de travail par semaine, réparties sur cinq jours.

On retrouve ces travailleurs et travailleuses un peu partout dans l'école − auprès des élèves en difficulté, dans les services de garde, au secrétariat ou encore à la cafétéria. Et leurs conditions de travail n'ont pas de quoi faciliter le recrutement: le salaire annuel moyen est de 24 200$, sous le seuil de la pauvreté, selon des données de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

 Ils font d'ailleurs partie du personnel scolaire actuellement en grève pour demander de meilleures conditions de travail.

Des journées de travail coupées

Les journées de travail de plusieurs d'entre eux sont morcelées en petits shifts, avec de longs intervalles sans paie.

«Avec l'horaire du service de garde qui est coupé, il faut faire des tâches connexes pour arriver à un temps plein, comme du soutien au bureau. Mais ce n'est pas tout le personnel du service de garde qui est nécessaire pour faire ça», résume Dominique*. 

Celle qui travaille autour de 22 heures par semaine en service de garde dans la région de Montréal aimerait bien en faire bien plus.

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«Avec mon salaire, c’est assez difficile de vivre dignement», déplore la Montréalaise qui dit vivre d'une paie à l'autre, comme 78% des employés de soutien scolaire

«Il faut souvent faire des coupures dans quelque chose, et c’est impossible d’économiser suffisamment pour survivre pendant l’été, autant pour moi que pour mes collègues dans la même tranche salariale. (...) Pendant l’été, on doit avoir un autre emploi ou faire une demande auprès du chômage, ce qui est assez complexe en soi.»

Marie-Michelle Gemme fait de son côté 23 heures par semaine en service de garde à Mascouche. Idéalement, elle aurait un autre emploi, mais la structure de ses journées rend cela difficile. 

«Avec des enfants en garde partagée, je n’aurais plus de vie. On essaie de s’arranger, mais je dirais qu’on survit», dit-elle.

Jessica* travaille 23h15 par semaine comme concierge dans une école. 

«Comment je fais pour y arriver? Je ne fais aucune sortie, je ne voyage pas, je ne fais que travailler et manger cheap», dit-elle, précisant qu'il n'y a carrément pas d'échelons salariaux chez les concierges. Le taux horaire est de 22,59$, peu importe le nombre d'années d'expérience. 

«Donc, une personne qui travaille 15-20 ans dans un centre de services scolaires ne gagne pas plus qu'un nouveau salarié», regrette-t-elle. 

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Même auprès des élèves en difficulté

Jérémie* est technicien en éducation spécialisée et travaille dans une école primaire de Laval. Il obtient entre 20 et 28 heures par semaine, tout dépendant des shifts disponibles, et n'a évidemment aucune heure pendant les vacances d'été. Il observe qu'il y a beaucoup de demandes pour son métier, mais avec un salaire annuel net de 26 000$, il avoue avoir «un peu trop» envie de changer de branche, surtout qu'il ne sent pas que son travail est valorisé.   

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«On me demande de surveiller aux récrés ou pendant le dîner. Cependant, puisque ces heures ne sont pas considérées comme durant la période scolaire, on me coupe mon taux horaire. Je fais le même travail et on refuse de me payer mon taux horaire régulier», se désole-t-il. 

En dessous de 26h15, les employés ne sont pas considérés comme étant à temps plein et n'ont donc pas accès à une permanence − c'est le cas de 60% d'entre eux. Chaque été, leur poste est coupé, et ils n'ont aucune garantie qu'ils auront des heures à la rentrée suivante. 

Lucie* fait partie des «chanceuses» qui ont un poste permanent. Mais les 30 heures par semaine que lui donne son employeur ne suffisent pas à payer ses factures. Résultat: cette éducatrice spécialisée doit occuper un second emploi − durant la fin de semaine, étant donné que ses 30 heures sont réparties sur cinq jours. 

«J'adore ce métier, mais lorsque nous travaillons seulement 30 heures par semaine, après avoir tout payé, il ne nous reste plus rien», dit celle qui fait ce métier depuis 30 ans. «Je ne demande pas plus de paye, je demande 35h.»

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Des conditions bien moins bonnes que les profs

Sans dénigrer ses collègues enseignantes et enseignants ni leurs revendications, elle déplore l'écart salarial entre les deux corps de métier. 

«Notre travail n'est pas reconnu. Ça reste que les profs ont des salaires décents, avec près de 93 000$ au top des échelons. Moi, je suis au top des échelons et je ne fais même pas 60 000$ par année − et j'ai quand même une grosse tâche, je travaille avec des élèves en difficulté, ou qui sont sur le spectre l'autisme», dit-elle.

Lucie remarque que malgré les besoins dans les écoles, il y a de moins en moins de postes permanents. 

«Ça me fâche. Ils vont donner un petit 5h ici et là, créer un poste d'éducatrice spécialisée de 10h... et même si on obtient juste un poste de 15h, c'est 15h réparties sur cinq jours. Ça nous empêche de trouver un autre travail», dit celle qui observe fréquemment ce genre de situation chez ses collègues. 

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*La plupart des gens à qui nous avons parlé souhaitent garder l'anonymat, de peur de subir des représailles de la part de leur employeur ou de leurs collègues.

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